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Et si en fait, Zlatan Ibrahimovic était le mec le plus ennuyeux de la terre?

Zlatan Ibrahimovic, qui a quarante ans ce 3 octobre, se prend pour un animal et dit ne pas être normalement constitué. Le fait est qu’aujourd’hui encore, il joue au plus haut niveau en Italie. Comment y arrive-t-il sans être une caricature de lui-même?

 » Tick tock is over. » Fin août, Zlatan Ibrahimovic poste ce message sur son compte Instagram. Dans une vidéo de 45 secondes, filmée par un drone, on le voit courir sur le terrain tel un jeune poulain. Il se retourne, dribble, avant de marquer plusieurs fois d’affilée. À ce moment-là, son dernier match remonte au 9 mai. C’était face à la Juventus, lorsqu’il avait dû quitter le terrain suite à une entorse au genou. À voir son visage marqué par la douleur, c’était sérieux. Ça lui a d’ailleurs coûté sa participation à l’EURO avec la Suède, une opération étant nécessaire. Le 18 juin, il passait sur le billard avec l’intention d’être de retour pour la Ligue des Champions, une épreuve que les Rossoneri attendent depuis sept ans. Le retour de Zlatan, en 2020, leur avait permis d’y croire. Le célèbre hymne allait à nouveau résonner à San Siro!

Je me suis juré de jouer jusqu’au jour où ça ne serait vraiment plus possible. À une seule condition: je veux rester performant. »

Zlatan Ibrahimovic

Manger, s’entraîner, dormir

Il y a un peu moins d’un an, Ibrahimovic avait assisté à la présentation du livre de l’entraîneur de Bologne, SinisaMihajlovic. Un reporter de La Gazzetta dello Sport lui avait alors demandé quel était le secret de sa forme. La presse italienne parle souvent des secrets de Zlatan. Des titres suggèrent qu’il vient d’une planète comme Krypton, ce qui correspond bien à son image. Voici peu, un journaliste du Corriere dello Sport s’est mis à la recherche des secrets de l’éternelle jeunesse d’ Ibra. Et il a découvert que celui-ci n’était autre que… la monotonie. Il mange, il s’entraîne et il dort beaucoup. « Il n’y a pas de secret », dit Ibrahimovic. « Je me sens bien et je bénéficie de l’aide de mes équipiers. De plus, j’ai beaucoup d’expérience. Je sais ce que je dois faire pour être prêt. Je n’ai plus la même forme qu’il y a dix ou quinze ans. Je ne peux donc pas gaspiller mon énergie à des choses inutiles. »

Il y a deux ans et demi, il confiait à Voetbal International qu’il n’avait pas encore l’intention d’arrêter. La blessure au genou encourue à Manchester United lui avait fait comprendre combien il aimait jouer. « Je me suis juré de jouer jusqu’au jour où ça ne serait vraiment plus possible. À une seule condition: je veux rester performant. Je ne veux pas être un joueur parmi tant d’autres, ce n’est pas possible. Mais tant que je ferai la différence, le monde du football entendra parler de moi. Je ressens jusque dans ma chair le bonheur que le football me procure. Dans la tête, je suis encore très jeune. Sur le terrain, je me sens comme un enfant dans un magasin de friandises. »

Sa vie est très structurée. Il se lève, déjeune, s’entraîne, se repose, mange, s’entraîne, se repose, dort… Après le dernier break international et une rééducation réussie, il a retrouvé les terrains. Entré au jeu contre la Lazio, il n’a mis que six minutes à inscrire le deuxième but milanais, sur un assist d’ AnteRebic. Ce n’était pas le plus beau but de sa carrière mais qu’importe! Ce qui compte, c’est qu’un quasi-quadragénaire de retour après une opération n’ait mis que six minutes à marquer de son empreinte un duel au sommet de Serie A.

Sacrifices quotidiens

Ce dimanche-là et le lendemain, dans les talk shows et dans les journaux, on ne parlait que de son âge, de sa forme et de son but. En feignant l’étonnement, on se demandait comme un homme de presque quarante ans s’y prenait pour avoir un tel impact dans un championnat d’aussi haut vol. Mais le lendemain du match, à huit heures, un chauffeur venait chercher Zlatan pour l’emmener à la salle de fitness, où il entamait son travail de récupération. À leur arrivée à Milanello, son entraîneur et ses équipiers voyaient déjà ce grand champion à l’ouvrage. Personne ne s’en étonnait, car depuis son retour, c’était presque chaque jour la même chose. Zlatan veut que son vieux corps reste le plus possible en condition. Pour cela, outre ses entraînements, il se soumet à des massages et des thérapies favorisant le rétablissement. Cet art de vivre lui permet de continuer à s’entraîner et à jouer. Dans le sport, celui qui veut tenir longtemps ne peut pas faire autrement.

