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Arthur Theate : de sensation de Pro League à révélation de Série A

La première saison complète et réussie d’Arthur Theate en Italie a totalement éclipsé le scepticisme qui entourait son transfert précoce l’an dernier. La belle histoire semble décidément vouloir se prolonger.

Par Thibault Debrus

Il y a fort à parier qu’Arthur Theate, 22 ans, se souvienne à merveille de son été 2014. À l’époque, le liégeois intégrait l’académie du club de son coeur, le Standard, après trois années passées à Genk. Il découvrait, en même temps, la saveur particulière de ces étés où l’ensemble du pays vit au rythme de notre équipe nationale.

Peut-être se reconnaissait-il déjà dans Thomas Vermaelen ou Jan Verthongen qui, comme lui pendant une large partie de sa formation, évoluaient alors à gauche d’une défense complétée par Van Buyten, Kompany et Alderweireld. Cinq monuments de notre football belge, 513 (!) caps à eux seuls, qui pourtant dissimulaient un réservoir de joueurs défensifs plutôt maigre.

Aujourd’hui, alors que seuls les deux ex-coéquipiers des Spurs résistent encore au poids des années, ce réservoir semble (enfin) plus étoffé. Entre Wout Faes (né en 1998) et Zeno Debast (né en 2003), ils sont quasiment une petite dizaine de jeunes défenseurs centraux a suscité l’enthousiasme des observateurs. Dans ce renouveau à venir, Zinho Vanheusden a longtemps fait figure de tête d’affiche. Mais, depuis ses blessures à répétition, Arthur Theate semble lui avoir volé la vedette.

Des tribunes à la pelouse

Au regard de la précocité des nouvelles générations, l’éclosion de Theate s’est faite plutôt tardivement. Malgré sa formation exemplaire, riche de deux chassés-croisés entre le Standard et Genk, et de 22 sélections dans les équipes nationales d’âge, Philippe Clément puis Michel Preud’homme ne lui ont jamais offert sa chance en équipe première. La carrière professionnelle du liégeois ne démarre véritablement qu’au lendemain de ses 20 ans, suite à un essai convaincant à Ostende, lors de l’été 2020. Dès l’entame de la saison, Alexander Blessin le lance dans le grand bain en le titularisant aux côtés de Tanghe et de Hendry dans un très attractif 5-3-2. La Pro League découvre alors un joueur à l’énergie et à l’envie aussi débordante que sa crinière.

« J’avais dit à mon papa, en arrivant à Ostende : ‘La seule erreur que le coach puisse faire, c’est me mettre sur le terrain, car après je ne sortirai plus », se plait à raconter l’ancien rouche. Et pour cause, entre la première journée de la phase classique et le coup de sifflet final des play-offs II, Theate ne s’assoit qu’à une seule reprise sur le banc. Une première saison de haut vol, suffisante pour convaincre Bologne de lâcher 6 millions d’euros sur le néo-pro.

Un liégeois dans la ville rouge

Barré par les expérimentés Adama Soumaoro et Gary Medel en défense centrale, Theate découvre d’abord le Stade Renato-Dall’Ara depuis la touche. Cependant, un changement providentiel de système, à la mi-temps de la cinquième journée de championnat, contre Empoli, va rebattre les cartes. Sinisa Mihajlovic décide de troquer son traditionnel 4-2-3-1 pour un 3-5-2 inédit, dans lequel son nouveau numéro six s’installe au coeur de la défense. Un système que le coach serbe n’abandonnera plus de la saison. La semaine suivante, contre la Lazio Rome, Theate solde sa première titularisation par un assist et un but (le deuxième après celui marqué lors de ses débuts, contre l’Inter).

Arthur Theate en duel avec Olivier Giroud de Milan
Arthur Theate en duel avec Olivier Giroud de Milan© iStock

Fort de ce nouveau statut de titulaire en Série A, acquis après seulement un mois dans la ville rouge, le cinquième rossoblù belge de l’histoire (après Demol, Oliveira, Mudingayi et J-F Gillet) s’ouvre les portes des diables. D’abord dans un rôle de spectateur, lors du Final Four de la Nations League. Puis en fêtant sa première cap, quelques semaines plus tard, lors du dernier match des éliminatoires de la Coupe du monde, contre les Pays de Galle (1-1).

Un défenseur moderne et bankable

Parfois comparé à Vermaelen, sur le terrain, les prestations d’Arthur Theate sont à l’image de son tempérament : déterminé. Vestige de sa formation comme latéral gauche, poste auquel il a d’ailleurs dépanné à une reprise cette saison, Theate aime prendre des initiatives via ses relances ou ses courses. En atteste son excellente moyenne de passes (3,34 par match) et de courses (3,91 par match) progressives, et son faible taux de passes réussies (83%) pour un défenseur. Entreprenant dans sa manière de défendre, il peut également se vanter d’avoir une moyenne élevée, en comparaison aux autres défenseurs des cinq grands championnats, en termes d’interceptions et de mises sous pression de l’adversaire. Une propension à défendre vers l’avant qui, cependant, ne compense pas des lacunes défensives encore importantes (faibles taux de réussite dans les duels aériens, tacles et un-contre-un).

En dépit de son début de saison canon, Theate a de plus parfois semblé accuser le coup depuis quelques mois. À l’instar du reste de son équipe, encore en course pour un ticket européen à la trêve hivernal et désormais 13èmee de Série A. Une petite baisse de régime qui, selon son entraîneur, serait plutôt d’ordre psychologique : « Depuis qu’il a été appelé en équipe nationale, il est devenu plus présomptueux et moins concentré. Selon lui, ce n’est pas le cas, mais avec mon regard extérieur, je peux voir qu’il fait des choses qu’il ne faisait pas auparavant. Il doit remettre de l’ordre dans sa tête », confiait Sinisa Mihajlovic en conférence de presse, en janvier dernier. Depuis lors, le liégeois a tout de même honoré sa deuxième cap, en mars, contre l’Irlande, et a continué d’accumuler de l’expérience. À trois journées de la fin du championnat, seuls six joueurs de Bologne cumulent plus de temps de jeu que lui (2.347′).

Plus qu’à espérer que Theate, qui serait dans les petits papiers de Paolo Maldini et de l’AC Milan, emmène dans son sillage le reste de ce talentueux cru de défenseurs centraux. Que ceux-ci parviennent à devenir, dix ans après l’épopée au Brésil, ces patrons que la « génération intermédiaire » des Kabasele, Boyata, ou même Denayer, ne sont jamais devenus.

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