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« Dries Mertens ne détonnerait pas au Barça »

Quel regard nos voisins néerlandais portent-ils sur la progression de Dries Mertens, avant le match de Ligue des Champions entre Naples et Feyenoord ?

Ted van Leeuwen se souvient parfaitement de cette soirée du printemps 2006. Alors Directeur technique d’AGOVV Apeldoorn, il était dans le living de Peter Ressel, ancien joueur et scout d’Anderlecht, avec Dries Mertens et Sven Kums, deux adolescents formés par l’école des jeunes mauve. Kums jouait toujours à Neerpede mais Mertens, âgé de 19 ans, avait rejoint Gand, qui l’avait loué à l’Eendracht Alost.

« Dries à Alost… (Il soupire). Un stade vide, triste. Mais quel talent ! Excellent sur le plan technique, explosif, avec une prise de balle en avant… J’aimais bien Sven aussi mais je travaillais pour un petit club sans argent. Nous pouvions le louer un an et nous l’avons transféré à titre définitif ensuite. Je ne me souviens plus du montant exact, ça devait être entre 30.000 et 46.000 euros. Cette année-là, en 2007, nous avons également acheté Nacer Chadli au Standard : 7.600 euros, à payer en deux tranches de 3.800 euros. Je me rappelle bien ce premier entretien. Il tournait autour de la taille de Dries. Anderlecht lui avait fourré dans la tête qu’il était trop petit. Foutaises. »

Pourtant, son 1m69 a poursuivi le Louvaniste aux Pays-Bas aussi. Johan Derksen, rédacteur en chef de Voetbal International, à l’époque, avait démoli Mertens dans une émission TV peu après son transfert au FC Utrecht, en 2009. Le jeune Belge était dans le public. « S’il rate, on peut toujours le mettre dans le jardin. » René van der Gijp, le copain de Derksen, qui a joué à Lokeren de 1982 à 1984, se moquait aussi du petit Belge. « Ses couilles le démangent dès que l’herbe commence à pousser. »

Van Leeuwen n’a jamais compris les sceptiques. « Gary Medel a le même âge et ne fait que deux centimètres de plus mais il a joué dans l’entrejeu de Séville et de l’Inter et il a gagné la Copa America à deux reprises avec le Chili, une petite équipe. Ceci dit, à Apeldoorn, nous avons vraiment dû le défaire de son complexe. En lui confiant le brassard de capitaine, John van den Brom a eu le geste idéal. Dries s’est sublimé, il a gagné en confiance et ça l’a aidé dans la suite de sa carrière. »

Libre de ses actes sur l’aile gauche

Étape suivante : le FC Utrecht. Le club a versé 600.000 euros, soit pas grand-chose pour un joueur qui a gagné le Taureau en Or (le titre de plus grand talent de D2). Pourtant, il suscite toujours des doutes, des interrogations. Ayant été formé en Belgique, allait-il pouvoir gérer son transfert du paisible Apeldoorn à la culture plus rude de l’ouest hollandais ?

« Il a dû s’adapter verbalement mais il jouait terriblement bien. Généralement dans un registre libre sur le flanc gauche, pas à l’avant-centre, un poste pour lequel nous avions Ricky van Wolfswinkel et Frank Demouge » , raconte Ton du Chatinier, l’entraîneur de Mertens au Galgenwaard. Dès sa première saison, Mertens est deuxième à l’élection du Footballeur de l’Année, derrière Luis Suarez.

« Sa position l’empêchait de marquer beaucoup » poursuit notre interlocuteur. « Un total de 21 buts en deux saisons. Il était plutôt un passeur : 34 assists. Il avait l’art d’éviter les duels. Je ne suis donc pas surpris qu’il se débrouille si bien au centre, à Naples, avec des tueurs dans le dos. Il évolue comme un faux neuf, un poste que Lionel Messi a déjà occupé à Barcelone. Comme il est constamment en mouvement, il reçoit peu de coups.

Je le compare parfois à Dirk Kuyt. C’est un autre type de footballeur mais comme lui, il opère toujours les bons choix. Utrecht, Feyenoord, Liverpool… Durant sa deuxième saison, Dries a intéressé le Lokomotiv Moscou. – Trainer, dois-je accepter ? m’interrogea-t-il. Il n’a pas choisi l’argent rapidement gagné, préférant progresser pas à pas.

Apeldoorn, Utrecht, le PSV, Naples. Ses limites ? D’après moi, il ne détonnerait pas à Barcelone. Il est très désireux d’apprendre et c’est ce qui différencie les grands joueurs des moyens. Il exerce sa force, il revoit des matches, il se demande ce qui pouvait être mieux exécuté. Ça a payé, au PSV comme à Naples. »

Petit par la taille, grand par le talent

Cinq ans après son départ pour le stade Pierre Cornelis, le Belge de 24 ans vaut 8,5 millions. C’est ce que paie le PSV. Hugo Borst, éditorialiste de l’Algemeen Dagblad, le place dans la galerie des Maradona, Xavi, Messi et autre Sneijder : petit mais détenant la classe absolue. De 2011 à 2013, à Eindhoven, ses statistiques sont brillantes : 45 goals, 43 assists.

« Il est insaisissable », a déclaré Fred Rutten, T1 pendant sa première saison. Vitesse, vista, sens du but. Pourtant, Rutten n’a pas compris qu’il opte pour Naples. « Le petit Dries face à des défenseurs aussi terribles ? Mais lui l’a pris comme un défi. »

Pendant ses trois premières saisons au Stadio San Paolo, il a généralement évolué à gauche ou dans le dos de l’avant-centre Gonzalo Higuain. Il a marqué 34 buts et délivré 31 assists. Après le départ de l’attaquant argentin, le T1 Maurizio Sarri lui a confié un rôle plus central. Il est libéré : 34 buts et 15 assists.

« Les footballeurs adverses se méfient de joueurs comme lui. Sa classe réside dans son aptitude à frapper au bon moment. Il rend fous ces grands défenseurs costauds. Ils tiennent bien les grands attaquants mais ne savent pas comment s’y prendre avec Dries », dit Ruud Krol, défenseur à Naples de 1980 à 1984, à l’Algemeen Dagblad.

Il a fêté ses trente ans en mai et a convaincu tout le monde. Mertens émarge au sub-top européen. Il a parcouru un long chemin, de l’Alleen Gezamenlijk Oefenen Voert Verder d’Apeldoorn à la Societa Sportiva Calcio napolitaine, avec des arrêts à Utrecht et à Eindhoven, où il a jadis voulu réparer un robinet défectueux à la cafétéria.

Du Chatinier : « C’est un gentil garçon, correct, qui est devenu grand en restant petit. »

PAR CHRIS TETAERT

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