Un champion en prison

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Chaque samedi, nous vous racontons une histoire étonnante dans le milieu du cyclisme.

On a connu des cyclistes dégoulinant de talent qui ont fait une entrée fracassante chez les pros avant de se fracasser ! Prenez par exemple Willy Vanden Berghen, un nom qui ne dit sans doute pas grand-chose même aux fans de cyclisme les plus cultivés.

La vie souriait à ce Brabançon quand, à 21 ans, il a pris le bronze olympique aux Jeux de Rome en 1960, dans la course en ligne. Chez les amateurs, il a remporté le Tour des Flandres, Gand – Wevelgem, et fini troisième du Championnat du Monde. Il a aussi été champion de Belgique de poursuite et en course par équipes, avec Robert Lelangue.

Vanden Berghen était un diamant brut, un talent exceptionnel. Pendant son service militaire en 1959, il s’était adjugé le Schaal Sels, une course ouverte aussi aux coureurs indépendants et professionnels. Il y avait 200 participants au départ. Vanden Berghen avait lâché un sprint tellement explosif qu’il n’y avait aucun concurrent sur la photo. Il a gagné tant de courses qu’on l’a comparé à Rik Van Looy. D’ailleurs, Van Looy lui avait proposé de le rejoindre dans son équipe, mais il avait refusé. Le Willy savait très bien ce qu’il voulait. Et il s’entraînait comme un malade.

Vanden Berghen a débuté avec les pros dans l’équipe de Mercier, et il a vite remporté une étape de Paris – Nice et une du Tour de France. Deux jours après ce succès, il a laissé gagner son équipier Robert Cazala. Après la dernière étape, il s’est offert une belle virée et il a bu du champagne pendant toute le nuit. Il a laissé dans cette guindaille les primes accumulées pendant l’ensemble du Tour.

Après ça, sa carrière s’est écrasée. Il a commencé à enchaîner les blessures et autres affections, et il n’a jamais retrouvé son niveau. Il a encore roulé pour Flandria-Romeo, Mann et Solo-Superia – une équipe qui le payait uniquement en lui offrant ses tenues et son matériel. Plus personne ne croyait en lui. Et sa carrière professionnelle n’a au final duré que cinq ans.

Sa situation a rapidement empiré, encore ! Il s’est mis à enchaîner les petits boulots et est resté six mois dans le coma suite à un accident de voiture. Son mariage a capoté et il s’est retrouvé en prison pour avoir refusé de payer les pensions alimentaires. Forest d’abord, Merksplas ensuite. Et ses enfants lui ont tourné le dos.

Pendant trois ans, il s’est retrouvé à la rue. Après la mort de son père, il s’est expatrié dans le sud de la France, en 1985, et il a déniché là-bas un petit boulot de plongeur. Puis il est rentré en Belgique et a bossé dans la démolition de bâtiments. Jusqu’au jour où une mauvaise chute lui a brisé cinq côtes et l’a envoyé une nouvelle fois à l’hôpital.

La vie de Willy Vanden Berghen est une succession de coups durs. En 2004, il a trouvé une nouvelle petite amie, une Polonaise. Elle est partie avec l’argent qu’il avait encore. Il a trouvé une maison pas très chère et le sort a de nouveau frappé en 2005 quand un cycliste l’a percuté alors qu’il se promenait à pied. Il est tombé la tête première sur le bord du trottoir… encore un mois à l’hôpital.

Entre-temps, on n’a plus entendu parler de lui. Il vient d’avoir 81 ans.

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