Comment Gand peut-il venir à bout de la Roma? (ANALYSE)
Dix ans après leur dernière confrontation, soldée par une défaite douloureuse contre l’AS Rome, les Buffalos ont l’occasion de prendre leur revanche. Mais, en 2020, que pouvons-nous attendre des Romains, qui disputaient encore la demi-finale de la Ligue des Champions il y a deux ans ? Analyse tactique.
6 août 2009. Match retour du troisième tour préliminaire de l’Europa League. Gand – AS Rome 1-7. Un cauchemar pour les Buffalos. La psychologie nous apprend qu’un traumatisme peut être vaincu en établissant de nouvelles données. Mais, à la Ghelamco Arena, on ne veut plus songer à cette époque. On préfère rêver d’une répétition de l’exploit réalisé contre Tottenham en 2017.
» Le club a beaucoup changé par rapport à il y a dix ans « , souligne le manager Michel Louwagie. » Les infrastructures et l’encadrement n’ont plus rien à voir avec ce qu’ils étaient en 2009. » L’un des changements dans l’encadrement, c’est la spécialisation du staff technique.
La saison dernière, il y avait un coach pour les rentrées en touche et, cette année il y a deux entraîneurs spécialisés dans la technique de frappe et une personne qui analyse les données physiques.
Le coach, Jess Thorup, essaie aussi de professionnaliser davantage les analyses tactiques, sur base de ses expériences avec le club danois du FC Midtjylland. Cette saison, Gertjan De Mets l’aide dans ses analyses vidéo. Nous nous sommes glissés dans leur peau afin d’analyser le jeu de l’AS Rome sous Paulo Fonseca.
L’entraîneur portugais de 46 ans est arrivé l’été dernier en provenance du Shakhtar Donetsk, avec lequel il a remporté trois fois d’affilée le titre de champion d’Ukraine. Et le nouveau coach a directement changé le style de jeu des Romains. Fonseca opte pour un 4-2-3-1 très flexible, qui devient une sorte de 3-4-3 en possession de balle.
Une construction soignée
Le gardien Pau López a pour mission de relancer le jeu par une passe courte vers ses défenseurs, qui doivent alors essayer de construire en jouant au football. Un peu comme Anderlecht au début de la saison, mais de façon encore plus extrême. » Haut risque, haut rendement « .
Une perte de balle dans ou autour de son propre rectangle peut s’avérer fatale, comme c’est arrivé contre la Juventus. Veretout a reçu le ballon de son gardien aux abords de son propre rectangle, l’a perdu et a provoqué un penalty. Mais, d’un autre côté, cette manière de procéder crée énormément d’espace plus haut dans le jeu. Dès que l’on a déjoué le premier pressing de l’adversaire, le terrain s’ouvre complètement. Mais cela vaut-il la peine de prendre de tels risques ?
Ni le gardien Pau López, ni Smalling prêté par Manchester United, ne sont particulièrement doués pour le jeu au pied. Ce dernier évolue de surcroît souvent sur son mauvais pied, et a déjà perdu le ballon plusieurs fois de façon stupide.
La construction s’effectue en outre d’une manière très spécifique. Fonseca demande la plupart du temps au milieu défensif, généralement Cristante, de descendre entre les deux défenseurs centraux afin de d’entamer la construction à trois.
Les deux arrières latéraux se positionnent alors plus haut et élargissent le jeu, tandis que les ailiers rentrent dans le jeu. Depuis le départ du capitaine Florenzi pour Valence, la Roma n’a plus d’arrière droit offensif. Santon, plus défensif, a intégré l’équipe, mais après quelques mauvaises prestations, Bruno Peres a reçu sa chance.
Face à cette construction à trois, Gand place la plupart du temps trois attaquants qui doivent exercer un pressing, comme ce fut le cas lors du match à domicile contre Genk. Suite à cela, la Roma dispose en principe d’un homme en plus dans l’entrejeu, sauf si les Buffalos décident de jouer homme contre homme derrière, en faisant monter un défenseur.
Dans ce cas, la Roma pourrait opter pour de longs ballons en direction de Dzeko. Cela semblait inconcevable sous Fonseca mais ça arrive de plus en plus souvent ces derniers temps.
De jeunes ailiers
Suite à la blessure de Nicolò Zaniolo (20 ans), le nouveau prodige italien, l’entraîneur a dû modifier ses plans dans le compartiment offensif. Fonseca alignait le milieu offensif gaucher à droite, afin qu’il puisse s’infiltrer sans ballon dans la surface de réparation, dans le dos de Dzeko.
C’était très efficace, et cela avait débouché sur six buts. Mais depuis cette blessure, c’est un autre (ancien) prodige qui a reçu pleinement sa chance : Cengiz Ünder (22 ans). Le Turc est cependant un autre type de footballeur que Zaniolo. C’est davantage un dribbleur, il reste plus collé à sa ligne, et rentre dans le jeu avec le ballon aux pieds afin de tirer au but.
Ce qui produit un gros impact sur le jeu offensif de la Roma, qui est basé sur des centres venus des flancs en direction de joueurs qui s’infiltrent. Justin Kluivert (20 ans) et Ünder plongent rarement dans le rectangle, de sorte qu’Edin Dzeko se retrouve souvent seul devant le but.
Les deux ailiers essaient de faire la différence avec des actions individuelles, mais leurs statistiques sont moyennes, voire mauvaises (Kluivert 5 buts et 2 assists, Ünder 2 buts et 0 assist). Seul le milieu offensif Lorenzo Pellegrini tente encore des infiltrations vers la zone de vérité, mais il préfère être à la base d’un but (11 assists) que marquer lui-même (3 buts).
Avec Diego Perotti et Henrikh Mkhitaryan, Fonseca dispose de deux alternatives expérimentées et capables de dribbler. Ce n’est certainement pas la seule raison, mais depuis la blessure de Zaniolo, la Roma n’a remporté que deux de ses sept matches et se trouve désormais à 6 points de la dernière place qualificative pour la Ligue des Champions.
Quoi qu’il en soit, Thorup devra trouver une solution pour contrer la stratégie offensive des Romains, car les Gantois laissent généralement beaucoup d’espace sur les flancs, dont Kolarov et Kluivert pourraient profiter. Les arrières latéraux gantois couvrent prioritairement le centre, ce qui oblige Vadis, Kums ou un autre joueur à vocation offensive à effectuer davantage de travail défensif pour boucher les couloirs.
La Roma a l’habitude de permuter les flancs, avec succès, afin de créer une supériorité numérique dans ce secteur et amener le ballon devant le but. C’est précisément là que se situe le point faible de l’équipe gantoise actuelle, avec 12 buts encaissés suite à un centre.
Un pressing haut
En plus de sa philosophie rigoureuse dans la construction, Paulo Fonseca a aussi une vision claire de ce que son équipe doit faire lorsqu’elle n’a pas le ballon : exercer un pressing haut avec une ligne défensive qui avance résolument.
Lorsque le gardien adverse relance le jeu, il y a toujours au moins trois joueurs de la Roma aux abords du grand rectangle. Mais ce n’est pas tout. Souvent, un, deux ou trois milieux de terrain leur prêtent main forte afin d’exercer un pressing encore plus intensif si l’adversaire décide de jouer court. Cela met beaucoup d’équipes en difficulté, d’autant qu’un long ballon est rarement une option face à Smalling et Mancini.
Jusqu’à présent, les Romains n’ont cependant que rarement profité directement de leur pressing haut. Se pose alors la question de savoir si Fonseca possède les bons joueurs pour appliquer sa philosophie du football. Un joueur expérimenté comme Dzeko reste un joueur de classe, qui a déjà inscrit 14 buts cette saison, mais il aura 34 ans en mars et ne semble plus en mesure de chasser les défenseurs adverses. Kluivert n’est pas, non plus, le plus gros travailleur en perte de balle.
Le plus grand risque, lors de ce pressing haut, est l’espace qui se crée entre l’attaque et la défense. Fonseca tente d’y remédier en demandant à ses défenseurs d’évoluer haut, parfois même à quelques mètres de la ligne médiane.
A charge pour Smalling et Mancini d’aller au duel lorsque leur adversaire demande le ballon dans les pieds. Conséquence : la porte est souvent largement ouverte à l’arrière. Smalling est capable de rattraper un joueur grâce à sa vitesse, mais on ne peut pas compter sur Kolarov, Mancini ou Santon pour cela.
Ce n’est pas un hasard si la Roma a encaissé plus de la moitié de ses buts sur reconversion. Comme c’est le cas pour les risques pris en possession du ballon, on peut se demander si cette stratégie défensive osée n’est pas trop risquée.
Sous Jess Thorup, Gand construit rarement depuis l’arrière, car des garçons comme Kaminski, Ngadeu et Plastun ne brillent pas particulièrement dans cet exercice. Mais, face à la Roma, il pourrait être intéressant de demander à des passeurs comme Kums ou Vadis de venir demander le ballon très bas, afin de profiter de l’espace laissé par les défenseurs romains dans leur dos.
En reconversion, le message semble clair : jouer la profondeur le plus rapidement possible. Depoitre pourrrait alors attirer un défenseur à lui et ouvrir un boulevard pour Jonathan David et Cie.
Chaos dans le petit rectangle
L’AS Rome a inscrit quasiment la moitié de ses buts sur phase arrêtée. C’est impressionnant. Et il aurait pu y en avoir davantage, si Kolarov n’avait pas loupé à deux reprises la conversion d’un penalty.
Depuis lors, c’est Perotti qui se charge de botter les coups de réparation, du moins lorsqu’il se trouve sur le terrain. En cas contraire, Veretout est son suppléant.
Kolarov s’est racheté de ses deux penalties loupés en marquant trois fois sur coup franc, grâce à un pied gauche magique. Sur coup de coin, les statistiques des Giallorossi sont encore plus impressionnantes, avec dix buts.
La Roma dispose, en gros, de trois variantes : expédier le ballon au premier poteau, afin de créer le chaos devant le but grâce à une déviation ; chercher Smalling au deuxième poteau, à charge pour lui de rabattre le ballon devant le but ; ou un corner court, prolongé de nouveau vers le deuxième poteau en direction de Smalling. Dzeko, en particulier, est passé maître dans l’art de profiter de telles situations dans le petit rectangle.
La Roma encaisse peu sur corner ou sur coup franc. Elle concède cependant de nombreux penalties, à nouveau parce que la défense est souvent livrée à elle-même.
Quoi qu’il en soit, Gand n’a pas hérité d’un adversaire facile. Le budget de la Roma est bien plus conséquent, et l’équipe italienne dispose aussi de davantage de qualités individuelles. Néanmoins, les Buffalos ne partent pas battus d’avance.
Ces dernières semaines, le système de Paulo Fonseca a laissé apparaître des failles, au point qu’il a même abandonné certains de ses principes face à l’Atalanta : plus de pressing haut ni de passes courtes. Seule la ligne défensive haute a été maintenue. Tout ça n’aura sans doute pas échappé à Thorup et à son staff. Mais aucun entraîneur n’a encore perdu un match devant son tableau noir. Ce sont les joueurs qui doivent exécuter les plans du Danois sur le terrain. S’ils y parviennent, les Buffalos pourraient effacer le traumatisme d’il y a dix ans et réaliser de nouveaux explois européens.
Zaniolo : un 18e blessé aux ligaments croisés en 5 saisons
Les eaux du Tibre seraient-elles maudites ? Nicolò Zaniolo est, après un tacle de Matthijs De Ligt, le 18e joueur de la Roma victime d’une blessure aux ligaments croisés en 5 ans. Sur la liste, on retrouve notamment Florenzi (2x), Strootman (2x), Karsdorp, Zappacosta et Pellegrini. N’est-ce qu’un simple hasard ?
» Chaque cas est spécifique « , estime Peter Catteeuw, le préparateur physique de l’Antwerp. » Les causes peuvent être très différentes : d’une simple malchance lors d’un contact, à un déséquilibre physique chez le joueur lui-même, en passant par une coordination moindre liée à la fatigue, une surcharge d’entraînement – ou l’inverse -, l’état du terrain ou même les crampons qui restent bloqués dans le sol pendant que le joueur pivote. »
Comme la Roma a déjà consommé plusieurs entraîneurs et aussi effectué plusieurs fois le grand nettoyage dans le staff médical, il est peu probable que le phénomène soit lié à une erreur humaine. » Mais seul le staff peut déterminer la cause exacte, car c’est lui qui connaît le mieux les joueurs sur le plan physique et mental. Pour les personnes extérieures, même très qualifiées, cela reste des hypothèses. On peut, certes, effectuer des exercices préventifs pour renforcer les muscles et les tendons, mais on ne peut jamais exclure totalement les blessures. »
Dieter Peeters
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