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Le système du Barça, c’est le roi Léo

Si le FC Barcelone s’est qualifié pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions et lutte pour le titre en Espagne, c’est de nouveau en grande partie à Lionel Messi qu’il le doit.

Depuis le début de la saison, il est, chaque semaine, le premier à monter sur le terrain. Cela fait partie de ses obligations de capitaine. Après le départ d’ Andrés Iniesta, c’est lui qui a hérité du brassard. Avant cela, il était toujours le dernier à sortir du tunnel.

Hormis ce détail, important tout de même, son rituel n’a pas changé. Le monde entier a toujours les yeux fixés sur lui. Le téléspectateur le suit des yeux. À son approche, les mascottes s’agitent.

Des joueurs se font l’accolade, des crampons battent le sol, l’assistant-arbitre effectue une dernière inspection puis les voix d’enfants montent dans les aigus : Messi ! Messi ! Messi ! Des garçons et des filles crient, le montrent du doigt, le regardent et se sourient en trahissant un message secret : c’est bien lui, il est là.

C’est avec un ballon aux pieds que Lionel Messi se sent le mieux. La pureté de son jeu étonne. Sa simplicité aussi. Même si on ne tient compte ni de ses buts, ni de ses assists, on peut le qualifier de phénomène. Il est incomparable et ça le rend mystérieux.

Ses passes en profondeur, ses dribbles, ses feintes, ses buts, ses assists, ses contrôles et ses touches de balle… Chaque action de Messi relève du don inné. Avec lui, l’inhabituel devient commun, au point qu’il n’a jamais l’air de se soucier de rien.

Il trouve des solutions dans des passes que personne n’aurait osé imaginer. Si le ballon va trop vite, il lui donne un effet spécial destiné à le ralentir et le reste va de soi. Il sert ses équipiers sur un plateau d’argent.

À Barcelone, le football commence et se termine dans les pieds de Messi. Son influence sur l’ensemble de l’équipe est tellement grande qu’elle doit avoir quelque chose d’intimidant. Il a été absent du terrain pendant quelques semaines en raison d’une fracture du bras mais si vous regardez le classement des buteurs et des assists de Primera División, il est là, dans le top 3.

Messidependencia

Au cours de sa dernière saison à Barcelone, Pep Guardiola a constaté qu’il avait créé un monstre et ne savait plus qu’en faire. C’était il y a six ans et demi et rien n’a changé depuis. Ernesto Valverde doit aussi trouver chaque semaine les mots pour souligner la prestation d’un seul joueur.

Début octobre, après le match de Ligue des Champions face à Tottenham, il a dû affronter une salle de journalistes anglais ébahis qui, dès la première minute de jeu, avaient vu Messi prendre à contre-pied toute la défense et le gardien des Spurs, d’une seule passe.

Le reporter du Daily Telegraph avait commencé son texte comme ceci : What do you do when the best player in the world, the best player ever, is on a mission ? What do you do when Lionel Messi plays like this ?

Un peu plus loin, on pouvait lire : So superior were Barcelona or – rather – so superior was Messi. It was 96 magical touches by one player. Le pire, dans tout cela, c’est que Messi n’avait pas mieux joué que d’habitude.

Il avait tiré deux fois sur le montant et râlait sans doute de ne pas avoir inscrit trois buts, comme il l’avait fait plus tôt face au PSV. Lors des deux premières journées de Ligue des Champions, l’algorithme du site de statistiques whoscored.com lui avait attribué deux fois la note de 10.

Ses équipiers se sont habitués à sa présence. Cela fait plus de dix ans que, lorsque Barcelone traverse une période difficile ou est éliminé de la Ligue des Champions, on parle de Messidependencia.

Pas besoin de faire un effort pour constater combien le Barça dépend de Messi. Il est le coeur de l’équipe et même de tout le club. Pour l’entraîneur, ce n’est pas évident. Il doit conserver l’équilibre entre les souhaits d’un seul joueur et les besoins de l’équipe.

Actuellement, et plus que jamais, Barcelone, c’est le FC Messi, même si le club a remporté quatre des cinq matches au cours desquels il était absent et a perdu 3-4 face au Betis le jour de sa rentrée.

En otage

La Messidépendance constitue à la fois la grande force et la grande faiblesse de l’équipe. Mark van Bommel, l’entraîneur du PSV, savait que les Catalans étaient fragiles sur les flancs et que Gerard Piqué manquait de vitesse en reconversion défensive.

N’importe quel entraîneur de Liga le sait. C’est en partie à cause de cela que Barcelone a déjà perdu pas mal de points en championnat. Lors de chaque match, c’est Messi qui décide si on parlera de crise en Catalogne ou pas.

Ce n’est pas vraiment normal mais son talent tient un peu le club en otage. Ivan Rakitic, par exemple, ne songerait jamais à botter un coup-franc. Voici peu, il a dit sur le ton de la plaisanterie que, quand son équipe bénéficiait d’un coup-franc, il cherchait à quel endroit il allait aller célébrer le but.

