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Tour de France: Démonstration de Mohoric dans une étape complètement folle

Fabien Chaliaud Journaliste

C’est une Slovénie à plusieurs visages qu’on aura vu sur ce Tour de France. Celui triomphant du champion de Slovénie Matej Mohoric, vainqueur de l’étape au bout d’un numéro époustouflant, celui grimacant de Tadej Pogacar, mis en difficulté par l’échappée du jour et celui à l’agonie de Primoz Roglic, qui doit définitivement renoncer à ses rêves d’une tunique jaune toujours solidement accrochée sur les épaules d’un Mathieu van der Poel qui aura fait le spectacle avec Wout Van Aert.

Certains observateurs estimaient que pour mettre en difficulté Tadej Pogacar après sa démonstration sur le contre-la-montre de mercredi, il faudrait tenter de lui mettre la pression dans les étapes de plaine. Message reçu par une toute une série de coureurs de renom, bien décidés à enflammer l’étape la plus longue de ce Tour (250 km).

Dans une première heure de course où personne n’a compté ses coups de pédales, les spécialistes des classiques ont lancé un festival d’attaques qui n’allait cesser qu’une fois le bon coup parti. Malgré son maillot jaune, Mathieu van der Poel n’entend pas rester dans les roues et n’hésite pas à suivre Wout Van Aert lorsque celui-ci initie l’échappée décisive. Julian Alaphilippe, qui avait pourtant tenté sa chance en compagnie du duo Belgo-néerlandais manquait finalement à l’appel, contrairement à son coéquipier et vainqueur du Tour des Flandres Kapser Asgreen , ainsi que Mark Cavendish, maillot vert issu lui aussi de la formation du champion du monde.

Mark Cavendish et Vincenzo Nibali sont à l'avant d'une échappée royale qui va animer une étape complètement folle.
Mark Cavendish et Vincenzo Nibali sont à l’avant d’une échappée royale qui va animer une étape complètement folle.© iStock

UNE SUPERPRODUCTION DU PELOTON

Le reste du casting de cette échappée royale est digne des plus belles superproductions cyclistes du printemps: Vincenzo Nibali, vainqueur de la Grande Boucle 2014, Philippe Gilbert, qui fête ce vendredi les 10 ans de sa victoire d’étape couplée au maillot jaune, Jasper Stuyven, lauréat du dernier Milan-San Remo, Simon Yates, vainqueur de la Vuelta 2018 et troisième du dernier Giro, Victor Campenaerts, détenteur du record de l’heure ou encore Dylan Van Baarle qui avait triomphé à « A travers la Flandre » en avril, excusez du peu.

Le reste du groupe des 30 fuyards n’est pas non plus composé de modestes coureurs puisqu’on y retrouve Ivan Garcia Cortina, Magnus Cort Nielsen, Ruben Guerreiro, Brent Van Moer, Mike Teunissen, Tom Skujins, Imanol Erviti, Harry Sweeney, Xandro Meurisse, Dorian Godon, Patrick Konrad, Christophe Laporte, Soren Kragh Andersen, Franck Bonnamour, Michael Schär, Hugo Houle, Boy Van Poppel, Jan Bakelants et le champion de Slovénie Matej Mohoric.

CAVENDISH CONFORTE SON MAILLOT VERT

Après une lutte acharnée, ces hommes allaient creuser un bel écart avec le peloton emmené par des UAE bien moins à l’aise dans le contrôle d’échappées que les Ineos ou Jumbo Visma dans le passé. L’écart allait culminer jusqu’à 7’30.

Mark Cavendish, qu’on ne s’attendait pas à voir dans ce coup, récoltait le maximum de points au sprint intermédiaire et réalisait une affaire en or dans l’optique du maillot vert.

Dans la côte de Château-Chinon, Matej Mohoric partait à l’offensive en compagnie de Brent Van Moer qui avait déjà bien animé l’étape de mardi. Ils allaient être rejoints une dizaine de kilomètres plus loin par le duo belge Stuyven-Campenaerts. Le dernier cité n’allait cependant pas pouvoir suivre le nouveau quatuor formé en lâchant prise dans une côte de la Croix de la Libération que Mohoric passait en tête, emmagisant le maximum de points pour déposséder virtuellementIde Schelling de son maillot à pois. Derrière le champion de Slovénie, Nibali, Konrad et Bennamour tentaient bien de partir en contre mais le groupe ne perdait que quelques éléments comme Mark Cavendish plus vraiment dans son élément de prédilection.