Ce que Zlatan démontre à l’AC Milan témoigne d’une discipline extraordinaire. Il a beau se comparer à un lion, un requin ou quelque animal que ce soit ou affirmer qu’il est l’incarnation de BenjaminButton, il ne rajeunit pas et ça ne lui facilite pas la tâche. Pour être Zlatan, il doit se lever tôt. C’est là que tout commence. Ce sacrifice quotidien est peut-être encore plus dur à consentir que les efforts sur le terrain.

À Milanello, il est souvent le premier arrivé et le dernier parti. « Si un gars comme Ibrahimovic fait ça alors qu’il a tout gagné, pourquoi ne le ferais-je pas », disait son équipier SamuelCastillejo la saison dernière. Pour ne pas perdre d’énergie dans les embouteillages milanais, il se fait conduire à l’entraînement par un ami. Il a fait de l’entraînement un mode de vie. Il sait que le plus important est d’éviter les blessures. Il l’a confié début juin, dans une interview à LaGazzetta dello Sport. « J’aurais voulu aider davantage l’équipe la saison dernière. En principe, je peux joueur cinquante matches par an. Je devrais peut-être me montrer plus réaliste et être moins exigeant envers mon corps, mais je n’y arrive pas. Je ne pense pas que je joue trop. Un joueur qui ne joue pas est en colère. S’il joue trop, il exagère. Si le soleil brille, il fait chaud, mais s’il est absent, tout le monde le réclame. Je dois trouver un équilibre entre mes muscles et ma volonté. »

Zlatan a fait de l'entraînement un mode de vie.
Zlatan a fait de l’entraînement un mode de vie.© BELGAIMAGE

Cas exceptionnel

En avril 2017, sa carrière au plus haut niveau semblait terminée. Lors du match d’Europa League face à Anderlecht, il s’était déchiré le ligament croisé antérieur du genou droit. À 36 ans, tout le monde le pensait trop vieux pour revenir, mais trois mois après l’opération, il était déjà dans la salle de fitness et en novembre de la même année, il effectuait son retour sur le terrain. Le docteur FreddieFuHo-Keung, qui l’avait opéré, parlait de cas exceptionnel. En quarante ans de profession, il avait opéré quelque 6.000 personnes, dont soixante footballeurs, mais il n’avait jamais rencontré quelqu’un comme Ibrahimovic. « C’est le plus fort que j’aie traité », dit-il. « Ses ligaments, ses muscles et les autres parties de son corps étaient en excellent état. On aurait dit un gamin de quinze ans et pas un footballeur qui prenait des coups depuis des années. Je pense que ce qui fait la différence, c’est son état d’esprit. Avant même l’opération, il ne doutait pas qu’il reviendrait. »

Son agent, MinoRaiola, a raconté l’année dernière au Volkskrant qu’il s’asseyait parfois sur Ibrahimovic lorsque celui-ci faisait des pompes. Toujours selon Raiola, le Suédois pourrait jouer jusqu’à cinquante ans, mais il ne veut jouer qu’au plus haut niveau. Autre moment marquant de cette interview: la comparaison entre Zlatan et une coupe de fruits. Pour Raiola, ses équipiers n’ont qu’à se servir. Tout cela pour dire combien Zlatan les motive. Dire qu’il jouera jusqu’à cinquante ans est exagéré, même si le Suédois l’a déjà prétendu également. Il y a un an, il a posté une photo de lui vieilli disant qu’il tiendrait facilement jusqu’à cinquante ans.

Maître de taekwondo

Zlatan a toujours été costaud, c’est même une force de la nature. Malgré son mètre 97, il est très souple. Il le doit aux sports qu’il a pratiqués durant sa jeunesse. Outre le football, il a fait du taekwondo et d’autres sports de combat. Quand il est arrivé à la Juventus, il a commencé à s’entraîner de façon plus ciblée et il a appris à mieux manger. À partir de l’âge de 23 ans, il n’a vécu que pour le sport. Au fil des années, il a fait de plus en plus attention à ses muscles et à ses ligaments.

