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L’incroyable vie d’Alireza Beiranvand, le nouveau gardien de l’Antwerp

Nomade, berger, SDF, laveur de voiture, balayeur de rue, … Le CV du gardien iranien tout juste arrivé en Belgique n’est pas banal. Portrait.

Une petite lettre de différence qui sème souvent le trouble. Entre Genk et Gent, la confusion est courante sur la scène internationale. C’est une nouvelle fois arrivé en janvier dernier à l’agence de presse iranienne Tasnim. Celle-ci a annoncé qu’Alireza Beiranvand était parvenu à un accord avec le KAA Gent. Le gardien de l’équipe nationale disposait d’une clause de départ fixée à 700.000 dollars (environ 620.000 euros) que le club gantois était prêt à débourser. Les lecteurs iraniens apprenaient donc que Beiranvand allait devenir le coéquipier de Milad Mohammadi

Une erreur puisque le club concerné était en fait le KRC Genk. Dans le Limbourg, Gaëtan Coucke n’avait pas été à la hauteur des attentes et Maarten Vandevoordt, bien qu’étant un grand talent, était encore très jeune. Après la blessure de Danny Vukovic, out pour toute la saison, il y avait donc de la place pour un nouveau gardien. C’est ainsi que Beiranvand est entré en scène. Un conseil de l’ancien entraîneur de l’équipe nationale iranienne, Marc Wilmots ? Sans aucun doute. Wilmots a été impressionné par les capacités athlétiques de son gardien de but. « Du calibre de Courtois / Mignolet », a-t-il osé, « Il vous surprendra. »

Genk, qui pensait initialement à Thomas Didillon, a opté pour Beiranvand en janvier. Trois fois champion, le Footballeur iranien de l’année, bien que toujours sous contrat pour trois ans, bénéficiait d’une clause de départ intéressante. Il y avait toutefois un autre club intéressé : l’Antwerp, où Luciano D’Onofrio avait également reçu les bons conseils de Wilmots. Le 24 janvier, Beiranvand était attendu à Genk, mais il n’est pas monté à bord de l’avion à Téhéran. Sur Instagram, le gardien avait déjà dit au revoir aux supporters de Persepolis, mais, ce jour-là, il s’était néanmoins entraîné avec le club de la capitale iranienne.

Quelques coups de fil plus tard, Genk comprenait que le transfert avait du plomb dans l’aile. Les Limbourgeois ont rapidement mis fin aux négociations et se sont rabattus sur leur choix initial : Didillon. Dans la foulée, Persepolis annonçait que son gardien resterait jusqu’à la fin de la saison en cours, mais qu’il disposait d’un accord avec un club belge. Le nom de l’Antwerp n’était toutefois pas encore mentionné.

Hier, Beiranvand a finalement atterri à Zaventem. Enfin. Ça aurait déjà dû être le cas un mois plus tôt comme le précise le Teheran Times sur son site. Le gardien devait initialement quitter Téhéran le dimanche 14 juin, mais une fois de plus, ça n’a pas été le cas. S’il s’est bien rendu à l’aéroport, c’est la Covid-19 qui lui a joué des tours puisque son vol a été annulé. Ses papiers ne semblaient pas en ordre non plus. Avec un mois de retard, il a donc débarqué lundi en Belgique. Après avoir subi un test de détection du coronavirus, ce sont les tests médicaux qui l’attendaient. Avant d’enfin parapher son contrat de trois saisons.

Nomade

Alireza Beiranvand face à Diego Costa lors du Mondial russe.
Alireza Beiranvand face à Diego Costa lors du Mondial russe.© belga

Mais qui est donc ce gardien avec qui devra lutter Jean Butez pour succéder à Sinan Bolat comme titulaire de l’Antwerp ? Durant la Coupe du monde 2018, le Guardian publiait son histoire, écrite par l’un de ses compatriotes, Behnam Jafarzadeh, qui travaille pour Varzesh3.com. Après la victoire contre le Maroc, son histoire est diffusée dans le monde entier, tant elle est hors du commun.

