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De Bruyne, l’effet de surprise du football mancunien de Guardiola

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Lancé à la poursuite de Liverpool, Manchester City a retrouvé son prédateur préféré. Un Belge aux pieds précieux, capable de renverser une rencontre en une passe. Avec Kevin De Bruyne, les coups de patte sont souvent des coups de génie.

Les clichés ont parfois la vie dure. Celui qui raconte que Pep Guardiola est un entraîneur romantique est l’un de ceux-là. Le Catalan, désormais bien installé à la tête de Manchester City, a peaufiné les derniers réglages d’un onze bleu ciel qui ressemble de plus en plus à une machine.

Face à des adversaires souvent résignés à défendre leur surface avant de penser à s’aventurer de l’autre côté de la ligne médiane, le plan des Citizens est devenu limpide : amener du monde dans l’axe du terrain, puis isoler Raheem Sterling, Riyad Mahrez ou, surtout, Leroy Sané sur le côté, en un-contre-un aux abords de la surface.

Dribble, centre en retrait, occasion de but. La symphonie ne tolère pas de fausse note, et les solistes posés sur les ailes doivent se contenter d’interventions aussi ponctuelles que précises.

Le manager des Skyblues précise son idée dans La Metamorfosis, ouvrage de Martí Perarnau qui lui est consacré :  » Dans mon modèle de jeu, un ailier est quelqu’un qui doit passer beaucoup de temps tout seul, dans le couloir, pratiquement sans bouger, sans toucher le ballon. Il doit attendre. Comme un gardien, qui peut rester quarante minutes sans toucher le ballon puis, soudain, doit faire une intervention quasi miraculeuse.  »

La chorégraphie du jeu de position est minutieuse et la seule surprise du jeu de City réside désormais dans la nature du dribble infligé par l’ailier mancunien au défenseur adverse. La recette fonctionne, permettant d’accumuler les points et les victoires, mais perd parfois la saveur du spectaculaire et de l’imprévu. Non, Pep Guardiola n’est pas un romantique.

L’OMNIPRÉSENCE DU DANGER

Lors de sa période barcelonaise, le coach comptait sur les exploits de Lionel Messi pour se sortir des situations complexes. Si Guardiola confesse être devenu un meilleur coach depuis qu’il ne peut plus compter sur la Pulga pour résoudre les problèmes que le jeu peut lui poser, son football mécanisé manque parfois de génie pour se sortir de situations où son plan est neutralisé par les atouts de l’adversaire.

Face à Chelsea, au début du mois de décembre, les Citizens n’ont jamais trouvé la faille face aux idées de Maurizio Sarri. Un an plus tôt, contre les Blues méticuleusement organisés par Antonio Conte, il avait fallu une frappe cinglante de Kevin De Bruyne pour faire trembler les filets londoniens. Cette fois, KDB était encore sur le flanc, freiné en plein départ de la saison par une blessure récalcitrante.

De Bruyne, l'effet de surprise du football mancunien de Guardiola

Le rouquin des Diables est l’effet de surprise du football mancunien de Pep Guardiola. L’homme qui sort parfois du plan pour transformer un ballon axial, même lointain, en occasion de but sans toujours passer par les dribbles de ses ailiers. La saison dernière, sept de ses douze buts ont été inscrits depuis l’intérieur du rectangle, ce qui en fait une menace en dehors de la surface que ne peut pas représenter David Silva, beaucoup moins adroit à distance et donc plus prompt à chercher le décalage via les ailes pour transformer la possession en occasion.

Surtout, De Bruyne est capable d’offrir un ballon de but depuis n’importe quel endroit de la moitié de terrain adverse. Dans l’axe, il parvient à trouver Sané dans le dos de la défense avec des ballons délicieusement calibrés, comme il en a adressés quelques-uns à l’Allemand lors de sa montée au jeu face à Crystal Palace. À gauche, ses centres aériens et rentrants peuvent trouver un coéquipier dans n’importe quelle zone de la surface, et il suffira d’un léger contact de la tête pour prolonger la trajectoire du ballon jusqu’au fond des filets.

Et depuis la droite, ses centres au sol inventent des courbes paraboliques pour échapper au gardien et aux défenseurs pour aboutir au millimètre dans les pieds des buteurs des Citizens. Comme les dribbles de Messi à Barcelone, les passes de KDB à City subliment le système Guardiola en lui offrant une fréquente touche de génie inattendu.

LE LOUP ET LE REQUIN

Progressivement, les Citizens ont retrouvé le Kevin De Bruyne qu’ils avaient acheté à Wolfsburg, au bout d’une folle saison allemande conclue à 16 buts et 28 passes décisives toutes compétitions confondues chez les Loups. Pourtant, à son arrivée à l’Etihad Stadium, Pep Guardiola a inventé une nouvelle version de KDB, installant le Belge plus bas sur le terrain pour faire profiter la relance des Skyblues de sa fabuleuse qualité de passe.

Dans le chaos du jeu anglais, De Bruyne était alors l’atout des Mancuniens pour franchir la ligne médiane, que ce soit balle au pied ou par une passe capable de casser les lignes adverses. Là, le Diable souffrait moins de ses difficultés à recevoir le ballon dos au jeu aux abords de la surface adverse, là où le contrôle et le coup de rein des plus grands font la différence.

L’enjeu, pour Guardiola, était de créer ce nouveau KDB sans perdre son ancienne version, trop importante pour sa faculté à multiplier les situations dangereuses avec le jeu face à lui et des espaces à conquérir, d’une passe dans le dos ou d’une course vers l’avant. Le De Bruyne des prés allemands est réapparu en Angleterre, concluant la dernière saison triomphale des Citizens avec seize passes décisives au compteur.

Meilleur passeur du championnat, il tournait avec une moyenne supérieure aux cinq occasions imaginées par rencontre : 2,9 passes-clés (seul Mesut Özil faisait mieux) et 2,5 tirs (chez les milieux, seulement devancé par Paul Pogba et Christian Eriksen).

Si sa qualité de passe et sa gestion des moments d’une rencontre, en plus de ses capacités physiques hors normes, font de Kevin De Bruyne un fabuleux milieu de terrain, il n’en reste pas moins un passeur aux instincts d’attaquant, jamais aussi à l’aise que quand il tourne les yeux vers le but et se demande, en une fraction de seconde, comment faire pour que les filets tremblent quelques instants plus tard. Même éduqué aux règles précises du jeu de position, un requin reste toujours attiré par l’odeur du sang.

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