© iStock

Bienvenue à Burnley, le plus english des clubs anglais que Vincent Kompany devra relancer

Un propriétaire anglais, un entraîneur anglais, 17 joueurs anglais, un jeu à l’anglaise et un stade typiquement anglais: tel est Burnley, où l’on ne fait rien comme ailleurs. Mais ça c’était avant la relégation en Championship et l’arrivée d’un nouveau guide belge aux méthodes plus modernes et inspirées par un mage espagnol. Article de Philippe Auclair issu de France Football.

Bienvenue à Burnley, le plus english des clubs anglais que Vincent Kompany devra relancer
© France Football

Il y a l’Angleterre rurale et verdoyante des cartes postales et il y a l’Angleterre profonde, post-industrielle, dont le pittoresque est d’une toute autre nature. L’Angleterre de Burnley, par exemple, dont le club semble l’émanation presque parfaite d’une anglicité d’un autre type.

La ville est modeste, par sa taille, 87.000 habitants, comme par son apparence. Hormis le château de Towneley Hall, les seuls monuments susceptibles d’arrêter le regard sont des vestiges de l’industrialisation qui transforma le Lancashire aux XVIIIe et XIXe siècles. Hormis cela, Burnley n’a rien à offrir aux amateurs de vieilles pierres, si ce n’est Turf Moor.

UN PUB À L’EFFIGIE DU COACH

Turf Moor, le home de Burnley depuis 1883, n’a pas trop changé depuis que les Clarets y jouèrent leur premier match européen contre le Stade de Reims en 1960, quand Burnley était champion d’Angleterre en titre*. Le centre-ville n’est distant que d’un kilomètre et l’arène est posée dans un entrelacs de maisons ouvrières, dont on dit qu’elles figurent parmi les moins chères du pays. L’attraction numéro un du coin? « The Royal Dyche », qui doit être le seul pub en Angleterre à porter le nom du coach local, dont le visage et la barbe rousse ornent l’enseigne, superposés sur un portrait du roi Henri VIII. Seuls les fans des Clarets ont le droit d’y pénétrer.

Sean Dyche, l'homme-clef du succès de Burnley.
Sean Dyche, l’homme-clef du succès de Burnley.© BELGAIMAGE

Quatre tribunes, quatre murs plongent sur une pelouse qui n’est distante que de quelques mètres des spectateurs les plus proches. Est-il possible pour un stade d’être plus anglais que ça? Et est-il possible d’imaginer un club qui le soit davantage? Son plus gros actionnaire et président, Mike Garlick, est Anglais, son staff technique l’est aussi, à l’exception d’un assistant irlandais. L’effectif de l’équipe A compte 17 joueurs anglais dans ses rangs.

PAS DE RISQUES SUR LE RECRUTEMENT

Lorsque qu’on évoque cette particularité en compagnie de Sean Dyche, manager des Clarets depuis bientôt huit ans, c’est bien la seule fois où l’on sent un très léger agacement dans la voix du technicien. « C’est une perception erronée, selon moi », réplique-t-il. « Nous ne sommes pas des géants sur le plan financier, et la raison pour laquelle nous sommes une équipe « anglaise » est que nous n’avons pas les ressources nécessaires pour aller chercher des joueurs en Europe. »

Steven Defour était un top player, mais la plupart des joueurs étrangers ont besoin d’une période d’adaptation, et il lui a fallu six ou sept mois avant de trouver ses marques.

Sean Dyche, coach de Burnley

De fait, avec un chiffre d’affaires annuel de 154 millions d’euros, Burnley pointait au seizième rang des clubs de Premier League lors de la saison 2018-19. Dyche admet que si son équipe joue avec un accent anglais, c’est aussi par choix, mais pas nécessairement le sien. « Notre board déteste prendre des risques », explique-t-il. « Pour cette raison, je retiens des joueurs dont je sais qu’ils amélioreront l’équipe, mais aussi qu’ils ne constitueront pas un pari. Ce n’est certainement pas parce que je n’aime pas les joueurs étrangers! Matej Vydra, Erik Pieters ou encore Johan Gudmunsson en sont la preuve, tout comme Steven Defour. C’était un top player, mais la plupart des joueurs étrangers ont besoin d’une période d’adaptation, et il lui a fallu six ou sept mois avant de trouver ses marques. Après quoi, il a joué un football fantastique pour nous, et a vraiment pris du plaisir, jusqu’à sa terrible blessure. »

