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Comment Messi est-il devenu le Roi des coups francs?

Comment Lionel Messi, le dieu argentin du Barça, a-t-il fait du coup franc une spécialité ?

Alisson Becker, Pau López, Fernando Pacheco, Sergio Asenjo, Diego López et Jeroen Zoet peuvent en témoigner. Ils ont tous été surpris par le maître, la saison dernière. Pacheco, d’Alavés, s’est retourné parce que Lionel Messi avait expédié le ballon en dessous du mur. Zoet a donné l’impression de plonger dans une piscine vide, au Camp Nou, lorsque le ballon a surmonté Luuk de Jong avant de redescendre dans le coin qu’il n’avait pas couvert.

Messi a déjà converti une cinquantaine de coups francs et le graphique du nombre de ses réalisations annuelles révèle une courbe toujours ascendante.
Messi a déjà converti une cinquantaine de coups francs et le graphique du nombre de ses réalisations annuelles révèle une courbe toujours ascendante.© GETTY

La plupart du temps, le rituel est identique. Messi prend le ballon en mains, le tourne jusqu’à ce qu’il ait trouvé la bonne position et se baisse vers le sol pour trouver le bon endroit où le poser. Parfois, le ballon ne se trouve pas exactement là où il le souhaiterait, et il est obligé de le déplacer un peu.

De temps en temps, il enlève un brin d’herbe derrière le ballon. Ensuite, il tripote un peu à ses chaussettes, toujours de la même manière, et il prend position. Avec les mains sur les hanches, ou les bras le long du corps, il attend que l’arbitre donne le signal. Il ne dit jamais rien, mais il observe attentivement ce qu’il se passe devant lui. Sa course d’élan se résume, la plupart du temps, à deux pas. Gauche, droite, et le pied gauche sur le ballon.

Sur YouTube, on trouve quasiment tout. En tapant Messi free kick dans le moteur de recherche, on découvre en quelques secondes une centaine de vidéos. En moins de temps qu’il n’en faut pour s’en rendre compte, on a droit à une compilation d’un quart d’heure de tous les coups francs convertis par l’Argentin.

Il y en a près de cinquante, désormais, et le graphique du nombre de réalisations annuelles révèle une courbe toujours ascendante. L’attaquant de Barcelone est de plus en plus performant dans cet exercice. La saison dernière, il en a réussi huit au total.

Une précision chirurgicale

Le plus surprenant, c’est la variation dans les buts. On ne peut pas dire qu’un coup franc bien précis fasse partie de son répertoire classique. Il tire de toutes les positions et de toutes les distances. Au premier poteau, au deuxième poteau, en fuyant le gardien, sous le mur, avec force et précision, avec un petit lob, de la gauche et de la droite, dans le coin du gardien.

Lors de chaque coup franc, on pourrait réaliser un arrêt sur image et essayer de deviner la trajectoire du ballon. De nombreuses options sont possibles, mails il faut prendre un certain nombre de facteurs en considération : le positionnement et les qualités du gardien, le mur, la distance, la frappe du footballeur. Sur base de toutes ces données, on pourrait envisager une prédiction.

Pourtant, même avec des données comparables, Messi parvient toujours à se réinventer. Il trouve des solutions que les autres ne trouvent pas. Ou, plutôt : il ne voit pas les obstacles qui obstruent la vue des autres. C’est à cette conclusion que l’on arrive lorsqu’on analyse, un par un, les coups francs qu’il a bottés.

C’est comme si l’on entrait dans un musée et que l’on découvrait, au mur, 52 tableaux de Picasso. On voit l’évolution dans la technique de frappe, la précision qui augmente et finalement le contrôle total. Le ballon qu’il a envoyé de 30 mètres et qui a contourné le mur de Liverpool, en demi-finale de la Ligue des Champions, pour atterrir dans le coin supérieur droit, était complètement inarrêtable pour Alisson Becker. La trajectoire vers la lucarne était non seulement puissante, mais aussi d’une précision chirurgicale.

Le plus curieux, ce sont les réactions des adversaires battus et des observateurs. Elles sont toujours surprenantes. Regardez les gardiens cloués sur place sur leur ligne, écoutez les commentateurs qui éclatent spontanément de rire parce qu’ils ne savent pas quoi dire, observez le visage des spectateurs. Lors de chaque coup franc converti, le mystère s’épaissit. Comment fait-il ?

Première conversion en 2012

L’Argentin a fait du coup franc sa marque de fabrique. Il pose le ballon au sol et l’envoie à l’endroit exact qu’il avait imaginé dans sa tête. Avec la conviction d’un joueur de baseball qui lance sa balle.

Quel est le secret ? Y a-t-il un secret ? Messi est toujours aussi avare de commentaires. Il ne faut pas compter sur lui pour donner une explication. C’est lié à sa personnalité introvertie. Il préfère parler avec les pieds qu’avec la bouche. D’un autre côté, il n’a pas trop intérêt à parler, car toutes ses paroles sont pesées. Tout est amplifié. Alors, il préfère se protéger.

Quoi qu’il en soit, il semble avoir trouvé la bonne formule. Ce n’est qu’en 2012 qu’il a converti son premier coup franc. A ce moment-là, il avait déjà remporté trois fois le Ballon d’Or. De quatre ou cinq au départ, il a fait grimper sa moyenne annuelle à huit. Selon les médias argentins, Diego Maradona a marqué à 62 reprises sur coup franc.

Messi se rapproche de cet objectif ; il en est à 52 pour l’instant. Dont 46 sous le maillot du FC Barcelone et 6 en équipe nationale. Il approche des chiffres des meilleurs spécialistes de coups francs de l’histoire, comme David Beckham (65), Ronaldinho (66) et Pelé (70). Le Brésilien Juninho Pernambucano arrive en tête de liste : il a inscrit 77 buts sur coup franc au cours de sa carrière.

