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Jason Denayer est-il prêt à s’imposer chez les Diables?

Le moment est-il venu pour Jason Denayer (24 ans) d’enfin percer chez les Diables Rouges ? Nous avons posé trois questions sur son évolution à Thomas Caers, son ancien coach à la JMG Academie, et à Jesse De Preter, son homme de confiance chez Aticus Sports Management.

LEADER

1. Cette saison, Jason Denayer est le capitaine de l’Olympique Lyonnais. À 24 ans, est-il devenu un leader ?

THOMAS CAERS : Jason est une personne très douce. Il a le coeur sur la main. Impossible d’être fâché sur lui. Il aime partager et ne juge pas les autres. Sur le terrain, il peut se montrer très dur en sa qualité de défenseur, mais cela ne reflète pas sa personnalité comme être humain. S’il fallait décrire Jason en quelques mots, ce serait  » make peace, love and play soccer «  ( il rit). Ce n’est pas un hasard s’il compte beaucoup d’amis.

Jason doit jouer devant une grande tribune bruyante, lutter pour un trophée et ressentir de la chaleur humaine.  » – Jesse De Preter

Je le connais depuis qu’il a 12 ans, et à l’époque déjà, il se plaignait très rarement. Peut-être parce, dès son plus jeune âge, il a pris conscience que sa meilleure chance de réussir sa vie passait par le football. Il s’est donc concentré sur ce sport. Il habitait avec son père dans un petit studio à Bruxelles, alors que sa mère habitait à Ganshoren. La famille ne roulait pas sur l’or. Ce n’était donc pas facile tous les jours. Il a été moins influencé que les autres footballeurs de rue de Bruxelles et d’Anvers par les aspects négatifs de cette école en plein air. Je me souviens qu’un jour, au centre sportif de Tongerlo, nous lui avions demandé de déplacer les poubelles avec le message  » tu peux choisir de devenir éboueur plutôt que footballeur « . Mais il sortait rarement du droit chemin.

À la JMG Academie, il prenait soin des autres. À l’internat, par exemple, il allait chercher le linge sale et le mettait dans la machine à laver. Avec son charisme naturel, sa puissance physique et ses qualités footballistiques, il était déjà l’un des leaders. Il pouvait remettre quelqu’un à sa place par une seule petite phrase, calmement, sans se montrer agressif. Il parlait peu, mais ce qu’il disait produisait toujours son effet sur les autres.

Lorsque j’ai appris qu’il devenait le capitaine de Lyon cette saison, je me suis dit :  » c’est à la fois pour ses qualités footballistiques, son charisme et son caractère sociable « . Je pense qu’il est très fier de ce brassard. Une telle reconnaissance pour un garçon d’origine congolaise, ce n’est pas courant.

JESSE DE PRETER : Je n’ai pas attendu cette saison pour découvrir que Jason était un leader. Il a commencé à le devenir il y a deux ans. À l’époque, il retournait à Galatasaray parce qu’il s’y sentait très bien. Après un EURO en France qui s’est mal terminé et une saison passée à lutter contre la relégation à Sunderland, dans le Nord froid et gris de l’Angleterre, il a retrouvé des couleurs à Istanbul. Dans le vestiaire, il s’est rapidement imposé et on l’a d’ailleurs surnommé  » The Leader « . C’est là, à 22 ans, qu’il s’est senti investi de plus de responsabilités et qu’il a commencé à guider les autres sur le terrain. On peut ajouter à cela que Manchester City a envoyé un consultant spécial en Turquie pour le coacher sur cet aspect. Ce qu’on constate aujourd’hui chez Jason à Lyon, ce n’est en fait qu’une suite logique.

AU SOMMET DE SON ART

2. La saison dernière, il avait déjà brillé dans les rangs de l’Olympique Lyonnais, notamment contre Manchester City et Barcelone en Ligue des Champions, et cette saison encore, il était au rendez-vous lors de la première journée de Ligue 1 avec des statistiques qui parlent d’elles-mêmes : contre Angers, toutes ses passes (114) ont trouvé leur destinataire, ce qui n’était jamais arrivé dans l’un des cinq grands championnats européens depuis que l’entreprise Opta a commencé à collecter les données en 2006. Jason Denayer est-il au sommet de son art ?

CAERS : Je n’ai pas du tout été surpris par ces statistiques. Car je pense qu’en Ligue 1, il n’existe pas de meilleur passeur que Jason. Il le doit aux interminables séances d’entraînement axées sur les passes qui lui ont été dispensées à la JMG Academie, et évidemment à l’expérience et à la confiance qu’il a acquises, depuis, au plus haut niveau.

Vous devez savoir que, lorsque Jason est venu passer des tests à la JMG Academie, il jouait comme attaquant à Anderlecht. Ces tests ne s’étaient pas révélés très positifs, mais lors d’un petit match, il a subitement été aligné à l’arrière. Pour quelle raison ? Je l’ignore. Peut-être parce qu’il était intelligent, peut-être aussi parce qu’il était fatigué. On s’est alors aperçu qu’il défendait très bien et qu’il s’infiltrait très bien aussi. C’est de cette manière qu’il a quand même réussi à se faire accepter à la JMG Academie. Sur le plan technique, il n’avait pas le toucher de balle ni la finesse naturelle d’un Theo Bongonda, par exemple, mais il a beaucoup travaillé ses points faibles. Chaque jour, les académiciens devaient jongler pieds nus – même en hiver – pendant trois quarts d’heure. Jason avait des ampoules aux pieds mais il mordait sur sa chique. Il voulait à tout prix réussir.