Messi est dans la tête de ses équipiers, un peu comme quelqu’un qui joue à la PlayStation et est toute l’équipe à lui tout seul. Messi est le plan A, le plan B et le plan C. Barcelone n’a pas de système ni de style de jeu. Le système, c’est Messi.

Dès qu’il a pris les commandes de l’équipe, il y a un an et demi, Ernesto Valverde s’est plié à cela. Aucun entraîneur de Barcelone ne peut faire autrement. En conférence de presse, le moment où Valverde parle de son meilleur buteur et meneur de jeu sonne comme un refrain :

 » Entraîner Messi, c’est un soulagement « , a-t-il dit le jour de sa présentation en Catalogne.  » Ça veut dire qu’on ne l’a plus comme adversaire. Car quand on vient ici à la tête d’une autre équipe, la seule question qu’on se pose, c’est : comment l’arrêter. Et on n’a pas suffisamment de joueurs pour cela. Maintenant, je dois m’adapter à la façon dont il s’entraîne et profiter de ce qu’il apporte.  »

Insaisissable

Regarder Messi peut être déstabilisant car il ne fait aucun effort pour montrer qu’il est génial. C’est inné. Il ne s’élève jamais pour contrôler un ballon. Son jeu n’est pas provocateur. Il lui arrive régulièrement de faire des petits ponts. Pas pour humilier son adversaire mais parce que c’est la façon la plus facile et la plus efficace de se faire de l’espace pour trouver un partenaire. Sa simplicité est insaisissable.

Guardiola l’a dit il y a un an lors d’une interview à une radio catalane :  » Ce qu’il y a de bien, avec Messi, ce n’est pas les choses exceptionnelles qu’il fait « , explique l’entraîneur de Manchester City.  » Ce qui est formidable, avec lui, c’est qu’il fait les choses simples comme personne ne parvient à le faire. Personne !

Comme disait Johan Cruijff : Le football est un sport simple mais il est difficile de jouer simplement. Il ne rate jamais un contrôle ou une passe, des choses qu’on apprend quand on est enfant et qui doivent rester simples. Et je ne parle même pas de la façon dont il passe trois hommes, de ses buts, et des autres choses que nous le savons capable de faire parce qu’il le fait depuis plus de dix ans.

Si on veut que Messi apprenne quelque chose aux enfants, on doit leur montrer les choses faciles qu’il fait mieux que n’importe qui. Tout le monde complique, veut ajouter quelque chose. Lui pas, il joue simplement. Le regarder jouer est un privilège. J’essaye de ne manquer aucun match de Barcelone car je sais que, lorsqu’il ne sera plus là, nous perdrons quelque chose que nous ne retrouverons plus.  »

Assis à le regarder, on pourrait se dire que son génie va finir par résoudre n’importe quelle situation. Il traverse parfois le terrain avec la simplicité de quelqu’un qui traverse son jardin pour aller déposer un sac-poubelles dans un container, comme s’il avait la tête ailleurs. Les statistiques de la Ligue des Champions démontrent d’ailleurs que, la plupart du temps, l’Argentin est le joueur de champ qui court le moins.

Lors de chaque match, c'est Messi qui décide si on parlera de crise en Catalogne ou pas.
Lors de chaque match, c’est Messi qui décide si on parlera de crise en Catalogne ou pas.© belgaimage

Merci Messi

Barcelone, c’est Messi et on en a encore eu la preuve fin septembre lors du match opposant les Catalans à l’Athletic Bilbao. Beaucoup de touristes prennent un billet d’avion et achètent un billet au Camp Nou pour avoir l’occasion, une fois dans leur vie, de voir jouer Messi. Mais ce jour-là, grosse déception : il était sur le banc.

À plusieurs reprises, le réalisateur le montrait en gros plan. Après le 2-2 contre Gérone et la défaite 2-1 à Leganés, Valverde avait osé retirer son meilleur joueur. Au stade, tout au long de la première mi-temps, l’ambiance était tendue. Elle devenait même glaciale lorsque, à quelques minutes du repos, Bilbao ouvrait le score.

Pour le premier moment d’émotion, il fallait attendre qu’un des adjoints fasse signe à Messi d’aller s’échauffer. Et au moment où il quittait son siège, le stade explosait. Le match ne commençait véritablement que lorsqu’il remplaçait Arturo Vidal, à la 55e minute. C’était comme si quelqu’un avait branché la prise : tout se mettait soudain à fonctionner, Barcelone jouait enfin au football.

Cela s’entend souvent dans les tribunes du Camp Nou, c’est la conclusion des journalistes, des entraîneurs, de ses partenaires et de ses adversaires après chaque match, cela se voit au regard des enfants dans le tunnel des joueurs : Barcelone, c’est Messi, Messi et encore Messi. Jusqu’au jour où il se retirera. Alors, nous perdrons quelque chose que nous ne retrouverons plus jamais.

Le système du Barça, c'est le roi Léo

Suleyman Öztürk

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