Liverpool, à la recherche de la Rédemption

Ce samedi soir, Liverpool s’attaque à sa deuxième finale consécutive de Ligue des Champions, titre après lequel le club anglais court depuis quatorze ans. Mais, malgré des périodes de vaches maigres, le LFC continue de faire saliver. Retour sur une fascination sans faille, en compagnie de Gérard Houllier, ancien coach des Reds.

Il aura suffi de quelques heures. Alors que la grand-messe du football mondial, soit la finale de la Ligue des Champions, se déroule ce samedi soir à Madrid, la ville de Liverpool risque une nouvelle fois de virer au rouge complet. Dans la foulée de la qualification de son équipe phare, le Liverpool FC, tombeur héroïque du Barça en demi-finales, les réservations d’hôtels et autres couchettes dans le berceau des Beatles partent comme des notes de guitare. En rythme : saturation des réseaux, flambée des prix, activation de solutions parallèles… En ce long weekend de l’Ascension, les supporters liverpuldiens venus des quatre coins de l’Europe affluent massivement dans la cité portuaire du Nord-Ouest de l’Angleterre pour espérer vivre une rédemption, un retour en grâce officiel, dans le terreau de la passion Red. Devant les écrans géants, placés dans trois endroits stratégiques, les autorités attendent une affluence de plus de 11.500 personnes et ce, sans compter les pubs du quartier central de la célèbre Mathew Street. Autant dire que les Scousers, qui n’ont plus remporté le titre national depuis vingt-neuf ans et celui continental depuis quatorze, continuent de fasciner, plus que jamais.

L’Europe pour passion

Troisième club le plus sacré d’Europe, deuxième entité la plus récompensée d’Angleterre. Avec ses cinq Ligues des Champions et ses dix-huit championnats britanniques, le Liverpool FC fait figure de mastodonte sur la planète du ballon rond. Mais, plus que cela, il se classe parmi ces institutions « à part ». « Liverpool a gagné des Coupes d’Europe quand la télé couleur a fait définitivement son apparition dans les foyers, ce qui a provoqué un intérêt accru chez les passionnés de football entre la fin des années 1970 et les début des années 1980 », tente Gérard Houllier, technicien français à la tête du squad liverpuldien de 1998 à 2004. « Je pense que la popularité et l’amour des fans viennent de cette bonne période. » Une époque glorieuse validée par quatre trophées en sept ans dans la reine des compétitions européennes (1977, 1978, 1981, 1984). Trois saisons après son arrivée sur les bords de la Mersey, Gérard Houllier soulève la Coupe de l’UEFA, moins prestigieuse, mais toute aussi nécessaire pour le peuple des « Scousers« , alors à la recherche de joies similaires depuis dix-sept printemps. Surtout, il doit passer par une finale interminable, gagnée 5-4 au bout de la nuit du 16 mai 2001, après prolongations, contre les Espagnols d’Alavés. Un match fou qui constitue parmi tant d’autres l’ADN de Liverpool et une délivrance après une longue pénitence, qui n’est pas sans rappeler celle que traverse actuellement l’entité d’Anfield. Son dernier sacre du genre remonte à 2005, grâce à l’une des finales les plus spectaculaires de l’Histoire du jeu. Menés 3-0 à la mi-temps par le grand Milan AC, les Reds recollent au score pour l’emporter aux tirs au but, portés par une imposante vague rouge de supporters. « C’est un club qui aime l’Europe, qui ne néglige pas les compétitions continentales et qui est fier d’y avoir de la réussite. Quand on a gagné l’UEFA, on nous a dit : « Vous avez remis Liverpool sur la carte européenne« . C’était très important pour eux », reprend Houllier, qui préfère se tourner vers le présent. « Parce qu’il est beau. Le passé, c’est une chose, mais actuellement, l’équipe est extrêmement dynamique, énergique, avec plein de talent sur le plan offensif, mais aussi défensif. C’est une des équipes les plus performantes en Europe et c’est surtout cela qu’il faut retenir. » Déjà finalistes l’an dernier, défaits par le Real Madrid (3-1), les hommes de Jürgen Klopp s’appuient encore et toujours sur son trio de choc en attaque, Salah-Firmino-Mané, mais peut désormais compter sur une défense de fer. Virgil Van Dijk, recruté à un prix record pour un défenseur et élu meilleur joueur de Premier League, et Alisson, deuxième transfert le plus onéreux de l’histoire en ce qui concerne un gardien, démontrent tour à tour leur rentabilité.

Une affaire de famille

Un vent de fraîcheur souffle clairement sur Liverpool. La ville, attachée à son passé ouvrier, orpheline de son Captain Fantastic Steven Gerrard et qui ne demande qu’à glorifier les enfants de ses rues au pavé mouillé, tient sa nouvelle icône en la personne de Trent Alexander-Arnold. À 20 ans, le natif du cru, au club depuis ses six printemps, va sans nul doute devenir le plus jeune joueur de l’histoire à disputer deux finales de Ligue des champions consécutives. En demi-finale, c’est lui qui délivre les Scousers, d’un éclair de génie sur un corner rapidement tiré en direction du Diable rouge Divock Origi. Buteur pour sa première dans la compétition, en août 2017, il n’a plus jamais été éliminé depuis. « Liverpool a besoin de ce genre de personnages », souligne Gérard Houllier, « accepté » par la grande famille des Merseysiders dès sa première conférence de presse, lors de laquelle il explique avoir réalisé une étude sociologique sur un quartier défavorisé de la ville. « Il faut être accepté par les fans. Le fait que je parle aussi des matches que j’ai passé dans le Kop (tribune mythique d’Anfield, ndlr) ou que je puisse citer des noms de buteurs m’a aidé. J’étais surtout le premier entraîneur « étranger » après des coaches légendaires comme Bill Shankly, Bob Paisley, Graeme Souness ou Kenny Dalglish. Aujourd’hui, Klopp est accepté comme un local. Il leur ressemble en tous points : il est spontané, sincère, drôle, plein de fougue et d’énergie. Cette forme d’enthousiasme se retrouve sur le terrain. » L’Allemand, déjà rodé par son expérience à Dortmund, l’a compris dès sa signature en octobre 2015. En cultivant une image de « Normal One », surnom dont il s’est lui-même affublé, jamais avare d’une bière ou deux, chantant avec les supporters le classique You’ll Never Walk Alone, il s’est taillé un totem d’immunité renforcé par des résultats références et une continuité qui faisait défaut dans l’antre du Liver bird. Pour autant, il s’attaque ce samedi à sa troisième finale de C1, après avoir perdu les deux précédentes et à peine auréolé du titre bâtard de « meilleur dauphin de l’histoire » de la Premier League, malgré la bagatelle révélée insuffisante de 97 points. L’ancien de Mayence doit ainsi se détacher d’une étiquette de « loser », que les détracteurs de Liverpool, qui reste sans trophée depuis 2012, aiment rabâcher. Mais qu’importe. « Ce qui m’a frappé là-bas, c’est la force des supporters. Ils aiment beaucoup leurs joueurs, leurs entraîneurs, et ils ne les laisseront jamais tomber quand ils sont en difficulté », prêche encore Houllier, qui sent battre très fort le coeur rouge lors de son retour à Anfield, début 2002, suite à une absence de cinq mois due à une dissection aortique. « Il y a des You’ll Never Walk Alone qui sont différents », souffle-t-il. « C’était une façon de me dire qu’après des moments difficiles, on peut toujours apercevoir un coin de soleil. » Et peut-être une sixième coupe aux grandes oreilles…

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