Denayer avait été montré du doigt après l'EURO 2016. Son heure est-elle venue chez les Diables ?
Denayer avait été montré du doigt après l’EURO 2016. Son heure est-elle venue chez les Diables ?© BELGAIMAGE

Il a besoin de se retrouver dans une équipe qui joue au football, qui construit depuis l’arrière. À Lyon, c’est le cas. C’est aussi un club bien structuré, à l’ambiance familiale et avec un public tolérant. On n’y ressent pas le stress commercial qui est omniprésent au PSG. Mais, ne vous méprenez pas : Jason est très ambitieux. Il veut toujours remporter des trophées. Il existe évidemment des clubs encore plus importants que Lyon. Lorsqu’on sent qu’on figure parmi les meilleurs, il est logique qu’on cherche à relever de nouveaux défis. Je pense à des clubs comme Barcelone, la Juventus ou le Real Madrid. Je sais que ces clubs le suivent, et s’il poursuit dans la voie qu’il s’est tracée, ce pourrait être la prochaine étape.

Ne le sous-estimez pas : il est très ambitieux. Il veut toujours remporter des trophées.  » – Thomas Caers

DE PRETER : Jason est un vrai mordu de football. Pendant les vacances, il vient à Bruxelles pour le plaisir de jouer au football avec ses potes. Depuis qu’il est professionnel, trois conditions doivent être réunies pour qu’il preste à un haut niveau. 1. Il doit jouer devant une grande tribune, très bruyante. 2. Il doit lutter pour un trophée. 3. Il doit ressentir de la chaleur humaine.

Dans le football moderne, on regarde trop l’aspect purement technique et on ne tient pas suffisamment compte des divers aspects de la personnalité d’un joueur. En termes de personnalité, Jason est la réincarnation de Bob Marley.  » Love and peace « , c’est ce qui lui correspond le mieux. Sur tous les plans, il est le garçon le plus relax que je connaisse.

Lorsque je l’ai amené en Angleterre en 2013, il a passé des tests dans trois clubs de pointe. Il a finalement atterri à Manchester City, mais je me souviens que lors d’un entretien à Tottenham, on lui a demandé quelle était son ambition. Il a répondu, le plus sérieusement du monde :  » Remporter la Champions League.  » Il avait tout juste 18 ans. Ça aussi, c’est Jason Denayer. Je citerai un autre exemple. En 2016, il devait disputer la finale de la Coupe de Turquie avec Galatasaray, et le lendemain, il devait s’envoler pour la Suisse où les Diables Rouges effectuaient un stage de préparation à l’EURO en France. Comme il revenait de blessure, je lui ai suggéré de laisser tomber la finale de la coupe, mais il ne m’a pas écouté :  » Non, non, il y a une coupe a gagner.  »

Pendant l’EURO en France, beaucoup de choses se sont passées qui peuvent expliquer la défaite contre le Pays de Galles, mais Jason a été désigné comme le bouc émissaire. Il est revenu du tournoi amer et déçu. Il se rendait compte qu’il y avait moyen de repartir avec un trophée, mais il n’a jamais eu l’impression que, dans l’équipe, il y avait la mentalité adéquate. On ne se retroussait pas les manches en se disant : on va devenir champions d’Europe. Finalement, on l’a accusé de tous les péchés d’Israël et on l’a obligé à aller dans un club qu’il ne souhait pas rejoindre, Sunderland en l’occurrence. Non, ce n’était pas une bonne période pour Jason.

DIABLES ROUGES

3. Lors de la campagne de qualifications pour l’EURO 2016, il s’était profilé comme un titulaire en puissance. Mais durant la phase finale du tournoi en France, il a coulé avec les autres lors du quart de finale contre le Pays de Galles. Le moment est-il enfin venu, pour Jason Denayer, de percer chez les Diables Rouges ?

CAERS : Je pense qu’il est effectivement prêt à devenir titulaire, désormais. Il est le capitaine de Lyon et signe de jolies prestations en France. Peu de défenseurs centraux belges peuvent en dire autant, actuellement. Dans le trio arrière, c’est à mon avis la position de défenseur central droit qui lui convient le mieux. Là, avec sa vitesse, il peut rattraper des joueurs qui ont été lancés dans le couloir, il peut remporter des duels et il peut soigner la relance. Mais il doit regagner la confiance de tout un chacun et aussi du sélectionneur Roberto Martinez.

DE PRETER : Je pense que, dans l’optique de l’EURO 2020, Jason recevra sa chance et aura du crédit. Car il n’en a pas encore reçu beaucoup, jusqu’ici. En outre, un changement de génération est en train de se produire. Les défenseurs ont déjà un certain âge et il y a beaucoup de blessés. Denayer n’a que 24 ans, et en une saison, il est devenu le capitaine de Lyon. Quand on connaît la mentalité française, on sait que c’est loin d’être évident. Jason est resté le même garçon qui, à 19 ans, a débuté sous la pression au Celtic et est directement devenu titulaire aux côtés de Virgil Van Dijk. À eux deux, ils ont établi les meilleures statistiques du club en 40 ans.

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