LES VALEURS DE LA WORKING CLASS

Cette prudence a joué sur l’identité de jeu de Burnley, sur ce que Dyche appelle son « feeling culturel ». « Il y a des valeurs-clés sur lesquelles nous insistons », confie-t-il. « Elles sont simples, et peut-être un peu vieux jeu: une forte éthique professionnelle, la fierté du travail bien fait, l’honnêteté, la confiance, la solidarité et le respect. » Ces valeurs, dans lesquelles il est difficile de ne pas reconnaître celles de la working class britannique, sont la fondation d’un jeu qu’il est tentant de qualifier de « à l’anglaise », même si réduire le 4-4-2 des Clarets à une mise à jour du vieux kick and rush serait plus que caricatural.

L'Anglais James Tarkowski sous le maillot de Burnley.
L’Anglais James Tarkowski sous le maillot de Burnley.© PRESSASSOCIATION

Quand le manager de Burnley évoque l’option du « jeu long », l’exemple qu’il cite est celui du Bayern Munich, « qui sait jouer court, jouer long, presser, courir, se battre. Cette idée du football, c’est la mienne. C’est savoir adopter un style qui vous permette de gagner. Le mot que je choisirais pour nous décrire est « efficace ». Nous devons concevoir une autre façon de gagner, en essayant de faire le spectacle, de jouer un football qui plaise à nos fans. » Or, il ne fait aucun doute que ces fans, quasiment tous originaires de la région, se reconnaissent dans ce que leur offrent Dyche et son équipe.

UN PUBLIC « BLANC BRITISH »

Mais même si ses supporters ne sont pas nombreux, Burnley pourrait se passer de certains d’entre eux, comme celui qui affréta un avion à l’empennage duquel avait été accroché le slogan « WHITE LIVES MATTER » pour le faire voler au-dessus de l’Etihad Stadium, en juin dernier. Dyche, ses joueurs et leur club condamnèrent immédiatement ce geste, sans la moindre équivoque. Mais pour certains, c’était la confirmation que Burnley était « anglais », au point de flirter avec un insularisme qu’on avait parfois du mal à dissocier de la xénophobie. Le club n’est pourtant pas un porte-drapeau de cet « anglo-nationalisme ». Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il soit si facile de l’en dissocier, qu’il le veuille ou non.

Turf Moor sous le ciel anglais.
Turf Moor sous le ciel anglais.© AFP

Il y a trois ans, le journaliste anglais Jonathan Liew, alors à The Independent, a écrit un article qui fit beaucoup de bruit lors de sa publication. Liew relevait que Burnley n’avait jamais recruté de joueur d’origine asiatique ou nord-africaine, et qu’un seul Latino-Américain avait porté une fois ses couleurs. Il était également frappant que Burnley était alors (fin décembre 2017) le seul club qui n’avait aligné aucun joueur noir dans son onze de départ depuis le début de la saison. Et si 12% de la population de Burnley est d’origine indo-pakistanaise ou bengalie, 97% du public de Turf Moor est « blanc, British« , selon le club lui-même.

Liew s’était refusé à sous-entendre qu’il y avait quelque chose de sinistre dans le projet de Burnley. Ce qui fascinait le journaliste était que ce fameux « projet » était à rebours du processus de globalisation que l’on observait partout ailleurs dans le football anglais. En 2020-21, seulement quatre clubs de Premier League sont encore contrôlés par des Anglais: Brighton, Burnley, Newcastle et Tottenham. Burnley, d’apparence si traditionnel, est en fait une incongruité dans le paysage du football anglais du XXIe siècle.

Article de Philippe Auclair issu de France Football

* Burnley compte deux titres et une FACup à son palmarès.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire