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Keylor Navas, le marabout du PSG

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Même les malédictions parisiennes n’ont pas résisté à son talisman. Parce que Keylor Navas connaît la coupe aux grandes oreilles sur le bout des gants. Promenade sur les traces de l’homme qu’on n’élimine jamais.

Les mines fixent le gazon et tentent au plus vite d’échapper à l’orage de sifflets qui s’abat au-dessus de leurs têtes. De l’autre côté des Pyrénées, on appelle ça una pitada. Un concert de huées descendu des tribunes d’un stade Santiago Bernabéu réputé pour son exigence, pas franchement satisfaite au bout de cette défaite à la maison contre le Betis. Dernier match d’une saison 2018-2019, la première sans Cristiano Ronaldo, sanctionnée par une troisième place à dix-neuf points du meilleur ennemi catalan en championnat, une élimination dès les huitièmes de finale de la Ligue des Champions contre l’Ajax et un Clasico perdu aux portes de l’apothéose de la Copa del Rey.

Navas affiche une statistique affolante: jamais il n’a été éliminé de la Ligue des Champions sur le terrain.

Un homme échappe à la bronca. Comme s’il s’y attendait, il quitte la pelouse presque à reculons, le temps de voir ses coéquipiers évacuer la scène pour lui permettre de récolter les applaudissements. L’histoire madrilène de Keylor Navas est terminée, dans un duel de gardiens définitivement tranché en faveur de Thibaut Courtois par Zinédine Zidane et ses dirigeants. Meilleur dernier rempart du Mondial 2018, le Diable rouge perpétue une tradition qui semble vouloir que les gants les plus en vue du rassemblement mondial embrassent ensuite l’écusson royal.

Quatre ans plus tôt, c’est en effet Navas qui rejoint la Maison Blanche, dans la foulée d’une Coupe du monde où il emmène son Costa Rica en quarts de finale malgré un tirage au sort qui faisait des Ticos les victimes annoncées d’un groupe de la mort rassemblant l’Angleterre, l’Italie et l’Uruguay. Le contraste avec les prestations brésiliennes d’ Iker Casillas, littéralement mis à quatre pattes par le crochet d’un Arjen Robben qu’il avait privé d’un but tout fait lors de la finale 2010, amène Florentino Pérez à agir.

LE SUCCESSEUR DE SAN IKER

Si Arsène Wenger considère le recrutement dans la foulée d’une grande compétition internationale comme l’un des plus grands pièges du mercato, le président de la Casa Blanca a fait de cette facétie sa spécialité. Mesut Özil en 2010, Toni Kroos, James Rodríguez et Keylor Navas quatre ans plus tard, puis Thibaut Courtois et Eden Hazard, attiré à Madrid avec douze mois de retard sur son compatriote. Dans le cas de Navas, l’opération séduction dépasse pourtant les cinq apparitions divines, puisque le Costaricien sort tout juste d’une saison majuscule entre les perches de Levante, au point d’être consacré meilleur gardien de Liga par la LFP au détriment d’un Courtois champion avec l’Atlético. La carte de visite est suffisamment remplie pour inciter le club de la capitale à s’acquitter de la clause libératoire du gardien latino, fixée à dix petits millions d’euros.

Après une saison dans l’ombre de Casillas, qui conserve les faveurs de Carlo Ancelotti, les dirigeants du Real confient les perches du Bernabéu à Keylor en poussant vers la sortie un San Iker vieillissant. La décision coïncide avec le début d’une série folle, celle qui permet au club de remporter trois Ligues des Champions consécutives, asseyant un peu plus sa mainmise sur un trophée qui, dans sa formule actuelle, n’avait jamais été soulevé par la même équipe deux années de rang. Héros de la treizième coupe aux grandes oreilles madrilène, dominant sa ligne comme Sergio Ramos sa surface et Cristiano Ronaldo celle des adversaires, le Costaricien affichera jusqu’à son départ de Madrid une statistique affolante: jamais il n’a été éliminé de la Ligue des Champions sur le terrain, puisque c’est Courtois qui défend les filets blancs lors de la double confrontation de la fin de l’hiver 2019 face à l’Ajax.

Traqueur inassouvi du sacre continental, le PSG saute donc sur l’occasion, dans la foulée de cette saison couronnée par des sifflets collectifs et une ovation individuelle. Cinq ans après son arrivée, quatre après l’échange avorté avec David De Gea qui aurait pu envoyer Navas loin de Madrid avant de toucher les grandes oreilles du bout des gants, le dernier rempart prend la direction d’une capitale où la protection des perches est un débat que n’ont jamais vraiment résolu les propriétaires qataris.

LES FILETS PARISIENS

Héros des premiers titres de la nouvelle ère parisienne, l’Italien Salvatore Sirigu affiche rapidement des limites internationales qui incitent le club de la Ville Lumière à chercher son bonheur ailleurs. Paname hésite entre la très réputée école allemande, incarnée par Manuel Neuer ou Marc-André ter Stegen, et la promotion de son centre de formation, un peu trop souvent délaissé depuis que les nouveaux propriétaires ne comptent pas leurs billets. Ni Kevin Trapp, venu de Francfort contre un peu moins de dix millions d’euros, ni Alphonse Areola ne parviendront à faire l’unanimité autour de leurs qualités, au point que le club finit par convaincre le vétéran Gianluigi Buffon de quitter son éternel Piémont pour défendre les cages parisiennes.

L’expérience tourne au fiasco. La perte de félinité de l’icône transalpine, déjà exposée par sa dernière finale continentale face au Real deux ans plus tôt, explose en plein visage d’un PSG ridiculisé par le Manchester United le moins impressionnant de l’histoire récente. Remontada, élimination en huitièmes, et traumatisme encore plus profond: plus que d’un gardien, Paris a besoin d’un marabout.

Avec ses mains supersoniques, affûtées par des séances d’entraînement passées à se détendre face à un canon à balles de tennis, Keylor Navas maîtrise forcément quelques incantations. Artisan de la route vers la première finale de l’histoire parisienne à la sortie du confinement, le Costaricien sort une nouvelle fois le grand jeu quand un Barça survolté tente d’inciter l’histoire à repasser les plats. Un penalty de Lionel Messi arrêté en guise de tournant psychologique du duel face aux Catalans et une invincibilité sur une double confrontation européenne à élimination directe qui tient toujours, plus de six ans après ses débuts continentaux. Et si, plus que l’absence de Robert Lewandowski, la vraie mauvaise nouvelle pour le Bayern était que cette fois, il y aura un match retour?

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