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Anderlecht: un grand club, vraiment?

Les chiffres annuels d’Anderlecht ne sont pas mauves, mais rouges, une couleur que le club n’aime pas. Comment a-t-il pu en arriver là et que doit-il faire?

L’édition de samedi du quotidien De Tijd ne dresse pas un portrait flatteur du RSCA version 2020. Le journal dépeint la situation financière et les remous qui plombent le conseil d’administration d’Anderlecht. Suite à la perte essuyée l’année dernière (36 millions d’euros), alors que la saison précédente affichait déjà une perte-record de 27 millions, sa dette avoisinerait aujourd’hui les cent millions. Où et comment la situation a-t-elle pu déraper à ce point ?

Marc Coucke est triomphalement entré dans la salle de presse du club il y a bientôt trois ans. Il était devenu le nouveau propriétaire du RSC Anderlecht, bien que son offre de 80 millions n’ait pas été la plus élevée des quatre enveloppes rentrées. Paul Gheysens proposait 91 millions et garantissait la construction d’un nouveau stade. Cependant, tous les actionnaires (lisez Alexandre Van Damme) n’appréciaient pas l’entrepreneur, alors qu’ils pouvaient tous s’accommoder du flamboyant Gantois, qui était encore propriétaire du KV Ostende.

Anderlecht est et reste le club belge doté du plus grand potentiel. S’il exploite ses capacités aussi bien que le Club, il doit parvenir à redresser la barre.

Coucke n’a pas repris un navire en péril. La dette d’Anderlecht s’élevait à quelque vingt millions, un montant tout à fait gérable. Les anciens propriétaires, qui ne s’étaient intéressés à l’optimisation commerciale que sur le tard, ne jugeaient pas nécessaire de faire du bénéfice. Ça impliquait de payer plus d’impôts et ça n’en valait donc pas la peine. L’argent disponible était alloué au sportif, toujours avec la prudence requise. L’achat le plus important de l’ère Vanden Stock-Van Holsbeeck a été effectué en 2016. Il s’agit du Roumain Nicolae Stanciu (9,7 millions selon le site spécialisé Transfermarkt), le prix demandé par Twente pour le Marocain Hakim Ziyech ayant été jugé trop élevé.

Luc Devroe
Luc Devroe© PHOTONEWS

Comme Anderlecht jouait chaque année une Coupe d’Europe, souvent la Champions League, il parvenait à équilibrer sa comptabilité. La différence de rentrées entre la Ligue des Champions et l’Europa League s’élevait à quelque quinze millions. Le département sportif entamait chaque saison le couteau sur la gorge, en poursuivant un objectif : être champion et passer à la caisse. Si Anderlecht n’était que deuxième, il était obligé de vendre un de ses meilleurs joueurs, comme Mbark Boussoufa. L’Europa deux fois de suite ? La solution était simple : vendre Youri Tielemans.

Il n’y est plus parvenu depuis quelques années. Pas d’Europe, ça représente quinze à vingt millions en moins par saison. Additionnez les montants et vous arrivez à la dette actuelle. C’est pour cette raison que le club s’est entêté à investir dans de nouveaux footballeurs qui devaient le qualifier pour l’Europe et qui étaient grassement payés pour ça. Coucke a déboursé sans broncher huit millions pour Bubacar Sanneh. Les deux premières années, Coucke a enrôlé 21 nouveaux joueurs, via Luc Devroe puis Michael Verschueren. Quatre d’entre eux ont coûté au moins cinq millions : Landry Dimata (cinq briques), Kemar Roofe (six), Michel Vlap (6,9) et Sanneh (huit). La plupart d’entre eux n’ont guère été rentables, mais la première levée, transférée par Devroe, a obtenu des contrats de trois ans. Certains sont toujours au club ou prêtés, parce qu’ils sont trop chers pour d’éventuels amateurs ou simplement parce qu’ils savent qu’ils n’obtiendront les mêmes conditions nulle part ailleurs.

Wouter Vandenhaute
Wouter Vandenhaute© PHOTONEWS

Pour les initiés, le problème actuel d’Anderlecht est simple. C’est une combinaison de trois facteurs. Un : pas de rentrées européennes. Deux : trop d’achats au salaire trop élevé et trop de changements dans le staff technique – ce qui implique le versement d’indemnités colossales de licenciement, tout en offrant à tous les jeunes un contrat. Et trois : hormis les transferts récents, qui seront comptabilisés l’année prochaine, trop peu de ventes.

Samedi, De Tijd a révélé que les actionnaires minoritaires, qui détiennent 27% des parts, freinent toute démarche. Ça ne renvoie pas une image flatteuse, car en se disputant, les actionnaires prennent en otage leur propre entreprise, dans ce cas leur club. On peut se demander pourquoi ils le font maintenant et pourquoi ils n’ont pas tiré la sonnette d’alarme plus tôt, en voyant le nouveau propriétaire augmenter systématiquement les dépenses et s’immiscer dans les transferts. Mais c’est un thème délicat.

LE PORTEFEUILLE

Des insiders nous affirment que les actionnaires minoritaires se sont déjà manifestés dans le passé. Quelques mois après la reprise, les caisses étaient déjà vides et on a procédé à une première augmentation de capital, qui a contraint tous les actionnaires à mettre la main à la poche. Ces actionnaires ont encore protesté quand Luc Devroe a enrôlé une volée de joueurs dont la plupart des membres du conseil ne savaient rien. Ils ont demandé d’être au moins tenus au courant. Alors qu’on semble avoir oublié que le conseil a déjà procédé à un énorme effort collectif et qu’on lui en demande un nouveau maintenant, les personnes concernées deviennent nerveuses : combien de fois cela va-t-il encore se produire dans un avenir proche ?

Le battage médiatique dont les actionnaires minoritaires sont victimes ne contribue pas à rassembler tout le monde à table alors que c’est indispensable pour trouver une solution. Pour le moment, cependant, la table ne se vide pas : on ne peut vendre ses actions que si on trouve acquéreur.

Le président Wouter Vandenhaute, qui a failli avaler son café de travers quand Coucke l’a contacté, en novembre 2019, pour lui demander de rallier le club, n’a pas encore réagi. En coulisses, on dit qu’il a annoncé ne pas avoir l’intention de changer les projets déjà dévoilés en interne pour sortir le club de ses ennuis, malgré l’article et le mécontentement des actionnaires minoritaires. Il a déjà établi un plan pour les cinq prochaines années, plan qui s’appuie sur la réalité actuelle, donc sans prévoir de rentrées issues de CL.  » Ce n’est pas parce que j’ai le vent de face ou qu’il est violent que je ne vais pas rouler à vélo « , a-t-il coutume de dire.

Son entourage n’a pas le sentiment qu’il est effrayé ni abattu par l’état du club.  » Nous allons résoudre le problème. Nous y parviendrons si nous travaillons bien et beaucoup « , a-t-il déjà lâché entre quatre murs. Toutes les personnes contactées le disent : compte tenu de sa situation géographique, Anderlecht est et reste le club belge doté du plus grand potentiel. S’il exploite ses capacités aussi bien que le Club, il doit parvenir à redresser la barre.

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