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Axel Lawarée: « Le départ de Martínez changerait tout! »

L’homme qui passe ses journées avec Roberto Martínez est l’ancien directeur sportif du Standard version Duchâtelet, devenu le premier fusible du Bruno Venzanzi président. Il est surtout l’actuel manager du centre national de Tubize. Axel Lawarée serait donc un touche-à-tout qui aime parler aux puissants. Rencontre.

Le temps est bon, le ciel est bleu, mais le bruit de fond est pesant. C’est celui de l’urgence qui précède les grands événements. Aux quatre coins du centre national de Tubize, la même énergie. Les tondeuses tondent, les ouvriers turbinent et Axel Lawarée transpire. De bonne source, le manager du centre national de Tubize ne sue pas que quand il fait chaud. Il a d’ailleurs le visage émacié de l’homme qui s’entretient ou de celui qui travaille trop. Indice, l’ancien buteur passé par Seraing, le Standard ou Mouscron se plaint de ne plus avoir eu le temps de courir depuis deux mois et raconte des journées à rallonge passées à peaufiner les derniers préparatifs de ce centre national qui deviendra fin mai le camp de base des Diables pour la durée d’un EURO pas comme les autres. Plus de vingt ans après l’EURO 2000 et les premiers rêves d’un Clairefontaine à la belge, les Diables tiennent enfin un lieu de résidence à la hauteur de leur statut. Et ils le doivent un peu à Axel Lawarée, un concierge 2.0 qui a décidé d’ouvrir les portes après les avoir prises.

Martínez est quelqu’un de précis, qui sait ce qu’il veut et qui fait confiance, mais qui place surtout l’excellence au centre de sa démarche. » Axel Lawarée

Après avoir longtemps été proche des terrains, comme agent de joueur puis directeur sportif au Standard et à Seraing, vous avez décidé à l’été 2019 de faire un pas de côté pour rallier l’Union belge dans un rôle bien différent de manager du centre national de Tubize. Un poste où l’on n’a pas forcément l’habitude de retrouver des anciens pros. Pourquoi ce choix?

AXEL LAWARÉE: Je sortais d’une expérience dans mon club formateur, à Seraing, dans un rôle de directeur de club, puis de l’école des jeunes. Il y a eu ce bras de fer à la FIFA, un certain manque de soutien de ma direction parfois, et surtout, un contrat qui arrivait à échéance. Peut-être que j’aurais pu rester à Seraing, mais il y a eu cette opportunité à l’Union belge, qui cherchait quelqu’un pour préparer l’EURO 2020 et le Mondial 2022, tout en se centrant sur le développement du centre de Tubize. J’ai postulé, j’ai longtemps pesé le pour et le contre. Je me suis surtout demandé si j’avais encore l’énergie de me mêler à un tel projet. De faire trois heures de route tous les jours. L’un des arguments qui a pesé dans ma décision, c’est d’avoir entendu beaucoup de bonnes choses sur Roberto Martínez. Il n’avait pourtant pas encore resigné à l’époque, mais le fait d’être amené à travailler avec cet homme, c’était un défi qui me plaisait. Dans sa manière d’être, de fonctionner, le courant est de suite passé. Deux ans plus tard, je ne regrette absolument pas d’avoir fait ce choix. Les journées sont longues, mais j’ai découvert un cadre de travail formidable.

« On ne parle jamais du sportif »

Un passionné tellement loué pour son travail qu’on dit qu’il pourrait quitter les Diables après l’EURO pour rejoindre un gros poisson de Premier League. Cela aurait quoi comme incidence directe sur le fonctionnement en interne au quotidien?

LAWARÉE: Ça ne devrait rien changer, mais ça changerait tout. Un jour ou l’autre, le Roberto Martínez directeur technique national partira et il faut s’y préparer. C’est pour éviter que cela chamboule tout ce qu’on a mis en place que la Fédération a voulu nommer en octobre un directeur technique adjoint, en la personne de Jelle Schelstraete. Le but, clairement, c’est d’opérer dans la continuité et de pérenniser le bon travail actuel. Mais le départ, inévitable à un moment ou un autre, de Martínez sera évidemment un tournant. Il n’y en a pas beaucoup des hommes capables d’assurer avec une telle assiduité une charge de travail pareille. Le foot féminin, les jeunes, le développement des infrastructures: il ne s’occupe pas uniquement de sa bulle de trente ou cinquante joueurs. Non, Roberto, il prend le temps pour tout le monde. C’est quelqu’un de précis, qui sait ce qu’il veut et qui fait confiance, mais qui place surtout l’excellence au centre de sa démarche.

La dernière fois qu’on a vu Martínez, il sortait de votre bureau et nous confiait passer ses journées en votre compagnie ou presque. Vous êtes devenus proches?

LAWARÉE: On va dire que je suis souvent le premier arrivé et parfois le dernier parti. Forcément, on se croise beaucoup, on discute. D’autant qu’avec l’année qu’on vient de vivre, il n’y avait pas souvent grand monde ici. Par contre, on ne parle jamais du sportif. Ce n’est pas mon rôle, je ne suis pas là pour ça. Moi, je traite avec le directeur technique national, pas avec le sélectionneur.

Au quotidien, ça se matérialise comment?

LAWARÉE: On gère les demandes, les plannings, les investissements. Parce qu’il y avait des investissements à faire, des évolutions à amener. Comme de bâcher les terrains entraînement pour en faire des endroits enclavés, ce que les joueurs et les entraîneurs adorent. Et ce qui était l’une des demandes spécifiques de Roberto. À partir de là, mon job à moi, très concrètement, il consiste à réfléchir l’aménagement, à penser, par exemple, à la meilleure solution pour ne pas faire trop ou pas assez d’ombre. Il s’agit toujours de trouver la bonne formule, la société idoine, le juste prix aussi. L’avantage de travailler avec Roberto, c’est qu’on évolue en confiance. Il sait que je suis un ancien joueur, que je travaille donc toujours dans leur intérêt.

Le Proximus Basecamp qui accueillera les Diables durant l'EURO: le fief d'Axel Lawarée.
Le Proximus Basecamp qui accueillera les Diables durant l’EURO: le fief d’Axel Lawarée.© BELGAIMAGE/VIRGINIE LEFOUR

« Ce centre, c’est le fruit d’années de travail »

En Belgique, on a mis vingt ans à faire du « Centre EURO 2000 » le « Proximus Basecamp », qui s’apprête à accueillir les Diables pendant trois semaines. Quels ont été vos modèles d’inspiration ces dernières années?

LAWARÉE: Pour bien comprendre la difficulté de la chose, il faut se rendre compte qu’on fonctionne avec un budget annuel qui doit correspondre au budget mensuel d’un club comme Everton. Tout ce qui est là aujourd’hui, c’est le fruit d’années de travail. Beaucoup de choses étaient déjà sur les rails avant que je n’arrive. Je ne travaille pas seul et je m’en voudrais de ne pas citer Nathalie Bosmans, qui est ici depuis vingt ans. Et Frédéric Veraghaenne, un des directeurs de la Fédération, a beaucoup voyagé à Clairefontaine, en Angleterre aussi, pour s’inspirer de ce qu’il se faisait ailleurs et le réaliser ici, mais à moindre frais. Ces deux dernières années, j’ai moi-même été à Budapest, à Cologne. Pour apprendre, se renseigner. Aujourd’hui, c’est sans doute la rançon de la gloire, il y a des gens de l’étranger qui viennent voir ce que l’ont fait. Les politiques s’y intéressent. C’est la preuve qu’on évolue bien. Là, par exemple, le chantier numéro un de ces derniers mois, c’était la création de deux nouveaux terrains sur un plateau tout neuf, qui sera fin prêt pour l’EURO et que les Diables seront les premiers à fouler. Avec comme particularité que la structure des trente derniers centimètres est composée à 97% de sable, à l’image de ce qui se fait sur un green de golf. Ce qui est tout à fait unique en Belgique. Et qui va fortement changer la qualité des entraînements.

En plus des deux nouveaux terrains, quelles autres innovations devraient surprendre les Diables à leur arrivée ici fin mai?

LAWARÉE: On essaie toujours de s’améliorer. Ici, clairement, le défi, c’est d’avoir fini les nouveaux vestiaires, qui seront au niveau du terrain dans le nouveau bâtiment qui abritera la nouvelle maison de verre à partir de septembre. Beaucoup d’innovations, donc ( Il rit). Dans le même esprit, il y a aussi la nouvelle salle de fitness vitrée, qui donnera directement sur le centre d’entraînement pour qu’il puisse toujours y avoir une connexion entre les joueurs qui s’entraînent en salle et ceux en extérieur.

En quoi la situation sanitaire perturbe les derniers préparatifs?

