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Beckenbauer : « Qu’est-ce que j’ai encore dit comme bêtises? »

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Aujourd’hui, le 11 septembre, Franz Beckenbauer fête ses 75 ans. Il reste entouré d’une aura d’immortalité.

« Même s’il dit qu’il fait bon alors qu’il pleut à seaux, tout le monde lui donne raison. » L’expression est de Rainer Holzschuh, l’ancien rédacteur en chef du magazine Kicker, qui a travaillé des années avec Franz Beckenbauer, en tant que porte-parole de la fédération allemande. Ça en dit long sur l’aura du meilleur footballeur allemand de tous les temps. On ne contredit pas Beckenbauer. Il lui arrive d’émettre des avis contradictoires, mais personne ne le souligne. Même quand des histoires louches ont fait leur apparition à propos de l’attribution du Mondial 2006 à l’Allemagne, il n’a pas été longtemps sous le feu des critiques. Beckenbauer semble toujours s’en tirer. Son aura lui permet de dire tout et son contraire en l’espace de 24 heures.

Franz Beckenbauer est très intéressant quand il ne mesure pas ses propos. Il n’est pas le champion de l’autocontrôle. Il se laisse emporter par l’émotion du moment. Surtout quand le Bayern est dans le creux de la vague. Il sort alors le gourdin puis regrette ses propos. « Parfois, je pense : mais qu’est-ce que j’ai encore dit comme bêtises ? « , a-t-il reconnu un jour. Mais nul ne s’offusque de ses déclarations, même les plus corsées. C’est comme s’il fallait oublier et pardonner tout ce que disent et font les personnages mythiques.

Le Kaizer, avec l'équipe nationale allemande.
Le Kaizer, avec l’équipe nationale allemande.© DPA

Le footballeur en Franz Beckenbauer a été un phénomène. Un joueur élégant, doté d’une technique raffinée, d’une touche de balle subtile et d’une vista fantastique. La légèreté avec laquelle il quittait la défense pour distribuer le jeu était impressionnante. Il alimentait le jeu et récupérait énormément de ballons grâce à son jeu de position. Son style de jeu avait quelque chose d’arrogant, mais en réalité, jamais Beckenbauer n’a eu de complexe de supériorité. Il accorde tout aussi volontiers un autographe à une femme d’ouvrage qu’à la chancelière Angela Merkel.

Beckenbauer s’est produit pendant treize ans (1964-1977) pour le Bayern. Il a ensuite émigré aux États-Unis et a joué au total cinq ans au New York Cosmos, avec un intermède de deux saisons à Hambourg. Il est devenu sélectionneur de l’Allemagne en 1984, sans avoir la moindre expérience. Ses débuts ont été pénibles. Il a jugé tous les internationaux selon ses propres normes. Il a été victime de son génie. À l’issue d’un match, Beckenbauer disait parfois avoir eu pitié du ballon, qui avait été maltraité. Mais il s’est tempéré au fil des années. Il a attribué cette évolution aux nombreux livres religieux et mythologiques qu’il avait lus. Ils l’ont aidé à accepter chacun, a-t-il reconnu. Ses remarques cyniques ont fait place à un humour surprenant dans ses entretiens avec les joueurs. Pendant la préparation tactique d’un match contre la Yougoslavie, il a sorti un papier de sa poche et a commencé à lire… le bulletin météo de la Bavière, provoquant un fou rire général.

Franz Beckenbauer allait rester au poste de Teamchef, comme on l’appelle en Allemagne, pendant six ans. Il a dépanné le Bayern à deux reprises et a présidé le club pendant quinze ans. Beckenbauer en a été davantage l’enseigne que le stratège. Il est un homme du monde et est traité avec égards partout. Il a changé régulièrement de femme et sa vie amoureuse turbulente a fait les choux gras de la presse à sensation, mais là aussi, le ton est toujours resté respectueux.

Franz Beckenbauer avec Bernard Tapie lors de sa période à l'OM.
Franz Beckenbauer avec Bernard Tapie lors de sa période à l’OM.© BELGA/AFP

Beckenbauer n’a quand même pas transformé en or tout ce qu’il a touché. Au terme de son mandat en équipe nationale allemande, il a rejoint l’Olympique Marseille mais il n’a pas fait bonne impression au poste d’entraîneur et a été promu ailleurs. Raymond Goethals l’a remplacé. En fait, l’homme fort de l’OM, Bernard Tapie, aurait dû le mettre à la porte, mais il n’a pas osé : l’homme d’affaires venait de reprendre Adidas et il était conscient qu’il ferait très mauvaise figure s’il se débarrassait de Beckenbauer, un des représentants de la marque.

Son charisme et son palmarès ont bien servi Franz Beckenbauer pendant toute sa vie. Il a toujours eu une longueur d’avance partout et jouit d’un statut de héros pour toujours. Son 75e anniversaire ne passera pas inaperçu en Allemagne. Au contraire même : Franz Beckenbauer va être placé sur un piédestal, une fois de plus.

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