Comment Messi est-il devenu le Roi des coups francs?

La légende veut que le secret du coup franc se soit transmis de génie en génie. Directement de Maradona à Messi. En février 2009, l’équipe nationale argentine s’est entraînée au Stade Vélodrome de Marseille dans la perspective d’un match amical contre l’équipe de France. Après l’entraînement, Carlos Tévez, Javier Mascherano et Messi ont demandé s’ils pouvaient encore tirer encore un peu au but.

Mais, lors de sa première tentative, Messi a tiré dans les nuages et s’en est tellement irrité qu’il a directement rejoint les vestiaires. Jusqu’à ce qu’il soit rattrapé par l’un des assistants et que Diego Maradona, qui venait d’être intronisé sélectionneur, s’occupe de lui.

Le maître et l’élève

C’est une anecdote expliquée dans le livre Fútbol, llamado a la rebelión, paru en 2014. Le préparateur physique Fernando Signorini y raconte l’entraînement de Marseille de manière poétique :  » Comme toujours, Diego avait tout entendu « , peut-on lire.  » Maradona l’a pris par l’épaule et a dit : « Viens, tirons encore quelques coups francs ». C’était comme un maître avec son élève.

 » Pose le ballon ici et écoute-moi « , a-t-il poursuivi. Il a ensuite frappé le ballon du pied gauche et l’a expédié dans la lucarne. Messi a regardé, admiratif. Là, à cet endroit, Maradona lui a ouvert le monde de la connaissance. Je me suis retourné, car j’en avais vu assez. Allí estaba el fútbol argentina. C’était ça, le football argentin.

La difficulté d’un coup franc placé, c’est que le ballon doit pouvoir aller à gauche ou à droite, et que dans la plupart des cas, il doit d’abord prendre une trajectoire ascendante avant de redescendre. Le pied doit être utilisé comme une raquette de tennis, pour pouvoir créer de l’effet en coup droit ou en revers. Lorsqu’on observe attentivement la tenue du corps de Messi, on constate qu’il utilise tout son corps pour transmettre des informations au ballon.

L’entraînement à Marseille arrive aussi avant le livre México 86 ; Mi mundial mi verdad ; Así ganamos la copa, publié en 2016. Diego Maradona y raconte, avec ses propres mots, comment il a remporté la Coupe du monde. Et parfois, il ajoute certains détails. C’est le cas lorsqu’il parle de sa frappe contre l’Uruguay qui s’est écrasée sur la latte. Peu de temps après, il s’est retrouvé à l’entraînement de Marseille dans le survêtement de sélectionneur.

 » Il ne faut pas retirer son pied trop vite, mais au contraire accompagner le ballon le plus longtemps possible pour lui donner la trajectoire voulue. Sans cela, le ballon ignore où vous voulez l’envoyer « , explique Maradona.  » Lorsque je suis devenu sélectionneur, j’ai expliqué cela à Messi. Si vous ne me croyez pas, demandez à Fernando Signorini « .

Lorsque Messi est rentré au vestiaire après ce coup franc raté, Fernando lui a crié :  » Comment peux-tu t’enfuir après avoir tiré un coup franc de manière aussi lamentable ?  » Leo est revenu. Je lui ai expliqué comment il devait frapper le ballon pour l’envoyer dans la lucarne. Messi a directement compris. »

Un coin du voile

Il est intéressant de se remémorer les coups francs de la saison dernière avec cette information-là en tête. Et d’observer attentivement le pied gauche qui communique avec le ballon. Souvenez-vous du petit lob contre l’Espanyol à la fin mars, lorsqu’il a réalisé une véritable panenka sur un coup franc de 16 mètres.

Il a caressé le ballon comme un papa ou une maman qui met son rejeton au lit. Son pied gauche a accompagné le ballon, exactement comme Maradona le lui avait recommandé à Marseille. Messi préfère ne pas parler de son secret. En décembre de l’an passé, il a cependant levé un coin du voile.

Il a expliqué.  » Je reste souvent sur le terrain après l’entraînement, pour tirer des coups francs. On s’habitue à toucher le ballon d’une certaine manière afin de lui donner un certain effet. Tout est une question d’entraînement. « 

Par Süleyman Öztürk

Pas le meilleur à La Masia

Ce n’est que sur le tard, en 2012, que Lionel Messi s’est découvert un don sur coup franc. A La Masia, le centre de formation du Barça, il ne s’exécutait jamais dans cet exercice, vu que d’autres étaient meilleurs que lui. C’est ce qu’a raconté son ancien coéquipier Roger Giribet à goal.com.  » Victor Vazquez était le spécialiste attitré de même que le gaucher Juanjo Clausi. Messi, lui, ne les tirait quasi jamais.  »

Vazquez a joué de 2011 à 2016 au Club Bruges où il a fait montre de sa dextérité sur coup franc. Chacun se souviendra à coup sûr de ses deux buts, sur phase arrêtée, lors du 2-2 réalisé par les Bleu et Noir à Anderlecht en 2014-15. Le deuxième, surtout, avait laissé le n°1 anderlechtois Silvio Proto complètement pantois.

Après sa période brugeoise, Vazquez s’est produit tour à tour au Toronto FC puis à Al Arabi. Agé de 32 ans, il défend actuellement les couleurs d’Umm Salal au Qatar. Juanjo Clausi n’a jamais fait vraiment carrière : il a milité dans les séries inférieures et est actif à présent au Paterna CF en D4 espagnole.

33,3 %

Un coup franc sur trois de Lionel Messi termine sa course au fond des filets. Un pourcentage hallucinant.

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