LAWARÉE: Elle nous oblige à prévoir différentes alternatives. On sait déjà que le centre sera fermé au public et qu’on fonctionnera en bulle. Mais on ne sait pas encore précisément quelle sera la situation des joueurs avec leur famille. On ne sait pas non plus à quel degré d’engouement on va devoir faire face. Imaginons que ça se passe bien, on peut se douter que les gens voudront venir à Tubize pour apercevoir, même de loin, les Diables. On s’attend donc logiquement à un été agité pour la sécurité. Il n’y a pas que ça. Ça nous affecte à tous les étages. On doit par exemple encore fixer de nouveaux pare-ballons, mais comme il y a une pénurie de fer partout, on a du retard. Ça n’a l’air de rien, mais c’est un chantier permanent. Parce que clairement, moi, je ne peux pas imaginer un entraînement des Diables sans pare-ballons. Donc, on cherche des solutions, on réfléchit. Mais oui, on a la pression, on sait que ça va être chaud jusqu’au bout. Mais on sera prêt!

Axel Lawarée:
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« J’étais préparé à vivre ce que j’ai vécu au Standard »

Vos nouvelles fonctions à la Fédération vous ont peut-être définitivement éloigné des terrains. Ça ne vous manque jamais de vous mêler aux desseins sportifs d’un club?

AXEL LAWARÉE: Ce que je fais ici est très différent de tout ce que j’ai déjà fait par le passé, c’est vrai. Mais le fait de ne plus avoir d’apport sportif me fait un bien fou. Je me suis déconnecté du football, des matches du championnat belge et ça ne me manque pas. Ça a fait partie de mon métier pendant longtemps, je ne le regrette pas, mais ça ne m’intéresse plus. J’ai tourné cette page-là, sans rancune, et je profite d’autant mieux de ma vie actuelle.

Sans rancune, vraiment?

LAWARÉE: J’étais préparé à vivre ce que j’ai vécu. Quand j’ai accepté d’aller au Standard comme directeur sportif, je savais que j’allais prendre des coups, que je pourrais potentiellement me retrouver tout en bas. Le milieu du football est un milieu très spécial. Ici, à l’Union belge, je suis arrivé pour une tâche précise et je m’y attelle. Le milieu du foot, du management, est tentaculaire. Surtout au Standard, où même quand tout est clair, c’est compliqué. Quand j’y suis arrivé en 2014, c’était avec Roland Duchâtelet que je pensais que j’allais travailler. Je ne savais pas qu’il allait vendre. Il ne m’en a jamais parlé, il ne me l’a jamais dit. Et quand il a revendu, ça s’est fait en trois jours. Ça ne s’est pas tout de suite mal passé avec Venanzi parce que c’est quelqu’un de simple et d’intelligent, mais il a fait confiance à trop de monde et il ne pouvait plus reculer. Réussir dans les affaires et dans le milieu du foot, ce n’est pas pareil.

Trop de monde, dans votre cas, c’est surtout Daniel Van Buyten. Quand il est arrivé, avez-vous un moment pensé qu’une collaboration serait de l’ordre du possible? Ou est-ce qu’il y a tout de suite eu une méfiance?

LAWARÉE: Connaissant le milieu, je savais que ce n’était pas une bonne chose pour moi. Mais qui suis-je par rapport à Daniel Van Buyten? J’étais un simple conseiller du président et tu as Daniel Van Buyten qui arrive avec son aura, ses réseaux…

Deux ans plus tard, en 2016, au moment où Bruno Venanzi vous signifie votre départ, on vous a reproché de ne pas avoir eu l’autorité naturelle suffisante pour faire face à Daniel Van Buyten, à Christophe Henrotay aussi. C’était vraiment ça le problème?

LAWARÉE: L’aura, je ne sais pas. Je connais de grands timides qui tirent les ficelles dans l’ombre. Dans le milieu du football, je crois qu’il y a surtout beaucoup de jalousie. Et plus tu as un poste important dans un grand club, plus tu as de gens qui te jalousent. Mais, encore une fois, je le savais avant d’accepter le job. Le problème, c’est que je n’avais pas assez de protections. Pas assez de crédit peut-être aussi. Honnêtement, je pense que le pouvoir de la presse est vraiment important. Et je pense que la gentillesse ou l’accessibilité est quelque chose qui se retourne très vite contre vous. Mais c’était ma personnalité et je n’avais pas envie d’en changer. Je préfère faire un pas de côté et rester moi-même.

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