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Entre le coeur et la raison, le dilemme de la vidéo-arbitrage

Des erreurs évitées, au prix d’émotions contrariées: le recours expérimental à la vidéo mardi lors du match amical de la France contre l’Espagne (0-2), a relancé le vieux débat sur l’utilisation de la technologie dans le football.

« C’est une bonne chose parce que cela rend les décisions justes » mais « cela peut tuer également le ressenti après un but », a synthétisé le capitaine français, Hugo Lloris.

. Justice sportive

Grâce à la communication entre l’arbitre allemand Felix Zwayer et son assistant vidéo posté dans un van près du Stade de France, un but d’Antoine Griezmann a été invalidé car son passeur, Layvin Kurzawa, était hors-jeu au départ de l’action, ce que le juge de touche n’avait pas signalé. Le deuxième but espagnol a lui été accordé au bout du même processus, alors qu’il avait d’abord été signalé hors-jeu.

« Si ça permet de corriger des erreurs comme ça a été le cas, même si c’était en notre défaveur, ça me semble bien pour l’équité sportive », a jugé le sélectionneur Didier Deschamps.

« L’arbitrage a réglé ces deux actions de façon juste », a abondé son homologue espagnol, Julen Lopetegui.

. Flottement émotionnel

La décision définitive de l’arbitre est intervenue dans les deux cas de longues dizaines de secondes après le franchissement de la ligne de but par le ballon. Un flottement qui fait avorter toute spontanéité.

Pour la première action, « Grizi » et les Bleus avaient déjà jubilé, avant donc d’être douchés, déçus. « Ce n’est pas déstabilisant, mais chiant parce qu’il faut attendre pour célébrer le but », a-t-il commenté.

« Cela a un peu tué notre match », selon Layvin Kurzawa, « ça casse un peu la beauté du match » pour son coéquipier Kevin Gameiro.

Les quelque 80.000 spectateurs du Stade de France étaient également pris dans cette expectative. Ne bénéficiant d’aucun ralenti, ils devaient s’en tenir aux gestes de l’arbitre, mimant un écran ou la main collée à son oreillette, pour comprendre qu’il recourait à son assistant vidéo.

« Ca déshumanise un peu le jeu, ça peut enlever un peu de spectacle, confie à l’AFP l’ancien arbitre français Bruno Derrien. Le foot, c’est des sentiments et c’est aussi le sentiment d’injustice. La vidéo déresponsabilise aussi les assistants. Si j’étais assistant, je ne lèverais plus mon drapeau sur les situations de hors-jeu, puisqu’il y a la vidéo ».

Le cas de figure extrême soulevé par Michel Platini, opposant historique à la vidéo, risque aussi de faire du bruit s’il se produit: l’arbitre invalide un but à une équipe en revenant sur une situation litigieuse antérieure dans sa surface de réparation, et y accorde un penalty à l’adversaire…

. Marge d’interprétation

La première intrusion de la technologie concernait le franchissement de la ligne de but (GLT), qui a influé pour la première fois dans un match au Mondial-2014. Un système qui intervient immédiatement et n’est pas sujet à interprétation comme la vidéo.

Le penalty accordé à l’Espagne, sans arbitrage vidéo, a d’ailleurs fait tiquer Deschamps, qui a revu les images. « J’ai quelques doutes sur l’interprétation », a ainsi dit le technicien, alors que l’assistant vidéo lui a affirmé après-coup qu’il comprenait la décision de l’arbitre sur la foi des mêmes images.

« Les partisans de la vidéo sont sortis renforcés car les décisions prises sont correctes, et plutôt rapides. Mais j’aimerais voir ça sur des situations plus compliquées où les images sont sujettes à interprétation. Globalement, la vidéo est juste mais elle n’est pas belle », lâche Bruno Derrien.

. Balbutiements

Lors de France-Espagne, « techniquement c’est un test réalisé par la Fédération française (FFF) avec l’accord de l’International Board (Ifab), ce n’était donc pas un test Fifa », a dit à l’AFP la Fédération internationale.

L’Ifab, l’organisme garant des règles du football, a autorisé en mars 2016 l’expérimentation de la vidéo jusqu’en mars 2018, limitée à quatre cas: après un but marqué, sur une situation de penalty, pour un carton rouge direct ou pour corriger une erreur d’identité d’un joueur sanctionné.

Au Mondial-2016 des clubs, l’expérience s’était révélée mitigée. Un but de Cristiano Ronaldo (Real Madrid) avait ainsi été accordé, puis annulé pour hors-jeu, et enfin validé par l’arbitre central.

De « petits contre-tremps liés au manque d’entraînement des arbitres », avait estimé début mars le président de la Fifa, Gianni Infantino. « Ils pourront prendre les décisions bien plus vite quand ils seront habitués à l’utiliser ». Ce grand partisan de la vidéo, qui selon lui « montre des signes encourageants », s’est donné comme « but » de l’appliquer au Mondial-2018.

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