© Jan-Dirk Bouw

Les tribunes des stades de foot, chroniques de l’homophobie ordinaire

« Pédé », « tarlouze », « tapette »… Dans les stades de foot, les insultes homophobes sont employées depuis des décennies pour désarçonner l’adversaire, au grand dam des associations LGBT, qui demandent des sanctions.

Le 11 décembre dernier, le PSG célèbre sur les réseaux sociaux le retour de ses ultras au Parc des Princes, après des années d’absence: « Les supporteurs donnent déjà de la voix ». Mais la vidéo accompagnant ce tweet fait scandale. Car les ultras scandent: « Les Niçois, c’est des pédés ». Le PSG plaide « l’étourderie ».

Un mois plus tard, un septuagénaire toulousain porte plainte pour des menaces de mort homophobes proférées lors d’un match opposant son club à l’Olympique de Marseille. Selon son avocat, une vidéo diffusée sur internet ferait entendre des slogans du type « Toulousains pédés » ou « Toulousains enculés, on va vous tuer » hurlés dans les rangs marseillais.

Les ultras phocéens s’illustrent à nouveau en avril en chantant « Il faut tuer ces pédés de Stéphanois ». Une vidéo les montre toutefois en train de s’égosiller dans un stade Vélodrome vide, vraisemblablement après le match.

« Pour nous, +pédé+, c’est comme +connard+. C’est un terme vexant, injurieux. L’invective n’est pas envers la communauté homosexuelle », explique à l’AFP Michel Tonini, le président des Yankees, un groupe de supporteurs marseillais. Le verbe « tuer » est selon lui « symbolique ». « Il y a dans le sport une projection de la guerre », « mais on se bat par procuration. »

Tout cela est « très présent dans toutes les tribunes françaises », un univers « profondément machiste et misogyne », où l' »on cherche à questionner la virilité de l’adversaire » pour le « déstabiliser », analyse le sociologue Ludovic Lestrelin. Mais, « dans un temps de suspension extraordinaire des codes sociaux », où « l’outrance » devient la règle, « il ne faut pas prendre au premier degré tout ce qui est dit en match », avertit-il.

Aucun des clubs concernés n’a saisi la justice, ni les instances du football, pour ces faits.

« Quand il y a des chants racistes, la Ligue (de football professionnel – LFP) agit tout de suite. Mais contre l’invective homophobe, c’est le silence total », s’agace Julien Pontes, porte-parole du collectif LGBT Rouge direct.

‘Sanctions dissuasives’

Seule exception selon lui, l’ancien président de Montpellier Louis Nicollin, récemment décédé, avait été frappé en 2009 de deux mois ferme d’interdiction de toute fonction officielle pour avoir traité un joueur adverse de « petite tarlouze ». Il s’était excusé, participant ensuite à une campagne anti-homophobie de la Ligue. « Il faut instaurer des sanctions dissuasives pour les faits homophobes », affirme Julien Pontes.

Les dirigeants du foot ont longtemps ignoré la question. En 2010, l’ex-président de la Fédération française de football (FFF – qui gère le monde amateur) Jean-Pierre Escalette refusait de signer une charte contre l’homophobie, arguant qu’il ne souhaitait pas « créer de problèmes là où il n’y en a pas ».

La FFF a finalement signé la charte en 2012. L’homophobie y est aujourd’hui traitée « sans aucune ambiguïté », affirme Victoriano Melero, son directeur général adjoint.

Soixante-quatorze actes « discriminatoires », toutes discriminations confondues, ont été répertoriés sur plus d’un million de matches organisés en 2016-2017 par la Fédération. Qui a adopté un nouveau barème de sanctions en mars. Tout « propos, geste ou attitude » homophobe est désormais passible de 10 matches à 5 mois de suspension.

Et la LFP indique avoir « sanctionné à plusieurs reprises certains clubs suite à des banderoles homophobes », les amendes infligées allant de 5.000 euros avec sursis à 20.000 euros ferme.

Fédération et Ligue misent aussi sur la prévention. Alors qu’un programme éducatif fédéral, disposant d’un volet sur l’homophobie, touche près de 800.000 jeunes amateurs, le projet « Open football club » vise à « ouvrir l’esprit » des pensionnaires des centres de formation ou des pôles espoirs.

« On part des discriminations raciales pour arriver aux propos homophobes. Ils comprennent très bien le cheminement », expose Guillaume Naslin, délégué général de Fondaction, qui en a la charge.

« Le football ne peut toutefois pas tout faire, tout régler », insiste Victoriano Melero. L’homophobie est « une problématique de société », « qui dépasse le cadre du sport. »

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