Steve Van Herpe

FC Barcelone: une situation symptomatique du monde (du sport) ?

Steve Van Herpe Steve Van Herpe est rédacteur de Sport/Voetbalmagazine.

Chaque semaine, nous vous offrons un éclairage sur un évènement marquant du football international. Steve Van Herpe se demande si le FC Barcelone, et le monde (du football) en général, est réellement prêt pour une autre façon de penser.

Il y a une dizaine d’années, nous nous rendions à La Masía pour comprendre les secrets d’un FC Barcelone qui dominait le football européen avec une identité de jeu claire. Nous avions notamment interviewé celui qui était à l’époque directeurdu célèbre centre de formation. L’homme ressemblait à une version espagnole un peu rigide du majordome interprété par Anthony Hopkins dans « Les Vestiges du Jour ».

Dans cet entretien, il avait surtout insisté sur une chose : que le Barça ne devait pas seulement former de bons footballeurs, mais aussi de bonnes personnes. En effet, beaucoup de joueurs n’allaient peut-être pas passer le cap du professionnalisme, il fallait donc qu’ils soient aussi prêts pour la vraie vie. Beaucoup d’appelés, peu d’élus: tout le monde n’est pas Lionel Messi

Le directeur citait en exemple un joueur qui associait selon lui réussite sportive et humilité. C’était Andres Iniestaqui venait encore discuter régulièrement avec lui. Un garçon en or.

Aujourd’hui, il n’y a plus de garçons en or à Barcelone, seulement des jeunes qui doivent rapporter des montagnes d’or. Le club a besoin d’argent, de beaucoup d’argent et cherche les solutions les plus efficaces pour en gagner le plus rapidement possible. L’accent n’est désormais plus mis sur la formation de bons footballeurs, mais sur ce qui rapportera le plus de revenus. CVC Capital ou la Super League ? Garder Lionel Messi ou le laisser partir ? Faut-il déjà monnayer le talent d’Ilaix Moriba et Pedri ou attendre encore un peu ?

La situation du Barça est le fruit de la gestion désastreuse des dernières années avec un Roi-Soleil à la tête du club qui ne pensait qu’en signes euros. La question est de savoir si Joan Laporta vaut vraiment mieux ? La Super League, dont il fait toujours l’éloge, n’est ni plus ni moins qu’une machine à sous pour un nombre limité de clubs. Le changement n’est peut-être pas pour maintenant.

Générer plus d’argent, c’est aussi l’objectif de la FIFA et de l’UEFA, dirigées par Infantino et Ceferin, deux représentants de la culture de l’avidité. Une fois que vous roulez sur l’or, il est apparemment difficile de faire machine arrière, de secouer les billets de banque et de rester une « bonne personne ». La BeneLiga ? Serait-elle autre chose qu’une caisse enregistreuse pour les grands clubs belges et néerlandais ?

De plus en plus, une question commence à s’installer dans nos têtes comme un casse-tête naissant : qu’en est-il encore de l’essence même de ce sport ? A savoir : former de bons joueurs de football, apporter du beau football ou même simplement du football. Après avoir pris quelques Dafalgans pour tenter de répondre à cette questions, nous pouvons être affirmatifs dans notre réponse : non.

C’est un signe des temps : l’argent a supplanté toute autre valeur. L’argent a également de plus en plus mis l’accent sur le gagnant (logique puisqu’après tout, c’est celui qui obtient le plus d’argent) et a porté l’envie de gagner à un nouveau niveau. Un niveau où l’air devient si rare et la pression si forte que les gens finissent par craquer sous son poids.

N’est-ce pas Pierre de Coubertin lui-même qui a dit : « L’important dans la vie, ce n’est point le triomphe, mais le combat. L’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu. » Une citation qui devrait sans doute retrouver sa place dans les bureaux de messieurs Pérez, Infantino et co. Elle est en tout cas déjà suspendue au-dessus de notre lit.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire