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Bayern: un titre au goût amer

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Suite à sa défaite surprise à Mayence ce week-end, le Bayern Munich va devoir encore un peu attendre pour être sacré champion d’Allemagne une neuvième fois d’affilée. Un titre terni par le départ de son entraîneur, Hansi Flick, et qui écorne l’image du monument bavarois.

Les joueurs n’en ont pas cru leurs oreilles, il y a dix jours, quand Hansi Flick leur a annoncé, à l’issue de leur victoire 2-3 au VfL Wolfsburg, qu’il quitterait le Bayern cet été. On aurait entendu une mouche voler dans le vestiaire. Certains étaient même émus. Le noyau apprécie Flick. Celui-ci a retiré le maximum de l’équipe grâce à son empathie et à sa capacité à impliquer ses joueurs dans tout ce qu’il entreprend. En un an et demi, il a accumulé les succès, même si cette saison a été marquée par deux faux-pas pénibles, l’élimination humiliante en Coupe face à Holstein Kiel, une formation de deuxième Bundesliga, et son échec en quarts de finale de Ligue des Champions contre le Paris Saint-Germain. Les Bavarois ont affronté les Parisiens sans leur meilleur buteur, Robert Lewandowski, blessé. D’aucuns l’affirment: avec le Polonais, ça ne serait jamais arrivé.

Au Bayern, l’entraîneur n’a pas voix au chapitre concernant les transferts.

La direction du Bayern a souvent donné l’impression d’être unie. Naturellement, ici et là, des bisbrouilles ont fuité dans la presse et ont été exagérées, mais le club a toujours resserré les rangs et délivré un message clair, à l’unisson. Toutefois, depuis que Flick s’est disputé avec HasanSalihamidzic, le directeur sportif, des failles sont apparues. Le volcan, qui grondait en fait depuis des mois, est entré en éruption. Il étale au grand jour les tensions internes du Bayern.

On peut évidemment se poser des questions sur la manière abrupte avec laquelle Hansi Flick a annoncé son départ. Il n’est pas très correct de ne pas en avertir la direction, qui lui a d’ailleurs tapé sur les doigts et a parlé d’une communication à sens unique. L’entraîneur a répliqué qu’il était fatigué de tourner autour du pot à ce propos. Flick est la victime du pouvoir que détient toujours le président d’honneur, UliHoeness, au Bayern. C’est Hoeness qui a permis à Salihamidzic de grimper progressivement les échelons et l’a toujours soutenu. En demandant à avoir son mot à dire dans la gestion sportive, Flick s’est en fait rebellé contre un système mis en place depuis des années au Bayern: le système Hoeness. L’entraîneur n’a rien à dire en matière de transferts. Or, Flick ne supportait plus d’être sans cesse mis devant le fait accompli. Il estimait que c’était une question de respect, surtout après une campagne aussi mémorable. Cependant, tous les entraîneurs doivent tenir compte de l’organisation particulière du Bayern, dirigé par une palette de connaisseurs.

Vingt millions d’euros

Le Bayern ne doit donc sa situation actuelle qu’à lui-même. Tous les observateurs ont pris conscience de l’énorme influence que conserve Uli Hoeness. Il continue à se mêler de tout, alors qu’il a quitté la présidence du club il y a un an et demi, bien que Flick jouisse du soutien du président du conseil d’administration, Karl-HeinzRummenigge, qui va bientôt prendre sa retraite. Hoeness n’est pas seulement un ami de Hasan Salihamidzic, il entretient d’excellents contacts avec le président HerbertHainer, qui n’occupe de facto qu’une fonction protocolaire, car il ne pèse en rien sur la gestion du club. En revanche, on ne peut pas dire que le noyau et le directeur sportif bosnien s’entendent bien. Cela complique la situation, au moment où plusieurs piliers de l’équipe LeonGoretzka, JoshuaKimmich et SergeGnabry doivent prendre une décision quant à leur avenir. Autre fait marquant, MiroslavKlose, l’entraîneur-adjoint très prisé du Bayern, veut s’en aller. L’ancien international (137 sélections) a déclaré qu’il fallait se respecter, même quand on n’avait pas la même opinion, et que l’intérêt du club primait sur les egos. Une remarque envers Salihamidzic, qui est clairement la figure centrale des tensions qui secouent le club. C’est aussi l’avis des supporters, qui ont proféré des menaces à son encontre sur les réseaux sociaux.

Le Bayern entame des semaines cruciales. Le successeur de Rummenigge, l’ancien gardien de but OliverKahn, doit déterminer la future politique du club, avec Uli Hoeness. Pour l’heure, Kahn se tient à l’écart de la controverse provoquée par le départ de Flick. Kahn, qui n’avait pas sa langue en poche durant sa carrière de joueur, n’a pas encore fait la moindre déclaration significative à ce sujet.

La priorité numéro un du Bayern est maintenant la recherche d’un entraîneur. JulianNagelsmann est tout en haut de la liste, mais l’actuel coach du RB Leipzig, le prince héritier des entraîneurs allemands depuis des années, est toujours lié au club est-allemand et le Bayern devrait verser vingt millions d’euros à Leipzig pour l’en débaucher. D’ailleurs, le RB n’a pas l’intention de se séparer de lui, sous peine d’être confronté au même problème que le Bayern.

Pas de vrai happy end

Le Bayern fêtera donc son 31e titre dans un climat délétère. Au terme d’une saison qui a vu Robert Lewandowski marquer à la chaîne, Joshua Kimmich gagner en importance, Leon Goretzka poursuivre sa progression, Serge Gnabry terroriser les défenses par ses mouvements et le gardien ManuelNeuer barricader son goal, comme toujours. Il eût été plus intelligent de mettre un terme à la collaboration avec Flick avec plus de maturité, en arrondissant les angles. Car pour le moment, il n’est pas question d’un véritable happy end.

On ignore toujours si Flick va succéder à JoachimLöw au poste de sélectionneur. Son contrat court jusqu’en juin 2023, même s’il dispose d’une option libératoire en 2022. Si Flick quitte le Bayern plus tôt, celui-ci peut exiger le versement d’une indemnité. Cependant, la fédération allemande de football a déjà fait savoir qu’elle ne paierait pas la moindre somme, pour aucun entraîneur. Affaire à suivre.

Un bulletin impressionnant

Hansi Flick ne manque absolument pas d’assurance. Dès son tout premier match au poste d’entraîneur principal du Bayern, il a déplacé l’arrière gauche autrichien David Alaba dans l’axe défensif, alors que beaucoup de membres du club jugeaient l’idée étrange. Alaba s’est mué en patron de la dernière ligne. Flick a également attribué un rôle plus important à Joshua Kimmich dans l’entrejeu et a ainsi amélioré le rendement de l’équipe. De même, sous sa direction, Thomas Müller a retrouvé toutes ses sensations. Le bulletin de Hansi Flick est impressionnant: 83 matches, 68 victoires, sept nuls et huit défaites. Et six trophées.

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