Ali Beiranvand est l’aîné d’une famille de nomades. Né à Sarabias, il parcourt la région avec sa famille, à la recherche de pâturages où leurs moutons peuvent paître. En tant qu’aîné, il doit rapidement mettre la main à la pâte et devient très tôt berger à plein temps. Ses moments libres, il les consacre sans surprise au sport. Le football, bien sûr, mais il pratique également le dal paran, un sport local qui consiste à lancer des pierres aussi loin que possible.

Alors qu’il fête ses douze ans, sa famille s’installe pour de bon dans sa ville natale : Sarabias. L’occasion pour Alireza de tâter le cuir en club. Histoire classique : alors qu’il joue attaquant, le gardien de but de l’équipe se blesse et il le remplace. Avec un tel succès qu’il ne quittera plus les cages. S’il rêve de devenir pro, ce n’est pas du goût de son père qui estime qu’il ferait mieux de travailler. L’homme joint les gestes à la parole et détruit les affaires de sport de son fils qui est alors contraint de jouer en cachette, mains nues.

C’est le début d’une nouvelle vie de nomade pour Beiranvand. Sa faim de foot est telle qu’il décide de quitter le domicile familial. Après avoir emprunté de l’argent à un membre de la famille, il prend le bus pour Téhéran. Dans le véhicule, il rencontre un coach qui accepte qu’il vienne s’entraîner dans son club à condition de le payer. Faute d’argent, il est obligé de refuser.

Sans abri, le jeune gardien dort tous les soirs devant les portes du club de l’homme rencontré dans le bus. « Un matin, j’ai remarqué qu’il y avait des pièces à mes pieds, que des gens m’avaient lancées pendant la nuit. Grâce à ça, j’ai pu manger un bon petit déjeuner, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. »

Finalement, la chance lui sourit et le coach finit par le laisser s’entraîner, gratuitement. Il lui trouve également un lieu où dormir temporairement et Beiranvand se fait embaucher dans la fabrique de vêtements du père de l’un de ses coéquipiers.

Petits boulots

À 27 ans, Alireza Beiranvand va découvrir l'Europe, à l'Antwerp.
À 27 ans, Alireza Beiranvand va découvrir l’Europe, à l’Antwerp.© belga

Mais l’aventure ne dure pas et il est contraint de trouver un nouveau job. Employé dans un car wash, sa taille lui permet de laver les SUV’s. Un jour, Ali Daei, une ancienne vedette du football iranien passée par le Bayern Munich, vient faire nettoyer son véhicule. Connaissant ses rêves de ballon rond, ses collègues l’encouragent à lui demander des conseils, mais Beiranvand est bien trop timide et a trop honte de sa situation pour aborder la star.

Suit un nouveau club, où Ali obtient l’autorisation de dormir dans la salle des prières. Mais ce n’est que temporaire et il doit se résoudre à travailler dans une pizzeria qui lui offre le gîte contre son travail. Un jour, son coach du moment, qui ne sait rien de sa situation, vient au restaurant. Beiranvand refuse de le servir, mais son patron l’y oblige et il finit par démissionner, de honte. Devenu balayeur de rue, il se blesse en s’entraînant avec une autre équipe que la sienne et il doit donc prendre la porte. S’il retrouve finalement une formation, son entraîneur doute de lui et ses rêves de carrière semblent alors bien lointains.

La chance lui sourit toutefois à nouveau : Naft, l’un de ses anciens clubs, est prêt à lui offrir une seconde chance. Et il fait tout pour la saisir. Sélectionné en équipe nationale U23, il gagne enfin ses galons de titulaire dans un club pro. Et son ascension ne s’arrête pas là : devenu international, il est transféré à Persepolis, un grand club de Téhéran, dispute la Coupe du monde, y arrête un penalty de Cristiano Ronaldo et décroche donc un transfert en Europe, à l’Antwerp.

L’une de ses qualités que Marc Wilmots appréciait le plus est la relance à la main. Lointaine et précise. Logique pour un ancien joueur de dal pravan. Ses adversaires sont prévenus, Alireza Beiranvand peut relancer jusqu’à septante mètres (!) : une arme redoutable.

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