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10 choses que vous ne savez (peut-être) pas sur Matt Miazga

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Qui est Matt Miazga, défenseur mi-polonais, mi-américain, débarqué à Bruxelles début octobre? Dix bonnes choses à savoir sur ce globe-trotteur.

On a directement tartiné sur le fait que Matt Miazga était prêté à Anderlecht par le grand Chelsea. Et qu’il avait déjà un petit bout de parcours européen derrière lui, avec trois championnats déjà explorés: Vitesse Arnhem, Nantes, Reading. Pas banal à son âge. Mais c’est surtout sa vie américaine qui est remplie d’anecdotes et de moments savoureux. À la découverte du Yankee des Mauves.

Red Bull Academy & US Soccer Development Academy

Matthew Miazga est né en 1995 à Clifton, dans le New Jersey, à 25 bornes de Manhattan. Très vite, parce qu’il est bon en foot à l’école, il est repéré et recruté par la New York Red Bull Academy, le centre de formation de ce géant de la MLS. Parallèlement, il fait partie de l’US Soccer Development Academy, gérée par la fédération américaine. C’est le centre d’excellence de la fédé au niveau des jeunes. Là, il participe à des entraînements avec notamment Ethan Horvath, le gardien qui se retrouvera plus tard à Bruges, et Christian Pulisic, qui aboutira à Dortmund puis à Chelsea. Il grimpe dans les catégories d’âge avec son club, en étant systématiquement un pilier, un maillon fort du noyau. Jusqu’au moment où il se retrouve aux portes du groupe pro.

Matt Miazga est le futur du football de ce pays. » L’ancien international américain Tab Ramos

University of Michigan? No!

À 18 ans, il décide d’entamer des études universitaires. Il postule à l’Université du Michigan, qui l’accepte les yeux fermés parce qu’il va pouvoir renforcer l’équipe de foot de cette unif. Tout est réglé. Puis tout bascule. Matt Miazga a déjà été repéré par l’un ou l’autre club européen, et les New York Red Bulls lui proposent un contrat professionnel. Subitement, il tranche, il ne fera finalement pas d’études universitaires et donne la priorité au foot. Il est parti pour un bail de deux ans et demi et 42 matches avec ce club. Et deux trophées, deux fois le MLS Supporters Shield, le prix remis à l’équipe qui totalise le plus de points pendant la saison régulière.

Pologne vs USA, le dilemme

Quand il est U18, il reçoit une convocation de la Pologne. Normal, ses parents sont tous deux issus de ce pays, des expats qui ont choisi de concrétiser un rêve américain. À ce moment-là, Matt Miazga n’a jamais été appelé par la fédération US. Et donc, il joue un match avec le pays de ses ancêtres, un amical contre la Slovénie en 2012. Mais la fédé américaine réagit vite. Quelques mois plus tard, elle le convoque, pour la même catégorie d’âge. Il accepte. Et se tâte. Il ne veut pas trancher, pas choisir définitivement un pays aussi longtemps qu’il n’aura pas reçu une convocation pour l’équipe A. Un bras de fer s’engage, les deux fédérations se mettent à le draguer. Pour la Pologne, c’est carrément Zbigniew Boniek, le président, qui s’en charge. Miazga écoute poliment et continue son parcours de footballeur international, mais il donne la priorité aux USA, en U20 puis en U23. Rien n’est définitif aussi longtemps qu’il n’a pas joué pour une équipe A. Il se confie dans la presse: « Ma famille voudrait que je joue avec la Pologne, mes potes m’encouragent à choisir les États-Unis. Je me sens aussi Polonais qu’Américain, autant Américain que Polonais. Je suis déchiré. » Au final, ce sont les Américains qui gagneront la bataille. Miazga disputera son premier match avec l’équipe représentative en 2015. Contre Saint-Vincent-et-les-Grenadines, ça ne s’invente pas.

Quart de finaliste en Coupe du Monde (U20, mais quand même)

Entre-temps, il pète les flammes avec les sélections d’âge US. Il devient un joueur clé de l’équipe U20 qui atteint les quarts de finale à la Coupe du monde 2015 en Nouvelle-Zélande. L’aventure s’arrête là, aux tirs au but contre la Serbie, future championne du monde en battant le Brésil en finale.

