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Le système Radja

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Débarqué à l’Inter l’été dernier, Radja Nainggolan n’a pas tardé à s’installer dans le poste de pilotage du vaisseau bleu et noir.

La crête a disparu, en même temps que le maillot giallorosso. Comme si Radja Nainggolan avait définitivement tourné la page d’une aventure romaine conclue sur la pointe des pieds. Poussé vers la sortie par un club qui craignait que sa valeur marchande décroisse en même temps que son rendement physique, le Ninja a refusé les ouvertures étrangères proposées par sa direction et a pris le chemin de l’Inter, pour y retrouver un projet taillé à sa mesure par Luciano Spalletti.

À l’Inter, Radja a un rôle de plus en plus éloigné de celui d’un milieu de terrain, pour se rapprocher du registre d’un attaquant.

Le coach des Nerazzurri est à l’origine du dernier grand déclic de la carrière de Radja. Quand les deux hommes ont été associés au Stadio Olimpico, les chiffres de l’Anversois ont connu une ascension vertigineuse. Nainggolan a conclu la saison 2016-2017 avec 14 buts et 7 passes décisives au compteur, dans un rôle taillé sur mesure pour ses qualités.

Lors d’un précédent passage à Rome, Spalletti avait déjà altéré la trajectoire légendaire de Francesco Totti, plaçant l’ Imperatore dans un rôle de  » faux neuf  » qui lui avait permis de décrocher le Soulier d’or européen en 2007, avec 26 buts marqués. Le coach avait alors employé une métaphore restée dans les mémoires italiennes :  » Il fallait rapprocher le renard du poulailler.  »

Nainggolan, lui aussi, avance sur l’échiquier. Spalletti le transforme en mediapunta, qui fait le ménage derrière Edin Dzeko, récupérant les ballons plus haut du but adverse et limitant le besoin d’une possession de qualité pour se créer des occasions franches. À l’Inter, la place de milieu offensif, dans le dos de Mauro Icardi, se cherchait justement un locataire.

Adoubé par les chiffres

Privée de son Ninja, blessé, pour les deux premiers matches de la saison italienne, l’Inter a peiné à confirmer son statut, acquis au cours d’un ambitieux mercato, de principal challenger de la toute puissante Juventus, auréolée de sept Scudetti consécutifs. Battus par un séduisant Sassuolo, puis accrochés par Torino, les Nerazzurri avancent un bilan d’un point sur six au moment d’affronter Bologne.

Pour sa première sortie officielle en bleu et noir, dans un match où les Interistes sont privés de leur capitaine et buteur Mauro Icardi, Radja fait sauter le coffre-fort du Stadio Renato Dall’Ara. Un contrôle approximatif au bout d’une passe de Matteo Politano, qui transforme l’enchaînement du Ninja en une sorte de reprise de volée claquée dans le coin du but.

Radja est là, et l’Inter gagne enfin. Une nouvelle constante, comme le relèvent les chiffres mis en lumière par la Gazzetta dello Sport. Avec son Belge, l’Inter a engrangé 24 points sur les 27 mis en jeu en championnat. Sans lui, le bilan est seulement de 4 points sur 12.

Le refrain réapparaît en Ligue des Champions. Radja n’était pas du déplacement au Camp Nou, seule défaite européenne des Nerazzurri cette saison. Il était par contre titulaire lors des trois autres rencontres du grand bal continental. Avec sept points sur neuf à la clé.

Le nouveau Stankovic

 » C’est le nouveau Dejan Stankovic de l’Inter « , résume Marco Materazzi, au moment d’énumérer les qualités de la recrue phare de l’été bleu et noir.  » Il récupère des ballons, il repart, il élimine, il frappe et il marque.  » Un homme à tout faire, qui semble parfois jouer son match à lui seul, comme s’il était débarrassé de toute idée collective.

Difficile de jouer avec Nainggolan si on ne joue pas pour Nainggolan. C’est, en substance, ce que disait Roberto Martinez en justifiant l’absence du Ninja dans sa liste de 23 noms pour l’été russe : Radja est trop important pour se contenter d’un second rôle.

L’Inter, justement, avait de la place à lui offrir. Un gouffre à combler, entre un milieu de terrain défensif où Matias Vecino et Marcelo Brozovic ne sont pas les plus grands créateurs de jeu du Calcio et un attaquant qui ne s’exprime jamais mieux que dans la surface adverse.

La saison dernière, l’Inter devait donc forcément passer par les côtés pour marquer, activant presque trop souvent les courses et les centres d’Ivan Perisic pour offrir des ballons de but à Mauro Icardi. Avec onze passes décisives sur la saison, le Croate était incontournable dans le système offensif des Nerazzurri.

Footballeur anarchique

Radja Nainggolan a rapidement changé la donne, assurant les transitions dans un rôle de plus en plus éloigné de celui d’un milieu de terrain, pour se rapprocher du registre d’un attaquant. Avec 1,3 tacle par rencontre, le Ninja n’a jamais sorti si rarement les lames depuis son émergence dans le Calcio.

Il atteint aussi sa moyenne la plus basse au niveau du nombre de passes par rencontre (31,9), comme s’il abandonnait progressivement toute idée de gestion du jeu pour se focaliser sur sa finalisation. Un rôle taillé sur mesure par Luciano Spalletti, qui tire à profit le football anarchique de son Belge pour mettre la pression sur des défenses italiennes rarement à l’aise quand on les oblige à augmenter l’intensité et le rythme de leur relance.

Les pertes de balle se multiplient, et profitent notamment à Perisic et Politano, lancés dans le dos des défenseurs quand Radja griffe la relance adverse.  » Spalletti sait comment me prendre « , a raconté Nainggolan dans les pages de la Gazzetta avant un derby qu’il a quitté blessé suite à un contact avec Lucas Biglia.

 » À Rome, il a pris sur son temps libre pour me protéger des critiques. J’ai mes côtés négatifs, mais ça me plaît de toujours vivre au maximum.  » Une intensité que le Mister de l’Inter a renoncé à canaliser, pour l’installer en principe fondateur de son équipe. Radja court partout, et les autres s’adaptent. Même la star de l’équipe s’en accommode. Parce que Mauro Icardi n’exige pas grand-chose du jeu des siens. Juste quelques ballons qui traînent dans la surface…

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