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Adnan Januzaj, la Real renaissance

Samedi, dans le match entre les deux Real, la Sociedad se déplace au Santiago-Bernabéu pour défier le leader madrilène. Du côté du staff médical basque, on fait tout pour qu’Adnan Januzaj, encore incertain, puisse prendre part à cette rencontre au sommet. Alors que la relation avec l’entraîneur Imanol Alguacil n’a pas toujours été au beau fixe, le Diable Rouge semble avoir trouvé cette constance qui lui a tant manqué, au point de devenir un cadre de l’équipe.

À voir la manière dont il traite le ballon, on pourrait penser qu’il est forcément appelé à récolter tout l’amour qu’il sème en retour. Pourtant, la vie sentimentale d’Adnan Januzaj s’est longtemps résumée à se remémorer cette idylle avec David Moyes qui lui a permis de goûter à sa première fois au haut niveau il y a presque dix ans. Une saison à émoustiller les supporters d’Old Trafford restée sans lendemain. Malgré des partenaires qui en ont fait fantasmer plus d’un, comme Louis van Gaal ou Thomas Tuchel, les relations suivantes ont tourné court.

Il y a bien eu quelques coups d’un soir comme lors de ce fameux dernier match de poule de la Coupe du Monde 2018 où le latéral gauche anglais Dany Rose se souviendra pour le restant de ses jours de la nuit qu’il a passée, notamment sur ce coup de rein victorieux de Januzaj à la 50e minute. Mais la difficulté à s’épanouir sur le long terme revient à chaque fois, accompagnée des mêmes reproches : trop de caresses, pas assez de concret. Quand Imanol Alguacil est arrivé sur le banc de la Sociedad il y a quatre ans, l’histoire semblait prendre la même tournure. Avant de déboucher sur un surprenant mariage de raison cette saison.

Une relation d’amour-haine

Si les opposés s’attirent, l’entraîneur basque était destiné à un jour coacher le ket de Bruxelles. Arrière droit besogneux du club de San Sebastian, il garde en lui ce franc-parler élevé en trait de caractère du Pays basque. Lorsqu’un journaliste lui demande ce qu’il penserait de voir débarquer Messi dans son équipe, il répond : « Messi est un joueur incroyable mais j’ai l’impression que dans la Real, avec nos valeurs d’humilité et de normalité, pour notre façon d’être, il ne nous conviendrait sûrement pas« .

La normalité n’est pas ce qui ressort en premier à l’heure de décrire Januzaj. Pourtant, travailler avec Alguacil est sans doute une des meilleures choses qui pouvait lui arriver. Couplé à cette franchise, l’entraîneur aux cheveux grisonnants négligés et aux yeux bruns perçants cultive avec son groupe un dialogue permanent. Le luxe de travailler dans la longueur avec quelqu’un d’entier et qui cherche à le comprendre, c’est sans doute ce qui a manqué à Adnan au milieu du star system en crise du Manchester United post-Ferguson et des prêts express à Dortmund et Sunderland.

Comme dans tout couple, il y a eu des moments de moins bien. En conférence de presse au stade de Louis II de Monaco face auquel il délivre l’assist sur le but égalisateur d’Alexander Isak, Januzaj lâche en rigolant que c’est quand même lui sur qui le coach râle le plus. Chose assez rare que pour être soulignée, il parvient à arracher un sourire au principal intéressé, assis à quelques centimètres sur sa droite.

Entier mais pas rigide, Alguacil reste conscient plus que quiconque qu’au sein de son équipe résolument normale, une touche d’imprévisibilité reste nécessaire. Surtout pour se hisser dans les hautes sphères de la Liga comme la Sociedad en a pris l’habitude ces dernières années. Lors de l’ultime rencontre de la saison 2020, c’est Januzaj qui arrache le point nécessaire pour se qualifier pour l’Europa League en marquant un coup franc excentré côté droit sur le terrain de l’Atlético à la 88e minute.

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Arrivé à maturation

Si son entraîneur met de l’eau dans son vin, l’ancien prodige de Neerpede a lui aussi fait un pas dans sa direction. A l’arrivée d’Alguacil, Januzaj était le troisième joueur de Liga à tenter le plus de dribbles (5,3 par rencontre), juste derrière Lionel Messi et Sofiane Boufal. Cette saison, il n’y recourt en moyenne qu’à 2,6 reprises. Plus au service de l’équipe, il voit ses stats de key passes et d’interceptions augmenter. Symbole le plus éclatant de cette transformation, son but contre l’Atlético en huitièmes de finale de la Coupe d’Espagne : laissant à d’autres le soin de créer le surnombre sur le flanc et d’éliminer, Adnan surgit dans le rectangle embouteillé pour gagner son duel avec Hermoso et ajuster Oblak de la tête.

De quoi trouver grâce auprès de son entraîneur : « Il s’entraîne comme jamais auparavant. J’espère qu’il continuera à travailler comme il le fait. Je pense qu’il a encore une marge de progression parce que c’est un joueur différent des autres quand il va bien. » Pas adepte des paroles en l’air, le Basque le lui rend bien en lui ouvrant les portes de son onze de base. En concurrence avec Portu sur l’aile droite, Januzaj, désormais âgé de 27 ans, semble avoir pris le dessus avec dix titularisations sur les quatorze derniers matchs avant sa blessure à la cuisse droite il y a deux semaines.

Le Diable Rouge a déjà dépassé son temps de jeu des deux dernières saisons et est en bonne voie pour disputer son exercice le plus abouti depuis son arrivée à la Sociedad, d’autant que son retour est prévu dans les prochains jours. Seule ombre au tableau, avec ses deux petits buts en Liga (pour zéro assist), il faut toujours descendre aussi bas au classement des buteurs pour le trouver. Malgré sa mue progressive, Januzaj ne sera jamais un joueur de chiffres.

Autre problème de chiffres, son contrat qui n’a toujours pas été renouvelé. Lié à la Real jusqu’en juin, les deux parties ont toutefois confirmé leur souhait de continuer à travailler ensemble, en dépit des rumeurs qui envoient le joueur du côté du Barca. L’adage veut que l’amour dure trois ans. Celui qui s’installe entre Adnan et son coach semble n’être qu’à ses débuts, dans une liaison qui n’a pas accouché du coup de foudre au premier regard.

Toujours forfait pour la victoire 0-2 de la Sociedad à Majorque ce mercredi, Januzaj espère pouvoir être du voyage pour le déplacement de samedi au Real Madrid. Un match toujours spécial pour Alguacil qui a connu comme point d’orgue d’une carrière majoritairement passée dans l’ombre ce match au Bernabeu en 1994 où il a dribblé toute la défense madrilène pour inscrire le but du 0-2. Comme quoi, se mettre au service de l’équipe n’empêche pas d’ajouter sa touche de magie de temps en temps.

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