Swann Borsellino

La Super League, un sacré Footbrol

C’est peut-être encore plus drôle de l’avoir appris en préparant un Bruges-Mouscron et un OHL-Waasland. Ce dimanche, alors que j’avais l’honneur, pour ma première année belge, de prendre part au multilive de la dernière journée de D1A, mon GSM n’arrêtait pas de vibrer dans le studio. Successivement, un groupe d’amis, puis mon père, puis d’anciens collègues de So Foot. Il était encore tôt dans l’après-midi, alors je me suis demandé s’il n’était pas question du Grand Prix d’Imola, d’une crevaison d’ Alaphilippe sur l’Amstel Gold Race ou même d’un coup extraordinaire de Stefanos Tsitsipas. Mais comme dans les films, quand votre téléphone sonne un peu trop à un moment où tout le monde sait que vous n’êtes pas disponible, il s’agit d’un décès: ce dimanche, le foot est mort. Mort assassiné et l’avantage, c’est qu’il n’y a pas besoin d’enquête: on connaît les coupables.

Mais au fond, ce sport, ces dirigeants le détestent, sinon ils seraient capables de comprendre qu’on n’a pas tous envie de regarder des Real Madrid – Inter toutes les semaines.

Je n’ai pas de formation médicale, mais pratiquons quand même une brève autopsie. C’est « un foot » qui est mort, et pas « le foot ». En l’occurrence, celui avec lequel beaucoup d’entre nous avons grandi et dont, il faut bien le dire, la santé n’a cessé de se dégrader et pas uniquement à cause des coupables mentionnés ci-dessus, mais aussi à cause de ceux qui aujourd’hui se dressent en grands défenseurs d’un football romantique: ces messieurs de l’UEFA. En effet, quand les premiers n’ont cessé de creuser eux-mêmes la tombe du football européen, au hasard en s’endettant ou en confiant des institutions historiques à des propriétaires que ladite histoire n’intéresse pas, les seconds ont laissé leur produit mourir à petit feu, sans jamais se demander s’il n’y avait pas mieux à faire. Résultat, les amoureux du football se sont retrouvés à assister, dans le salon familial, à une dispute entre leurs parents, comme d’habitude, sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Car comme pour l’organisation de la Coupe du monde au Qatar, outre un éventuel boycott devant la télé ou boycott physique, supporters et joueurs – ceux qui font le foot, en somme – ne peuvent qu’admirer les dirigeants se battre à coups de chiffres, de zéros sur des chèques, de PowerPoint et de PDF, bref, des bouts de papiers et des données à l’intérieur desquelles aucun coeur ne bat. Des dirigeants qui disent aimer le foot comme un enfant dit qu’il aime les légumes: juste parce que ça fait bien. Mais au fond, ce sport, ils le détestent, sinon ils seraient capables de comprendre qu’en dépit d’un monde qui change et dont il faut accepter les changements sous peine de devenir un vieux con, les « millions de fans de foot » chers à Florentino Pérez n’ont pas tous envie de regarder des Real Madrid – Inter et des Manchester United – Liverpool toutes les semaines.

Car c’est leur grand argument: les matches de poules de Ligue des Champions ne font plus autant d’audience qu’ils le voudraient. Pour eux, l’intérêt global des fans serait acceptable à partir des quarts de finale de la compétition, où se déroulent généralement les « chocs ». Albert Einstein, ou Andrea Agnelli, c’est selon, a donc eu une idée de génie dans son laboratoire où ses enfants, qui « n’arrivent pas à regarder nonante minutes d’un match », font apparemment figures de cobayes: une ligue semi-fermée où on aurait droit à des chocs toutes les semaines, un peu comme s’il y avait des frites à la cantine tous les jours (et qu’on finirait évidemment par se lasser des frites). Je ne suis pas fermé à l’évolution du sport dont je suis amoureux depuis que j’ai des souvenirs. Mais croire (ou faire croire) que c’est cette répétition de rencontres entre grands qui va passionner les foules alors même que c’est la rareté de ces confrontations qui ont fait les lettres de noblesse de notre sport, c’est quand même se mettre le doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Ce n’est que mon avis, il ne regarde que moi. Toujours est-il que j’ai été tout heureux, après la lecture des innombrables messages reçus sur mon GSM, d’assister à la bataille à distance pour le maintien entre Mouscron et Waasland. Un football qui fait peut-être moins d’audience, mais un football qui me ressemble. Si ce brol peut avoir comme effet de renforcer l’identité et la passion autour du foot national, au fond, je ne suis pas contre.

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