Stuyven et Van Aert auront animé l'étape et terminent respectivement à la deuxième et à la huitième place.
Stuyven et Van Aert auront animé l’étape et terminent respectivement à la deuxième et à la huitième place.© iStock

LE NUMÉRO DE MOHORIC

Le Signal d’Uchon avec ses deux derniers kilomètres à 11% de moyenne allait constituer le moment décisif de l’étape. Les 3 fuyards ne comptent plus qu’1’30 d’avance au pied. Dans les pourcentages les plus importants, Mohoric fait le ménage et s’isole en tête en prenant de nouveaux points pour le maillot à pois. Derrière, Jasper Stuyven limite les dégâts avec seulement 20 secondes de retard. Patrick Konrad, qui est sorti en contre, passe troisième à 1 minute avec 20 secondes d’avance sur un groupe de poursuivants fameusement aminci sous la conduite d’un impressionnant Kasper Asgreen. Seuls van der Poel, Van Aert, Nibali, Asgreen, Cort Nielsen, Bonnamour, Skujins s’accrochaient dans la roue du Danois, alors que Simon Yates devait décrocher.

ROGLIC EN PERDITION, CARAPAZ À L’ATTAQUE

Alors qu’un Slovène sourit devant, un autre fait la grimace à l’arrière du peloton. Primoz Roglic, le dauphin de Tadej Pogacar en 2020, est irrémédiablement distancé mais surtout isolé. Ce fait de course dope la confiance de Richard Carapaz qui place une violente attaque à laquelle ne répond Tadej Pogacar. L’étape déjà folle prend encore une nouvelle dimension.

Si Stuyven espérait encore quelque chose au sommet, il doit s’incliner face aux qualités sensationnelles de descendeur de Mohoric qui creuse encore l’écart. Cinq minutes plus loin, Richard Carapaz a des jambes de feu et continue de creuser l’écart sur le peloton.

En difficulté dans la dernière montée, Primoz Roglic dit sans doute adieu au maillot jaune.
En difficulté dans la dernière montée, Primoz Roglic dit sans doute adieu au maillot jaune.© iStock

LE BAROUD D’HONNEUR DE VAN AERT ET VAN DER POEL

Au sommet de la côte de la Gourloye, Mohoric garde une grosse minute d’avance sur Stuyven et 1’30 sur un groupe comprenant notamment Asgreen et Konrad. Derrière eux, Wout Van Aert tentait un baroud d’honneur, accompagné de son ombre Mathieu van der Poel. Carapaz continuait son solo et passait à son tour au sommet avec 5 minutes de retard mais 30 secondes d’avance sur ce qu’il restait du peloton Pogacar.

Matej Mohoric ne craquait pas dans la dernière petite montée et s’imposait méritoirement dans cette étape dantesque. Âgé de seulement 26 ans, celui qui fut champion du monde espoirs à Valkenburg la même année que Philippe Gilbert chez les « grands », s’impose pour la première fois sur la Grande Boucle et rentre déjà dans le club restreint des coureurs à avoir levé les bras sur les trois grands tours.

VAN AERT EN JAUNE DEMAIN ?

Jasper Stuyven termine finalement à la seconde place 1’20. Le podium est complété par Magnus Cort Nielsen qui devançait dans le sprint des poursuivants van der Poel et Asgreen. Wout Van Aert terminait huitième dans le même temps. En revanche, Richard Carapaz ne reprendra finalement rien au terme de son coup de panache. L’Equatorien est devancé juste devant la ligne par le groupe Pogacar. En espérant que les efforts consentis ne lui coûtent pas trop de forces demain pour la première étape de montagne dans les Alpes.

Mathieu van der Poel abordera cette dernière en jaune avec 30 secondes d’avance sur Van Aert, désormais premier dauphin. Que se passera-t-il d’ailleurs avec le champion de Belgique, désormais propulsé leader de la formation Jumbo ? L’homme d’Herentals a montré l’année dernière et sur Tirreno-Adriatico qu’il pouvait réaliser de belles choses quand la route s’élève. Avec 3’13 » d’avance sur Tadej Pogacar, tous les espoirs de jaune sont permis. Mais a-t-il vraiment les mêmes jambes qu’au mois de septembre ? Aura-t-il récupéré des efforts consentis aujourd’hui ? Réponse dans 24 heures, en espérant les mêmes émotions que ce vendredi.

Et encore une peluche de lion bien méritée pour Mathieu van der Poel
Et encore une peluche de lion bien méritée pour Mathieu van der Poel© iStock

LE PODIUM 2020 FAIT GRISE MINE

En perdant quasiment 4 minutes aujourd’hui, Primoz Roglic dégringole à la 33e place et accuse désormais 5’28 de retard sur son jeune compatriote. L’équipe Jumbo aura encore le temps de se poser la question de l’équilibre dans la préparation de son champion. Trop actif en 2020, Roglic est arrivé sur le Tour en n’ayant plus couru la moindre course depuis 61 jours. Un choix inédit dans l’histoire et qui ne semble pas payant, même s’il est difficile de savoir quel niveau le deuxième de l’an dernier aurait eu sans sa chute dans la 3e étape. Le podium 2020 fait donc désormais bien grise mine puisque Richie Porte, troisième l’an dernier, est déjà à 3’50 de Pogacar en raison d’une chute lors de l’étape inaugural.

Ce Tour 2021 déjà riche en émotions ne cesse de nous surprendre et nous promet encore de belles passes d’armes dans les prochains jours.

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