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La patience de Pep: comment Manchester City a réussi sans attaquant

Il n’y a pas de grande équipe sans grand attaquant, affirmait jadis Raymond Goethals. Pep Guardiola et Manchester City prouvent le contraire: on peut aussi gagner grâce à son entrejeu et avec la possession du ballon.

Chelsea a beau avoir surpris Manchester City ce week-end, le troisième titre en quatre saisons des Skyblues ne fait plus de doute une machine à calculer à la main. Ce sera(it) le neuvième sacre pour Pep Guardiola, après ceux conquis avec le Barça et le Bayern. El Noi de Santpedor (le garçon de Santpedor, en VF) a toujours le vent en poupe: quatorze trophées avec le Barça, sept avec le Bayern, et pour l’instant neuf avec City, en attendant la passe de dix. Il pourrait même en ajouter un onzième: la Champions League. Au Bayern, son prédécesseur l’avait remportée, et son successeur aussi, mais pas lui. Ce qui fait dire à certains que Pep a échoué en Bavière. Ce dernier a l’occasion de remettre les pendules à l’heure à Istanbul.

Le 0-2 à Crystal Palace, il y a dix jours, a permis d’établir quelques records. Et d’en égaler un qui avait déjà été établi précédemment sous Guardiola: onze victoires consécutives en déplacement. Ce record pourrait être battu, puisque City doit encore se déplacer à Newcastle et à Brighton. Le 0-2 a aussi permis de fixer le nombre de buts inscrits par City sous Guardiola à 700, toutes compétitions confondues, en 288 matches. À titre de comparaison (même si toutes les équipes n’ont pas joué le même nombre de rencontres): Liverpool a inscrit 543 buts depuis 2016, Tottenham 532, et Arsenal 522. Chaque saison depuis l’arrivée du Catalan, City a terminé devant les voisins de ManU, à la grande joie des supporters.

Patience

Cette saison, c’est un autre City qui s’apprête à devenir champion: une équipe patiente, qui monopolise le ballon. Ce système a bien fonctionné en championnat, durant les mois d’hiver, et Guardiola a utilisé la recette en Ligue des Champions au printemps. Pas de précipitation, ni de rouleau compresseur comme autrefois, mais un waiting game, un passing game.

Après la victoire à Aston Villa, où City est parvenu à revenir au score puis à l’emporter en se montrant patient comme il l’avait fait à Paris, The Athletic a établi un bilan. Si l’équipe avait réussi quinze passes de plus dans les Midlands, elle aurait déjà franchi le cap des 20.000 passes (en 32 matches de championnat). Chelsea, qui a aussi changé de style sous Thomas Tuchel, a totalisé 17.823 passes durant cette même période, et Liverpool 17.562. Les 15.195 passes de Manchester United et les 14.151 d’Arsenal démontrent aussi la différence de style avec ces deux dernières équipes. Le City de Guardiola essaie de prendre la mesure de l’adversaire par son jeu de passes et sa possession du ballon. Avec un pressing et une récupération rapide, puis en faisant tourner le cuir, jusqu’à ce qu’une ouverture se présente, ou que l’adversaire se fatigue.

Tout ça rend City un peu plus ennuyeux et coûte aussi du temps de jeu à certains joueurs, car Guardiola effectue moins de rotations. Raheem Sterling en est un bon exemple. Jusque début mars, il avait livré une excellente saison, avec quelques points d’orgue: cinq buts et deux assists en huit matches en octobre, six buts et deux assists en neuf matches en janvier-février. Mais ces dernières semaines, l’Anglais se retrouve sur le banc, et n’est titularisé que lorsque Guardiola aligne son « équipe B », avant les échéances européennes. C’est le cas aussi pour Sergio Agüero et Ferran Torres. La raison: Sterling est, en raison de son style de jeu, le joueur qui perd le plus le ballon, et de loin. Le numéro 2 de la liste, Kevin De Bruyne, suit à bonne distance. Le passing game actuel ne nécessite ni dribbleur ni joueur qui prend le dessus par sa vitesse.

Pour l’instant, Pep préfère aussi jouer sans numéro 9. Avec Riyad Mahrez plutôt que Sterling. Et avec Phil Foden et Bernardo Silva plutôt que Gabriel Jesus et Agüero.

Stabilité défensive

Avec le recul, on s’aperçoit que le 27 septembre 2020 a marqué un tournant dans la saison de City. Ce dimanche-là, on a appris que Rúben Dias quitterait Benfica pour rejoindre les Skyb lues. Un défenseur central de plus acheté à prix d’or par Guardiola, se sont moqués certains détracteurs, alors que sa défense est toujours aussi perméable. Ce dimanche-là aussi, Leicester City a balayé Manchester City à l’Etihad Stadium. Youri Tielemans et consorts sont venus s’y imposer 2-5! Les hommes de Guardiola avaient pourtant la possession (72%), mais les visiteurs ont habilement profité des boulevards laissés par l’équipe locale qui exerçait un pressing haut. Les protégés de Brendan Rodgers ont mis le doigt sur le point faible de City: sa fragilité défensive. Nathan Aké et Eric García devaient couvrir le centre, Aymeric Laporte était sur le banc, John Stones était indisponible et Dias n’était pas encore arrivé.

Le Portugais, on s’en est aperçu par la suite, était le chaînon manquant de l’effectif skyblue. Guardiola a sorti Stones du trou et Laporte s’est révélé être un très bon troisième homme. Avec Rodri et Ilkay Gündogan, l’entrejeu a été cadenassé, et Kyle Walker a reçu un rôle important à droite. Seul le flanc gauche – Oleksandr Zinchenko ou João Cancelo – s’aventure souvent vers l’avant en possession du ballon. Ces ajustements ont réduit considérablement le nombre d’ expected goals des adversaires. Si le xG against était encore de 2,6 contre Leicester et de 1,7 contre Leeds deux semaines plus tard, il n’a plus que rarement dépassé le chiffre 1 au cours des mois suivants. Le gardien Ederson a été de moins en moins mis à l’ouvrage au cours des derniers mois. City a moins marqué, mais a aussi moins encaissé. Le départ de Vincent Kompany, il y a deux saisons, semble enfin avoir été compensé.

La patience de Pep: comment Manchester City a réussi sans attaquant

Fièvre acheteuse

 » Pep Guardiola achète ses titres sur le marché des transferts. » Est-ce la raison du succès? Ses détracteurs marquent un point dans ce domaine, comme le démontre le tableau ci-dessous. Sur base des données de Transfermarkt, nous avons comparé les transactions des équipes du top 4 au cours des cinq dernières années (de 2016 à 2021): revenus des transferts sortants, dépenses en transferts entrants, et la balance. Malgré une interdiction de transfert d’un an, Chelsea a dépensé presque autant que City, mais a aussi récolté presque le double en transferts sortants.

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