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La chronique de Swann Borsellino: les zéro sociaux de la LFP (VIDÉO)

Swann Borsellino

C’est un rituel comme le matin en connaît plein. La tasse de café. Le brossage de dents. Le détour aux toilettes. Tous les jours, en ouvrant les yeux ou un peu plus tard, chaque mordu de sport dégaine son smartphone et file sur ses réseaux sociaux histoire de voir ce qu’il ou elle a loupé après avoir abandonné sa passion pour un peu de sommeil. Sur un modèle finalement pas si éloigné de celui des anciens qui lisaient le journal, le fan de NBA a droit aux plus belles actions de la nuit compilées dans le fameux « Top 10″, diffusé sur YouTube, mais aussi à des moments aussi brefs qu’intenses de toutes les rencontres de la nuit sur Twitter. Tout est dispo sur l’oiseau bleu, la NBA ayant bien compris que plus ses images circulent, plus le gain potentiel de viralité, et donc de popularité, est grand. C’est sur ce modèle que d’autres ligues et d’autres sports se basent pour conquérir toujours plus de marchés et viser plus jeune et plus global. Pourtant, un village d’irréductibles gaulois résiste encore et toujours, non pas à l’envahisseur, mais au progrès. Vous l’aurez compris, je parle de ma chère et tendre Ligue 1, qui a une nouvelle fois prouvé ce week-end que si sur le terrain, tous les signaux sont au vert pour que la saison soit excitante de bout en bout, dans les bureaux, raisonnements archaïques et politique de droits d’une complexité rare, empêchent toujours la cinquième roue du carrosse du  » Big 5 » de prétendre à l’aura qu’elle pourrait avoir.

Un village d’irréductibles gaulois résiste encore et toujours, non pas à l’envahisseur, mais au progrès: ma chère et tendre Ligue 1.

De ce samedi de football, vous avez presque tout vu. Le but de CristianoRonaldo, la victoire de Bruges, le nouveau doublé de RobertLewandowski ou encore la parade complètement folle d’ AaronRamsdale sur le coup franc de JamesMaddison. Peut-être même que vous avez presque tout vu sans avoir passé une seule seconde devant la télé. Parce que vous étiez en famille ou entre copains. Grâce aux réseaux sociaux, vous faites valoir une certaine idée de votre droit à l’information et vous pouvez fantasmer une certaine idée de la Premier League ou d’autres sports que vous picorez de cette manière, parce que vous aimez ça. Et bien figurez-vous que si vous fonctionnez ainsi, sans être plus curieux que ça – et comment vous en vouloir, dans un monde où les algorithmes réfléchissent pour vous – vous avez probablement loupé le but du week-end. Il a été inscrit ce samedi par le joueur de Saint-Étienne WahbiKhazri, lors d’un déplacement à Metz (1-1). Une frappe complètement folle de 68 mètres qui a pris le gardien messin par surprise et qui ferait passer le but inscrit par le Tchèque PatrickSchick à l’EURO 2020 pour un but facile.

Dans la foulée de ce chef-d’oeuvre inscrit à 17h16, les vidéos ont d’abord pullulé, notamment sur Twitter, avant que les huiles du foot tricolore s’adonnent à leur activité préférée: la chasse aux vidéos illégales. Coutumière du fait, la LFP ne jure que par « la lutte contre la diffusion pirate ». Ce samedi, peu après 18 heures, plus aucune vidéo du but de Khazri ne circulait sur Twitter. La Ligue 1, qui pense à organiser des matches en Chine et a des envies d’exposition panaméricaine, ne verra pas le but de l’année faire le tour du monde de la plus simple des manières. Pire encore, ce dimanche matin, le compte Twitter de la Ligue 1 a évoqué le but de Khazri grâce à un schéma qui donne limite envie d’être pris au second degré. Un fond bleu foncé, les lignes d’un terrain et une ligne droite, en gras pour dessiner le but inscrit par le joueur.

C’est tout ce à quoi auront droit les curieux de la Ligue 1, en tous cas jusqu’à dimanche soir minuit, moment où la LFP juge acceptable l’utilisation de ses droits par le club de Saint-Étienne et par la Ligue. Un peu tard pour offrir à cette merveille l’exposition internationale qu’elle mérite et ce « pour respecter les accords avec les diffuseurs ». Comme vous le savez certainement, ceux-ci sont nombreux en France. Ainsi, en plus de Canal + et Prime Video, le bébé d’ Amazon, l’opérateur téléphonique Free s’est offert les droits du « quasi direct », c’est à dire que les buts fraîchement inscrits sont disponibles quelques minutes plus tard dans une application dédiée. C’est donc assez naturellement que ce dimanche, la France des réseaux sociaux sportifs est tombée sur Free afin de savoir pourquoi il ne diffusait pas le but du Tunisien, mais là encore, c’est plus compliqué que ça. En effet, Free n’a pas les droits de publier les images en quasi-instantané ailleurs que sur son application pour ne pas perturber les autres ayant droits, Canal et Amazon.

Un vide juridique et une vision archaïque des réseaux sociaux, perçus par les dirigeants français comme le berceau du piratage, qui freine définitivement un essor déjà compliqué du football hexagonal.

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