© AGEFOTOSTOCK

Berlin, le désert du football allemand

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Alors que le Hertha BSC se retrouve une fois de plus dans les tréfonds du classement, deux clubs berlinois de quatrième division, des clubs à l’histoire étrange, attirent l’attention.

Une saison paisible avant de présenter une nouvelle équipe en 2022. Le Hertha a entamé le championnat sur ce message. Le nouveau manager, Fredi Bobic, issu de l’Eintracht Francfort, était chargé de donner forme à ces ambitions. Las, il n’a pas répondu aux attentes. Le Hertha occupe la quatorzième place en Bundesliga. L’équipe aligne des noms, mais pas de visage et encore moins de solidité. L’entraîneur, Pal Dardai, qui a préservé le club de la relégation la saison dernière, est contesté. Un phénomène récurrent au Hertha quand ça ne va pas.

Le football à Berlin reste précaire. L’Union Berlin, qui se produit parmi l’élite pour la troisième année d’affilée, est septième. Aucun club de la capitale n’a été sacré champion d’Allemagne, si on excepte la RDA. Berlin est un désert du football. Deux clubs de Regionalliga Nordost, la quatrième division, attirent actuellement l’attention. Le Berliner AK et le Dynamo Berlin s’y disputent la première place. Le Berliner AK est celui qui mise le plus sur son caractère berlinois. La capitale recense 3,7 millions d’habitants. Un sur trois est d’origine étrangère et on dénombre 186 nationalités différentes. Le Berliner AK est situé au centre de la ville, non loin de la gare centrale à pied. Il se tourne vers l’ensemble de la population. Son slogan? « Nous sommes Berlin, la différence faite notre force. » Le club se trouve dans un quartier peuplé d’étrangers. Et essaie de monter depuis des années. Il a même eu recours au soutien d’un homme d’affaires turc. Il dispose d’excellentes installations, comme le Poststadion, qui possède une belle tribune en bois qui confère une ambiance de convivialité et de nostalgie à l’ensemble. À noter: c’est là qu’ Adolf Hitler a assisté au seul match de football de sa vie. C’était en 1936, pendant les Jeux Olympiques. L’Allemagne avait alors été battue par la Norvège au tour préliminaire.

Nous sommes Berlin. La différence fait notre force.

Dans sa lutte pour la promotion en troisième division, le Berliner AK, l’actuel leader, est au coude à coude avec le Dynamo Berlin. Le club affiche un passé trouble. En Allemagne de l’Est, le Dynamo a été champion à dix reprises. Il était dirigé par le redouté Erich Mielke, le patron de la Stasi, la sécurité d’État. Il achetait les arbitres et veillait à ce que le Dynamo puisse recruter les meilleurs joueurs. Quand l’équipe devait disputer plusieurs matches en l’espace d’une semaine, il plaçait les joueurs sous perfusion. On leur disait qu’on leur injectait des vitamines et des substances riches en hydrates de carbone, mais il s’agissait de produits très différents. Après la chute du Mur, le Dynamo a sombré dans l’anonymat. Il tente de s’en extirper et de rompre avec le passé. Il a troqué son ancien port d’attache, le Friedrich-Ludwig-Jahn-Sportpark, pour le Sportforum Berlin, dans lequel il a déjà joué par le passé. Il a donc quitté un site qui restait associé à la RDA et qui est maintenant démoli. À chaque match à domicile, un drapeau de la RDA flottait sur ce stade.

Deux clubs au passé très différent tentent donc de se replacer sur la carte d’Allemagne. Ils espéraient déjà être promus la saison passée, mais c’est le Viktoria Berlin qui a remporté le titre, au terme d’une compétition raccourcie de onze matches, durant laquelle il n’a pas perdu le moindre point. Le Viktoria est maintenant quatrième en deuxième Bundesliga et son football très offensif fait impression. S’il a discuté avec des investisseurs chinois, il prend garde à suivre son propre cap. C’est au moins une leçon qu’ont apprise les clubs de la capitale: l’indépendance est la clé.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire