© Thierry du Bois

 » Je vois une progression constante depuis que je suis au Canada. Il y a de plus en plus de passion »

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Il est un troupier de l’Impact, il entend  » Tabarnak  » au lieu de  » Putain  » ou  » Va te faire foutre « , il a adopté le look barbu pour imiter les hockeyeurs sur glace et il fait salle comble. Plongée dans l’univers montréalais de Laurent Ciman à l’occasion de sa demi-finale de Major League Soccer.

Rencontre avec le Diable à la cote d’enfer. Et si vous vous demandez pourquoi il est barbu depuis quelques semaines, voici l’explication :  » C’est la barbe des séries. Une tradition de hockeyeurs sur glace. Quand ils se qualifient pour les play-offs, les séries éliminatoires comme ils disent ici, ils arrêtent de se raser jusqu’à l’élimination. Aussi longtemps qu’on est en course pour le titre, je garde ma barbe, je fais comme eux. Après, on verra. « 

A la fin de ta première saison, tu étais dans l’équipe type de la MLS et tu as été élu meilleur défenseur du championnat. Plus cette fois-ci. Tu es moins bon ?

CIMAN : Sûrement pas. Mais l’EURO m’a coûté cher. Le championnat a continué pendant l’été et j’ai raté pas mal de matches. Ça a joué en ma défaveur alors que je croyais que ça m’avantagerait plutôt. Un joueur de MLS qui joue l’EURO, ça devrait quand même être une bonne pub pour le championnat. C’est dommage.

On t’avait prédit un enterrement de première classe quand tu avais quitté la Belgique.

CIMAN : Honnêtement, je ne savais absolument rien sur la MLS. Je pouvais parler un peu des New York Red Bulls et du Los Angeles Galaxy, c’était à peu près tout. Tout le monde sait que je suis venu pour que ma fille puisse être bien soignée, c’était tout ce qui m’importait. Evidemment, j’espérais trouver quelque chose de chouette au niveau du foot mais je n’avais aucune garantie. Et je n’avais aucun stress.

Plus un championnat de stars sur le retour

 » Quand je vois qu’on déplace 60.000 personnes pour notre match contre Toronto, ça me rassure sur l’évolution du soccer ».© Thierry du Bois

La MLS, ce n’est plus un championnat pour des joueurs inconnus en Europe et des stars sur le retour ?

CIMAN : Plus du tout, non. Ça a été comme ça mais les clubs ont compris que ça ne servait plus à rien de dépenser des fortunes pour des gars qui n’en valaient plus la peine, qui n’apportaient pas grand-chose sur le terrain. Ils prennent encore des stars, mais uniquement si leur niveau suit. Regarde Didier Drogba. Ce n’est plus le Drogba de Chelsea mais il nous a apporté beaucoup. Regarde David Villa, il continue à courir comme un fou de la première à la dernière minute. Andrea Pirlo et Kaka restent aussi des grands joueurs. Par contre, ça a été plus difficile pour Steven Gerrard. Et Frank Lampard a été souvent blessé.

A quoi tu vois au quotidien que tu as atterri dans un pays de hockey et pas tellement de foot ?

CIMAN : Au niveau de la popularité, tu ne vois pas le monstre qu’on a en face de nous ? … Les Canadiens de Montréal, en hockey, c’est ce qui se fait de mieux. C’est un club connu dans le monde entier. Une équipe historique. Pour avoir un abonnement là-bas, il faut s’inscrire sur une liste d’attente et patienter pendant plusieurs années. Ici, ils sont tellement forts en hockey, le réservoir est tellement grand que le Canada pourrait aligner trois équipes aux Championnats du Monde. Mais bon, quand je vois qu’on déplace 60.000 personnes pour notre match contre Toronto, ça me rassure sur l’évolution du soccer. Un mardi soir, en plus. Les gens travaillaient hier, ils travaillent aujourd’hui, les enfants vont à l’école. Je vois une progression constante depuis que je suis ici. Il y a de plus en plus de passion. Et c’est sûr que si c’est un club canadien qui finit champion de MLS cette saison, ce sera encore un cap.

Dans un journal, hier, on donnait un cours de tactique aux lecteurs, on expliquait que le 4-3-3, ça veut dire quatre défenseurs, trois milieux de terrains et trois attaquants… La tactique pour les nuls !

CIMAN : C’est vrai que les gens ne connaissent pas trop. Ils croient encore que le soccer, c’est du hockey avec un ballon de foot et onze joueurs. La tactique, les hors-jeu, tout ça, ça leur échappe. Ils n’ont pas grandi avec ça.

 » Ce n’est pas mon style de croire que tout est acquis « 

Laurent Ciman avec les Diables Rouges.
Laurent Ciman avec les Diables Rouges.© VI IMAGES / Gerrit van Keulen

Tu es aujourd’hui le patron de la défense belge, carrément !

CIMAN : Le coach fait des choix par rapport à ce qu’il voit aux entraînements. Maintenant, je ne suis pas aveugle. Je sais que le jour où tout le monde sera là et fit, je ne serai peut-être plus titulaire indiscutable comme aujourd’hui. Ce n’est pas mon style de croire que tout est acquis. Je ne suis pas dans un fauteuil, loin de là. Simplement, je sais que j’ai marqué des points chez Roberto Martinez. Lui aussi, il dit les choses en face, ça me plaît.

Il a vraiment dit que tu étais le premier joueur qu’il met sur sa feuille de match ?

CIMAN : Je n’en sais rien mais je l’ai lu aussi et ça m’a bien fait rigoler. C’est peut-être une façon de me remercier pour avoir bien dépanné dans une période où il y avait plein de blessés en défense. Mais je pense que le numéro un, ça reste quand même Eden Hazard, non ? Bon, si je peux être le numéro deux, c’est déjà pas mal. (Il se marre).

Quand vous êtes éliminés de l’EURO, tu te dis que c’est définitivement terminé pour toi ?

CIMAN : Clairement, oui. Je sais que c’est fini pour Marc Wilmots, je le remercie parce que j’ai passé des moments magnifiques avec lui. Evidemment, il y a de la déception aussi. Beaucoup. J’ai conscience d’avoir fait un bon match contre l’Italie, ensuite j’ai compris qu’on me fasse sauter parce que Thomas Vermaelen revenait, par contre je ne comprends toujours pas pourquoi il ne m’a pas fait jouer contre le Pays de Galles. Je ne dis pas que ça aurait tout changé, je n’ai pas cette prétention. Mais peut-être que mon expérience aurait pu faire du bien. Je dis directement que deux jeunes côte à côte en défense, ce n’est peut-être pas la meilleure solution. Bref, je reviens à Montréal pour la suite du championnat, et les Diables, je n’y pense plus du tout. Quand je ne suis pas appelé pour les matches contre l’Espagne et Chypre, c’est pour moi la confirmation que je ne dois plus rien attendre. Je me dis qu’une nouvelle page s’ouvre et que je ne serai pas dessus.

Par Pierre Danvoye à Montréal

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Laurent Ciman dans votre Sport/Foot Magazine

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