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Face à l’homophobie, des clubs « refuges » pour les sportifs LGBT

Pour « ne pas subir les moqueries » et jouer « sans se poser de questions », plusieurs milliers de sportifs LGBT se retrouvent dans des clubs qui leur offrent un « refuge » dans un milieu où, dans certaines disciplines, l’homophobie reste patente.

« On n’est pas des PD », « on n’est pas des fiottes », « on n’est pas des filles »: adolescent, Laurent-Alfonso Lo Monaco, a été « dégoûté » de pratiquer un sport, la lutte, à cause des réflexions homophobes de son entraîneur. A 14 ans, un âge « où on n’est pas à l’aise avec sa sexualité », il décide de quitter son club pour « ne pas avoir à (s)e justifier » ni « craindre d’être identifié comme un sous-homme », dans un sport où « l’hypermasculinité » est une valeur étendard.

Ce n’est qu’adulte, en 2010, qu’il retourne à sa passion en intégrant Paris Lutte, un club LGBT affilié à la Fédération sportive gaie et lesbienne (FSGL), qui revendique une cinquantaine d’associations et plus de 5.000 sportifs.

Les premiers clubs ont été fondés au milieu des années 80 afin de participer aux « Gay Games », dont la première édition s’est tenue en 1982 à San Francisco, berceau du mouvement LGBT. Ces « Jeux », ouverts aux homosexuels et hétérosexuels sans conditions de niveau, se tiennent pour la première fois à Paris à partir de samedi et jusqu’au 12 août.

L’année 1982 marque également en France la dépénalisation de l’homosexualité. « Les clubs se sont montés dès que c’était légalement possible, souligne Sylvain Coopman, président de la FSGL. Ça prouve que des gens avaient besoin d’un refuge. »

« Le sport s’est constitué sur la base d’une masculinité virile et sur l’affirmation de soi sur autrui », explique Philippe Liotard, sociologue au Laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport de l’université Lyon-I. « La création des clubs LGBT est une réponse à l’homophobie sportive » en offrant « des espaces de pratiques où l’on ne se sent pas menacé », ajoute le chercheur.

– Militantisme soft –

« Je voulais simplement être moi-même et ne pas me demander si je pouvais venir avec ma compagne aux soirées organisées par le club », raconte Mélanie Pieters, présidente du FC Paris Foot Arc en Ciel.

L’association est « un havre de paix », « une sorte de sas qui dure plus ou moins longtemps selon nos membres », explique-t-elle. Il y a quelques années, le club a ainsi accueilli pendant une saison un couple de lesbiennes qui n’étaient plus sélectionnées par leur nouvel entraîneur.

Malgré tout, les compétitions disputées contre d’autres équipes rappellent parfois les joueuses au mauvais souvenir de l’homophobie. « Vous n’allez pas vous laisser faire, c’est une équipe de PD! », a ainsi lancé un dirigeant l’an dernier. « Le match s’est terminé par des bousculades et l’une de nos joueuses a reçu une bouteille en plastique sur la tête », se désole Mélanie.

Ces incidents restent rares et rejoindre un club LGBT est, pour certains, « un militantisme soft », selon Sylvain Coopman: donner plus de visibilité aux homosexuels pour faire progresser leur acceptation dans la société. « C’est un engagement moins militant, moins politique », qu’une association LGBT classique, confirme Matthieu Lauvernier, volleyeur à l’association CARGO de Lyon. « Pour moi qui n’ai pas beaucoup de temps, c’est un premier pas », abonde Yohan Soreze, inscrit à Paris chez les « Front Runners », un club de course à pied.

Pour ce médecin, « c’est important d’avoir des connaissances au sein de la communauté LGBT et c’est plus sain de le faire via le sport plutôt qu’autour de l’alcool ou des pratiques sexuelles ».

L’argument est régulièrement retourné par les détracteurs de ces clubs qui dénoncent un repli et un entre-soi, que les intéressés récusent ou justifient. « On accueille tout le monde, y compris des hétéros qui ne se reconnaissent pas dans la compétition ou ne veulent pas être assignés à cette espèce de cause virile », insiste Laurent-Alfonso Lo Monaco. « Ce qui serait bien c’est qu’on n’ait plus besoin de dire qu’un club est LGBT », observe Matthieu Lauvernier.

« La vocation de notre fédération c’est d’être dissoute, affirme Sylvain Coopman de la FSGL. Mais on n’est pas près d’y arriver. »

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