Quand Ibrahimovic prétend qu’en football, il y a beaucoup de rois mais un seul dieu (lui, en somme), Ibrahimovic devrait ajouter qu’il s’entraîne, mange et se soigne comme un dieu. Au Paris Saint-Germain, le cuisinier allait acheter chaque matin des fruits et légumes frais au marché. Zlatan voulait manger plus sainement et estimait ridicule qu’un club aussi ambitieux que le PSG fasse des économies sur le repas d’un joueur qui gagnait quinze millions d’euros net par an.

À Manchester United, il a essayé de s’entraîner avec un masque qui augmentait sa capacité pulmonaire. Cet appareil faisait en sorte qu’il s’entraîne comme en altitude. Il espérait ainsi remonter le temps. Lorsque JoséMourinho l’a fait venir en Angleterre, tout le monde n’était pas convaincu que c’était le bon choix. Qu’est-ce qu’un joueur de 35 ans pouvait apporter au championnat le plus dur du monde. Mais Zlatan n’a pas déçu. « Je me suis donné trois mois pour faire en sorte que les autres joueurs de Premier League se sentent vieux », dira-il plus tard.

Savoir se ressourcer

Quand il a du temps libre, Zlatan aime se promener, pêcher ou aller voir ses chevaux. Il y a quelques années, il a raconté à Voetbal International qu’il aimait chasser et se promener dans les bois ou les montagnes en dehors de Stockholm. Il adorait courir dans la nature et trouvait sympa que les élans ne le reconnaissent pas. Il connaît bien son corps et sait ce qu’il doit faire pour l’entretenir.

Ibrahimovic n’aime pas la demi-mesure. À l’entraînement, il se motive et motive les autres. Dans tous les clubs où il est passé, il est entré en conflit avec des équipiers. Il a de la colère en lui et s’en sert comme carburant afin de repousser ses limites et celles des autres. CarloAncelotti a un jour raconté qu’à l’entraînement, Ibrahimovic s’était énervé sur un joueur qui coupait systématiquement les angles lors des courses. « Il lui a dit: Rentre chez toi et écris dans ton agenda que tu t’es entraîné avec Zlatan, car c’était la dernière fois. C’est un vrai leader. »

L’âge de la retraite approche et on en parle de plus en plus souvent. En avril, il a prolongé jusqu’en juin 2022. Et après? « Ça me fera bizarre de prendre ma retraite », disait Ibrahimovic voici quelques semaines dans France Football. « Je pense que c’est une décision difficile à prendre pour tout le monde. Tant qu’on joue, on s’accroche à quelque chose. On se lève, on déjeune, on s’entraîne, on s’arrête, on mange, on rentre à la maison, on se repose, on passe du temps en famille et le lendemain, ça recommence. Il suffit d’appuyer sur replay. Les footballeurs sont programmés et dans mon cas, ça fait 25 ans que ça dure. »

Par Süleyman Öztürk (Voetbal International)

Une image de Superman

Début septembre, France Football a publié une longue interview de Zlatan Ibrahimovic. Au cours de l’entretien, il est revenu sur son image de surhomme. Les deux journalistes voulaient savoir comment il affrontait ses faiblesses et si son image avait un rapport avec l’endroit où il avait grandi. « La fragilité, c’est pour les faibles? », lui a-t-on demandé. « Non », a répondu Zlatan. « Moi aussi, j’ai mes faiblesses, mes émotions, mes points faibles, des choses qui me font mal. Je ne suis ni Hulk ni Superman. Je ne joue pas non plus un rôle. Je suis moi-même. Je n’ai pas trente ou 25 ans. Ma façon de voir les choses a changé, mais je suis resté le même. Je suis un peu plus mûr. J’appréhende certaines situations différemment. Avec l’objectif de jouer le plus longtemps possible au plus haut niveau. »

On lui a aussi demandé de parler de son image et on lui a dit: « À près de quarante ans, vous pouvez continuer à jouer les durs? » Sa réponse: « Vous me prenez pour un gangster? Vous vous faites une fausse image de moi… Je ne suis pas un gangster. Je mesure près de deux mètres et je suis costaud. C’est parce que je m’entraîne et pas parce que je fais mon show toute la journée à Venice Beach. Je suis né comme ça, je suis grand parce que mes parents étaient grands, je suis comme je suis. J’essaye d’adapter mon jeu à mon âge et à mon état de forme. Je ne suis plus aussi rapide qu’à 25 ou trente ans. Je fais de mon mieux pour aider l’équipe, mais je ne joue pas les durs ou quoi que ce soit. »

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