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D’Hooghe : « Blatter sera réélu haut la main »

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Michel D’Hooghe, membre du Comité Exécutif de la FIFA, défend son président, Sepp Blatter et n’en doute pas une seconde: le 29 mai prochain, le Suisse se succédera à lui-même à sa tête.

Aux yeux de l’opinion publique, la FIFA passe pour un des organismes les plus corrompus au monde. Cela vous touche-t-il?

Oui, c’est évident puisque j’en fais partie. Je mentirais en prétendant que cela ne me perturbe pas. Je suis l’un de ceux qui a le plus insisté pour qu’on mette en place une commission d’éthique afin qu’on n’en arrive plus à des situations telles celle que l’on a connue avec Jack Warner. J’ai l’impression que, sur ce plan, la FIFA est sur le bon chemin. Tout est contrôlé, il y a deux commissions d’éthique différentes, un audit interne et un audit externe. Je pense qu’en ce moment, tout est parfaitement contrôlé mais je regrette que des fautes aient été commises par le passé.

C’est un euphémisme! Au cours des quatre dernières années, pratiquement la moitié de vos collègues ont été contraints de démissionner.

Il y avait vraisemblablement des gens qui, en matière d’éthique et de morale, n’avaient pas les mêmes valeurs que nous mais ils ont été punis. On peut donc dire que la FIFA a pris les mesures nécessaires mais je ne peux pas nier que le comportement indigne de nombreux membres a terni la réputation de la FIFA.

Et on en arrive à Sepp Blatter, le président.

Il a raison lorsqu’il dit que ce n’est pas lui mais les confédérations qui ont élu ces gens-là. Je n’ai pas été choisi par la Belgique mais par l’UEFA, comme d’autres l’ont été par la CONCACAF ou la CONMEBOL. Blatter n’a rien à voir avec cela mais on lui met tout sur le dos et ce n’est pas toujours justifié.

Michael Van Praag, un de ses adversaires lors des prochaines élections, dit qu’un président doit pouvoir exiger d’être entouré de gens plus intègres.

Je ne suis ni l’adversaire, ni l’ami de Blatter. Je tente d’évaluer honnêtement son travail. Et, le plus important: je vous mets au défi de trouver un point sur lequel on peut dire qu’il a été corrompu.

Quel bilan tirez-vous de sa présidence?

Plusieurs choses jouent contre lui: il y a quatre ans, à Paris, lors du congrès de l’UEFA, il a dit que c’était son dernier mandat. De plus, il a 79 ans, ce n’est plus un jeune premier. Premièrement, et Van Praag a raison lorsqu’il dit cela, il dirige une organisation qui, en Europe, passe pour corrompue. Ses points forts, c’est de manier parfaitement plusieurs langues. Huit, je pense. Deuxièmement, il sait mener des réunions. Diriger la FIFA, ce n’est pas simple. Nous trois, si nous discutons des principes éthiques et moraux, nous pensons plus ou moins la même chose. Même au niveau de l’Europe, les points de vue sont sensiblement les mêmes. Mais à la FIFA, c’est complètement différent. Il y a des gens du monde entier. En réunion, je suis parfois assis à côté d’un représentant de la Papouasie-Nouvelle Guinée. Un type charmant, rien à dire, mais quand je parle avec lui, je remarque que nous ne raisonnons pas de la même façon. Et Blatter parvient à former un consensus. J’ajoute à cela sa formidable connaissance du football. S’il se passe quelque chose à Aruba, il le sait. Enfin, il s’engage sans compter. Il dit toujours: Ma femme a 111 ans. Sa femme, c’est la FIFA. Blatter ne vit que pour la FIFA. Ah, j’oubliais: en 2002, en Corée, la FIFA était virtuellement en faillite. C’est sous la direction de Blatter qu’on a redressé la situation financière. Aujourd’hui, la FIFA est prospère.

Mais il symbolise la corruption au sein de la FIFA. Dès lors, il doit s’en aller.

Ce n’est pas vrai. Il est le plus haut responsable d’une organisation à laquelle les médias de certains pays européens, surtout les anglais, ont collé une étiquette de corrompue. Vous voulez tous démolir Blatter mais je ne hurlerai pas avec les loups. Il y a quelques semaines, le congrès de la confédération africaine a appelé ses membres à voter pour Blatter. Sur ce continent, on le vénère. Certaines parties du globe ne partagent pas du tout le point de vue de l’Europe.

Il est soutenu par les confédérations d’où proviennent les corrompus.

Les présidents des 54 fédérations africaines sont-ils tous corrompus?

Les gens qui ont été virés de la FIFA viennent tous de ces confédérations.

Ils ont été remplacés par d’autres. En Asie aussi, de nombreux pays soutiennent Blatter. Ne croyez pas que toute l’Asie sera derrière le Prince Ali de Jordanie.

Le football mondial a besoin d’un nouveau visage, non ?

Là, je suis d’accord. Je trouve qu’il serait bon pour le football que, comme l’a proposé Van Praag, Blatter devienne une sorte de président d’honneur qui continue à développer des projets sociaux. Il ne serait dès lors pas poussé vers la sortie mais ce serait à des gens plus jeunes de prendre leurs responsabilités.

Van Praag affirme que vous soutenez sa candidature.

C’est exact. Je le trouve parfait. Courageux, aussi. Il a une vision et a fait une belle proposition à Blatter. Il ne veut pas le démolir mais l’honorer. Blatter le mérite mais, pour la FIFA, il est temps de tourner la page.

Vous pensez que ce sera le cas?

Je pense qu’en ce moment, malgré son excellente vision des choses, Van Praag n’a aucune chance face à Blatter.

C’est couru d’avance?

Une élection implique toujours des surprises mais si vous me demandez qui sera élu président, je réponds Blatter. Et haut la main.

Par François Colin et Jacques Sys

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