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Tour 2013: Froome est-il surnaturel ?

Sur les pentes du Mont Ventoux, Christopher Froome a livré une démonstration saisissante. Dopage ? Au lendemain de son exploit, les observateurs avertis veulent croire en la performance du maillot jaune malgré un doute légitime.

Christopher Froome vient de franchir, en vainqueur, la ligne d’arrivée au sommet du mont Ventoux et s’en va s’écrouler dans les balustrades. A bout de souffle, le maillot jaune du Tour de France 2013 se fait porter une bombonne d’oxygène pour l’aider à respirer. « Je n’avais jamais pris d’oxygène après une course », rapporte ensuite le vainqueur du jour. Ainsi biberonné, Froome affiche un visage humain au sortir d’une démonstration sans précédent sur les pentes du Géant de Provence.

Les fesses calées sur sa selle, le « Kenyan Blanc » s’est envolé à 7 kilomètres de l’arrivée dimanche. Tournant les jambes avec une vélocité « incroyable », selon l’ancien coureur Luc Leblanc, il a décramponné Alberto Contador avec une facilité déconcertante, avant de fondre sur le Colombien Nairo Quintana et de le déposer dans le final.

« On est dans un climat de suspicion »

La démonstration est visuellement impressionnante. Si une partie du public a sifflé Froome, les observateurs ont refusé de céder à la tentation du dopage. « Il toussait pas mal. C’est le signe d’efforts très violents », tente d’éclairer Leblanc au micro de RMC. « On est dans un climat de suspicion », accepte Bernard Thévenet, tout en s’insugeant contre les doutes émis à l’égard du maillot jaune. « Quand quelque chose sort un peu de l’ordinaire, tout le monde se pose des questions. Je ne vois pas pourquoi on se pose des questions », commente le vainqueur du Tour de France en 1975 et 1977.

Quintuple lauréat de la Grande Boucle, Bernard Hinault ne donne pas tord à son compatriote et s’étonne de la tactique déployée par les adversaires de Froome. « Un champion, un Maillot jaune, on le laisse se débrouiller, se défendre. Au lieu de quoi, ils l’ont tranquillement amené au pied du Mont Ventoux, pour se faire taper dessus », estime-t-il dans Le Figaro.

Froome comme Hinault ?

Si le démarrage et l’effort fourni par Froome ont impressionné, il en demeure que ce qu’il a réalisé est crédible. A en croire les observations de l’entraîneur de la FDJ.fr Frédéric Grappe, il faudrait une « VO2max » (le volume d’oxygène maximum, exprimé en ml/min/kg, qu’un organisme peut consommer lors d’un exercice physique, ndlr) de 90 pour parvenir au résultat du Britannique. Or ce chiffre n’a rien d’inhumain.

« La valeur de 90 est symbolique car elle représente une limite très rarement atteinte chez les cyclistes de haut niveau (la moyenne est de 80, ndlr). Il n’y a que quelques athlètes d’exception qui ont un jour possédé une telle valeur de VO2max. Mon analyse suggère que Froome peut très bien posséder une VO2max exceptionnelle », avance Grappe sur son site internet, prenant notamment l’exemple de Bernard Hinault, dont les capacités pulmonaires étaient de cet ordre.

Le docteur en biomécanique appuie son plaidoyer sur la base de données récoltées depuis deux ans. « Les performances réalisées dans Ax 3 Domaines (8e étape, ndlr) et dans le Ventoux pouvaient être attendues. Elles sont en parfaite cohérence avec son PPR (Profil Puissance Record) établi depuis la Vuelta 2011 », explique-t-il. Mais Grappe ne se veut pas défenseur de Froome et assure également que ce dernier a pu tricher. « On peut aussi suggérer que Froome a pu booster sa VO2max artificiellement tout en restant dans les limites qu’impose la physiologie de l’effort », complète-t-il.

« Ridicule »

Alors que Frédéric Grappe se garde de toutes prises de positions, d’autres ne s’embarrassent pas des réserves d’usage, à l’image de Sébastien Heulot. « Devant, Froome a mis un énorme coup de marteau en dégageant une impression de déjà-vu. Ridicule. Je n’ai même pas envie d’épiloguer. C’est dommage… Il y a pourtant eu une vraie prise de conscience du peloton. Pour le reste… », regrette le manager de l’équipe Sojasun. « Il n’y a même pas eu d’intelligence en termes de comportement. Il parle au téléphone dans la montée. Certains disaient qu’il allait bientôt se mettre à chanter. Quand on connaît la difficulté de boire un coup dans le Ventoux… », s’indigne-t-il.

Des doutes, Rodrigo Beenkens en conserve également. En direct sur la RTBF, le commentateur a lâché « