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Chypre – Belgique : un jour 100

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse de la victoire des Diables rouges face aux Chypriotes (0-2).

Sur le grand échiquier international, difficile de faire parler de soi quand on fait moins de 10.000 kilomètres carrés. Sur l’île de Chypre, coincée au beau milieu de la Méditerranée, on a donc décidé de se spécialiser dans les naissances. Bien des millénaires après celle d’Aphrodite, qui aurait eu lieu sur un imposant rocher au large de Paphos, c’est le rectangle vert le plus bruyant de Nicosie qui a vécu les premiers cris, en septembre 2016, du 3-4-2-1 des Diables rouges.

Portés par la fraîcheur du système, la liberté nouvelle d’Eden Hazard et l’enthousiasme de Yannick Carrasco, la Belgique avait dribblé plus que jamais, transformant le couloir gauche du terrain en piste de slalom pour les artistes nationaux. Deux ans et demi plus tard, la donne est différente. Les Diables sont mûrs, et le sol est dur. « Le terrain était super sec, ce n’était pas simple de dribbler », concède d’ailleurs le capitaine belge au bout des nonante minutes.

Parce que courir avec le ballon s’annonce difficile, la Belgique confie les clés du match à Youri Tielemans. Le plan est tellement limpide qu’il apparaît dès la première possession. Dès qu’on lui confie la balle, le nouveau playmaker de Leicester porte ses yeux le plus près possible du but adverse, et y envoie le ballon. Sa première touche de balle est sèche et verticale, pour éveiller un flanc droit belge trop endormi offensivement contre les Russes.

18 MINUTES CHRONO

Les années passent, mais les Chypriotes ne changent pas. Même s’ils placent une double ligne défensive devant leur surface en perte de balle, les équipiers de Konstantinos Laifis tentent de sortir proprement le ballon, avant de profiter de l’appui du vent pour envoyer leurs rares éléments offensifs courir dans le dos de la défense belge. Quand une interception de Dries Mertens, toujours plus juste sans le ballon qu’avec, ne les empêche pas de sortir, les locaux sont arrêtés par une faute (sept fautes belges dans la première demi-heure) ou par la lecture du jeu de Thomas Vermaelen, aussi élégant que bien placé pour priver Chypre de tout espoir d’occasion franche.

Les Diables forcent trois corners en sept minutes, et affichent les chiffres d’une équipe qui a décidé d’écrire la fin du match le plus loin possible du coup de sifflet final. On joue seulement depuis dix minutes quand Toby Alderweireld sort son célèbre coup de patte ajacide pour mettre Michy Batshuayi sur orbite. L’attaquant de Palace mélange ses jambes à celle des défenseurs chypriotes, et le ballon finit par atterrir sur le pied droit d’un Hazard qui n’en demandait pas tant. Le coup de patte est à la hauteur du génie aux cent sélections. Comme si le capitaine voulait se donner une raison supplémentaire de ne jamais oublier ce match pourtant anecdotique à Nicosie.

Puisque Chypre oublie de presser les pieds d’Alderweireld, Tielemans s’invite de plus en plus souvent du côté droit pour combiner avec Toby. Servi entre des lignes trop larges pour être vraiment efficaces, Youri prend le temps de se retourner et de distribuer des ballons avec l’aisance et la précaution d’un moniteur de tennis qui dépose la balle sur la raquette d’un de ses élèves. Quand il trouve Thorgan Hazard devant les défenseurs locaux, le maître à jouer de Gladbach dévie d’instinct pour éveiller un sprint de Michy. Comme un prédateur, Batsman dévore la profondeur, évite Urko Pardo avec plus d’envie que de style et se jette comme un fauve pour transformer son dribble trop long en deuxième but de la soirée. Le match a commencé depuis 18 minutes, et il est déjà fini.

FACE AU BLOC

La Belgique n’a déjà plus besoin d’attaquer, et Chypre n’en a toujours pas les moyens. Thomas Vermaelen emmène sa défense très haut, et fait les gestes qu’il faut pour éviter les rares débuts d’incendie. Les offensifs diaboliques se chargent d’éviter les premières braises avec leur pressing appliqué, qui leur permet de récupérer souvent le ballon et de le garder longtemps. Les combinaisons axiales se multiplient, mais le rythme et le terrain les empêchent souvent d’aller au bout. C’est tout de même sur un tir dangereux de Mertens que la première mi-temps prend fin.

La deuxième période se joue sur les mêmes bases. Les Diables s’obstinent à trouver la solution entre les lignes, sans s’inquiéter de ne plus affoler le marquoir. Avec du métier et de la maîtrise, ils gèlent un match que le public local ne semble même pas vouloir aider à réveiller. Alors, les Diables font sonner le réveil chypriote en reculant de quelques mètres, abandonnant un peu le ballon pour mieux le reprendre quand ça fait mal. Peu après l’heure de jeu, Alderweireld interrompt une possession locale et envoie son capitaine vers le 0-3, mais Eden Hazard est mis au tapis par un défenseur sans que l’arbitre n’y trouve rien à redire. Cinq minutes plus tard, c’est encore Eden qui lance Michy en duel avec Urko Pardo suite à une récupération d’un Leander Dendoncker puissant et appliqué.

Ni les pieds soyeux d’Adnan Januzaj, ni la volonté d’un Yannick Carrasco plus appliqué sur ses arrières que vers l’avant n’accélèrent vraiment les battements de coeur de la rencontre. La Belgique concède un coup franc et un coup de tête à Laifis, mais rares sont les Chypriotes capables de donner la couleur des gants de Thibaut Courtois après le match. Eden Hazard conclut sa centième en marchant. Peut-on vraiment s’en offusquer quand on se rappelle que trois ans et demi plus tôt, sur la route de l’EURO français, il avait dû sprinter jusqu’aux derniers instants de la rencontre pour offrir un succès étriqué aux Diables de Marc Wilmots ?

Depuis, le 3-4-2-1 est passé par là. Depuis, les Diables affichent des chiffres insolents face aux petites nations. Parce qu’en deux ans et demi de travail épisodique, ils ont appris que pour passer de l’autre côté d’un mur, le percer soigneusement était plus efficace que de chercher à en faire le tour ou à le survoler. Avec le pressing ou avec le ballon, la Belgique finit toujours par créer le danger.

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