Façonné par Herzog et Ramos

Deux entraîneurs ont compté plus que d’autres dans son ascension sur la scène internationale. D’abord Tab Ramos, son coach chez les U20. Il donne vraiment à Miazga l’envie de choisir définitivement les États-Unis plutôt que la patrie de ses parents. Il faut dire que l’homme lâche les vannes quand il parle de son défenseur en conférence de presse: « Matt Miazga est le futur du football dans ce pays. On a cru en lui dès le premier jour. C’est avec les USA qu’il doit jouer. Je ne lui mettrai jamais la pression, mais il doit savoir qu’on a un meilleur programme que les Polonais. »

Au cas où ce nom ne vous dirait rien… Tab Ramos a disputé plus de 80 matches avec l’équipe américaine, dont les Coupes du monde 1990 et à domicile en 1994. Il a participé, contre son gré, à la scène la plus violente de ce tournoi. Lors du match contre le Brésil, Leonardo lui a asséné un coup de coude crapuleux qui lui a valu une fracture du crâne et trois mois et demi à l’hôpital. On peut toujours visionner les images sur YouTube, ça fait froid dans le dos.

Après Ramos, Matt Miazga a bossé avec Andreas Herzog en U23. Un gars qui détient le record de sélections en équipe autrichienne et est passé par le Bayern. Lui aussi était un fan absolu de Miazga, lui aussi l’a travaillé au corps pour qu’il choisisse l’équipe US plutôt que la Pologne.

Gold Cup

Matt Miazga dispute son premier match avec l’équipe A quand Jürgen Klinsmann est encore sélectionneur. Et son premier exploit, il le signe durant l’été 2017 à la Gold Cup, le tournoi qui désigne le meilleur pays d’Amérique du Nord, d’Amérique Centrale et des Caraïbes. À ce moment-là, c’est Bruce Arena qui est aux commandes de la sélection. Miazga est l’un des plus jeunes joueurs du noyau américain. Il reste sur le banc lors des deux premiers matches. Et il est titulaire pour le troisième, le dernier de la phase de groupes. Face au Nicaragua, la mission est limpide: il faut gagner par trois buts d’écart pour finir en tête de la poule et affronter ainsi un adversaire abordable en quart de finale, plutôt que le Costa Rica qui passe pour un épouvantail. Les USA mènent 2-0 à la 88e minute. Coup franc. Miazga monte. Un ballon millimétré arrive sur son front, il l’expédie dans le but. 3-0, et deux semaines plus tard, les Américains soulèvent le trophée. Au final, Miazga, qui était d’abord là pour apprendre, n’a joué qu’un match. Mais il a converti une action décisive pour le parcours des Yankees. Son unique but international jusqu’à présent.

Avec l'équipe nationale américaine face au Venezuela de Salomon Rondon.
Avec l’équipe nationale américaine face au Venezuela de Salomon Rondon.© GETTY

Yankee Stadium

En MLS non plus, il n’a jamais été un grand buteur. Son CV renseigne un seul goal. Mais celui-là aussi, il a voulu le rendre historique. Juin 2015. Derby new-yorkais dans le stade de l’ennemi de New York City FC, le Yankee Stadium, en plein Bronx. Devant 48.000 curieux, il fait un gros match contre David Villa, réduit au silence. En fin de rencontre, quand c’est 1-2, il scelle le score définitif en reprenant un assist de Sacha Kljestan. Et pour fêter ça, il imite un swing digne d’un crack du base-ball. Il explique ensuite qu’il a fait ça simplement parce que l’adversaire du jour se produit dans un stade de base-ball. Avant d’être le théâtre de l’équipe de foot, le Yankee Stadium est le sanctuaire des Yankees. Une institution, avec une quarantaine de titres nationaux.

