L’orFavre du Borussia Dortmund

Si le Borussia Dortmund est en tête de la Bundesliga, c’est en grande partie grâce à l’apport d’un homme : Lucien Favre. En quelques mois à peine, l’entraîneur suisse est parvenu à rendre des couleurs au Borussia Dortmund. Retour sur la méthode de ce formateur hors-pair.

22 mai 2018. Quelques jours seulement après avoir arraché sa qualification pour la saison prochaine en Ligue des Champions, le Borussia Dortmund se lie pour deux années avec l’ancien entraîneur niçois, Lucien Favre. Après plus d’un an d’attente et des contacts déjà établis à l’été 2017, le BVB se dit prêt à entamer son renouveau avec l’arrivée du tacticien suisse :  » La nomination de Lucien Favre comme entraîneur constitue une partie importante de notre nouveau départ cet été « , déclarait Michael Zorc à l’époque sur le site du club.  » Il est très apprécié chez nous en raison de ses grandes qualités déjà démontrées en Bundesliga avec Hertha Berlin et le Borussia Mönchengladbach, tout comme à Nice.  »

La direction du club huit fois champion d’Allemagne ne s’y trompe pas : dès ses premiers matchs, Favre démontre tout son sens tactique et impressionne les observateurs européens. Il s’offre ainsi le scalp de Liverpool ou encore de Manchester City durant la préparation estivale.

Du 20 août au 6 novembre, le Borussia connaît une période de quinze matchs sans connaître la défaite, battu finalement en Ligue des Champions par l’Atlético Madrid. Mieux encore : le premier revers du BVB en Bundesliga n’intervient que le 18 décembre sur la pelouse du Fortuna Düsseldorf.

Au-delà des résultats engrangés durant ces premiers mois, le football produit par l’équipe de Favre émerveille et fait frémir les cadors européens, même si Tottenham a finalement réussi à mettre à mal, en huitièmes de finale de la LC, la mécanique bien huilée des Borussen.

Un formateur passionné

Pour expliquer les débuts extraordinaires du Suisse avec les Jaune et Noir, Steeve Devolz, vice-président du FC Echallens, voit plusieurs raisons :  » Le travail tactique en tout premier lieu. Favre ne laisse filer aucun détail. C’est la base de sa méthode. Après, il y a tout ce qui va derrière : le perfectionnement de chaque joueur, par exemple. Lucien est quelqu’un qui est très fort au niveau de la formation. Il décèle les petites choses qui ne vont pas chez un joueur, pour les corriger et l’amener à être à 120% de ses capacités  » explique, celui qui a évolué autrefois sous les ordres du tacticien suisse.

A peine installé sur le banc du club de la Ruhr, Favre impose sa griffe : exit le 3-5-2 pour un retour à un 4-3-3 classique. Au niveau des transferts, le mercato du nouvel entraîneur du BVB s’avère très intelligent : le Borussia attire notamment Axel Witsel, Thomas Delaney, Paco Alcacer, Abdou Diallo et Achraf Hakimi pour un montant total ne dépassant pas les 70 millions d’euros. Pas de folles dépenses donc, mais des recrues réfléchies au système mis en place par le Vaudois.

Et pour cause, Lucien Favre sait ce qu’il souhaite mettre en oeuvre avec les joueurs recrutés par le club. Petit à petit, il peaufine son système de jeu et amène les membres de son effectif à se surpasser :  » Sa plus grande qualité, pour moi, c’est de pouvoir tirer 120% des joueurs qui, au départ, ne sont peut-être pas les meilleurs joueurs qu’il a, mais il arrive à en faire des très très bons joueurs par le travail « , observe Devolz.  » De ce point de vue-là, c’est un formateur hors pair.  »

La gestion du groupe comme moteur

Pour batailler dans la même cour que l’ogre munichois, l’ancien entraîneur de l’OGC Nice sait qu’il doit compter sur un noyau large, histoire de pouvoir suppléer de temps à autre les titulaires habituels.  » Quand j’ai joué pour lui, surtout à Yverdon, en première et deuxième divisions suisses, c’est quelqu’un qui ne vous laissait pas de côté, même lorsque vous ne jouiez pas.

Perso, il m’a pris souvent en aparté, pour qu’il avait remarqué telle ou telle chose à l’entraînement, qu’il fallait continuer à bosser. Il a une très bonne gestion du groupe, pas seulement des onze titulaires mais du noyau élargi. Il avait toujours un petit mot pour chacun, de manière à ce que chacun se sente concerné à tout moment, même lorsqu’il ne faisait pas partie des titulaires « , précise Devolz.

Des dires qui se confirment en termes de chiffres. Sur tous les buts inscrits par le Borussia cette saison en Bundesliga, près du tiers l’ont été par des éléments entrés en cours de jeu. Comme un symbole, l’arrivée du tacticien suisse coïncide avec le retour au premier plan de Marco Reus et de Paco Alcacer, meilleurs buteurs du club, et l’explosion du jeune JadonSancho, nouvelle coqueluche des supporters du BVB.

Ce dernier est la preuve vivante d’une des plus grandes volontés du manager de Dortmund : faire confiance à la jeunesse. A cet égard, l’effectif du club de la Ruhr est le 3e plus jeune de Bundesliga, avec une moyenne de 24,6 ans.

Des réussites qui s’enchaînent

Le Vaudois n’en est pas là à son coup d’essai. Après deux titres de champion dans la ligue nationale et une Coupe Helvetia remportée avec le FC Zurich, l’entraîneur suisse de l’année prend ses bagages avec pour direction l’Allemagne. La carrière internationale de Favre peut débuter.

Avec le Hertha Berlin tout d’abord, club avec lequel il termine à une superbe quatrième place en Bundesliga. Puis avec le Borussia Mönchengladbach ensuite, qu’il parvient à maintenir parmi l’élite allemande lors de sa première saison, avant de finir à une nouvelle quatrième place l’année suivante.

A l’époque déjà, le côté formateur de Favre est mis en avant. Il participera activement à la montée en puissance de Marco Reus, avant le transfert de ce dernier au Borussia Dortmund, mais lancera aussi Marc-André Ter Stegen, actuel gardien numéro 1 du FC Barcelone.

Après plus de huit saisons passées en Allemagne, c’est à Nice que le natif de Saint-Barthélemy pose ses bagages. Là, il acquiert une renommée pour son football offensif et chatoyant. Il parvient notamment à ramener le club sudiste aux premières place de la Ligue 1 après s’être notamment battu avec l’AS Monaco et le Paris Saint-Germain pour le titre de champion de France.

Une nouvelle fois, sa gestion du groupe et des différentes individualités qui le composent fait fureur. Il parvient notamment à relancer Mario Balotelli, dont la carrière stagnait, après un passage raté à Liverpool.

L’excellence, sinon rien

Pour son retour outre-Rhin, les bases du football de Favre n’ont pas changé : 2,5 buts en moyenne par rencontre. Avec une seule défaite au compteur et une dynamique retrouvée, que peut-il encore arriver au BVB de Lucien Favre sur la route du titre ? La lassitude de son entraîneur ? Sûrement pas !

 » C’est quelqu’un qui vit tellement le foot que des fois, cela peut paraître trop. Il veut atteindre un tel degré d’excellence que ça ennuie peut-être certains. Mais ce n’est même pas un défaut. C’est le métier qui veut ça « , témoigne Devolz.

Romain Goffin