Je me sens aussi Polonais qu’Américain, autant Américain que Polonais. Je suis déchiré. » Matt Miazga

Fan de Boateng, comparé à Stam

Au moment où il est encore aux États-Unis, quand des experts le comparent à Jaap Stam au début de sa carrière et à Wladyslaw Zmuda, un pilier de l’équipe polonaise qui a terminé sur le podium des éditions 1974 et 1982 de la Coupe du monde, Matt Miazga se définit comme un « étudiant du jeu » et il cite ses modèles. « J’aime bien observer les meilleurs joueurs européens, je regarde comment ils s’en sortent dans les plus gros matches, dans les situations les plus difficiles. Plus que n’importe qui d’autre, j’admire Jérôme Boateng, Raphaël Varane et Sergio Ramos. Je veux avoir mon propre style, je veux construire ma propre identité, je ne veux copier personne, mais il y a quand même quelques petits trucs que je pourrais prendre chez certains joueurs comme eux. »

Presque joueur de l’année

Le coup est passé tout près, Miazga a failli soulever le trophée de joueur américain de l’année. En fin d’année 2018, alors qu’il s’est exilé en Europe depuis deux ans et demi, il est nommé dans les finalistes. Il caresse l’espoir d’inscrire son nom sur un palmarès où on trouve par exemple Alexi Lalas, Landon Donovan, Oguchi Onyewu, Tim Howard, Christian Pulisic. La crème de la crème du soccer US. Il est finalement devancé par le gardien Zack Steffen, passé par Manchester City. Il lui reste son titre de jeune joueur de l’année, gagné en 2015.

Designated Player? No thanks!

Fin 2015, la direction des New York Red Bulls propose à Matt Miazga un contrat assorti du statut de Designated Player. Une particularité américaine. Ce statut permet à un footballeur de ne pas être concerné par le salary cap. Pendant très longtemps, en MLS, il était interdit de dépasser un plafond. Tout a changé quand ce championnat s’est mis en tête de recruter David Beckham. C’était trop tentant, trop sexy pour la réputation du championnat, alors on a changé le règlement et autorisé chaque club à avoir quelques Designated Players. Beckham a donc été le premier, c’est pour ça que ce règlement est aussi appelé la Beckham rule. Beaucoup de joueurs connus dans le monde entier en ont profité. Sans ça, ils n’auraient jamais signé aux États-Unis ou au Canada. Parmi eux: Thierry Henry, Andrea Pirlo, Frank Lampard, David Villa, Didier Drogba, Zlatan Ibrahimovic, Steven Gerrard, Wayne Rooney, Andrés Mendoza, Bastian Schweinsteiger, Gonzalo Higuain, Alejandro Pozuelo. Et même Jelle Van Damme. Matt Miazga a donc eu l’opportunité de rejoindre leurs rangs. Mais il a décliné. Parce qu’il avait une conviction: il avait fait le tour de la question en MLS. Et une obsession: jouer en Europe. La direction de New York n’a pas trop insisté. Quelques jours plus tard, Miazga signait pour quatre ans et demi à Chelsea.

Matt Miazga avec le maillot de Chelsea.
Matt Miazga avec le maillot de Chelsea.© BELGAIMAGE

Premier bilan européen

Matt Miazga s’imaginait en haut de l’affiche de la Premier League quand il a signé à Chelsea. Entre janvier 2016 et aujourd’hui, il n’a porté que deux fois le maillot des Blues, quelques semaines après son arrivée. Un match complet à Aston Villa, puis une mi-temps à Swansea, tout ça en l’espace de huit jours. Guus Hiddink était sur le banc, Thibaut Courtois dans le but, Branislav Ivanovic à ses côtés en défense centrale, Cesc Fabregas devant eux, Eden Hazard à l’infirmerie. Dans la foulée, il s’est encore installé deux fois sur le banc, puis a disparu de la circulation.

En août 2016, Chelsea le case en prêt à Vitesse Arnhem, où il commence par une saison pleine qui débouche sur une victoire en Coupe des Pays-Bas, le premier trophée de l’histoire du club. La location est prolongée d’un an, et au bout de sa deuxième saison, il marque le but qui envoie Vitesse en Europa League.

Il enchaîne par un prêt à Nantes. Dans un premier temps, il est dans les papiers de Miguel Cardoso, mais quand ce coach est remplacé par Vahid Halilhodzic, sa situation se complique, il ne joue plus. Il part dès le mois de janvier et se retrouve, toujours en prêt, à Reading, en Championship. Quand il arrive, ce club est mûr pour la descente. Mais Miazga contribue à stabiliser la ligne arrière, et pendant la deuxième partie de saison, l’équipe prend deux fois plus de points que pendant la première et se sauve. Le prêt est prolongé d’un an. Il est rentré à Chelsea l’été dernier. Pour quelques semaines seulement, le temps qu’un accord soit trouvé avec Anderlecht pour une nouvelle location.

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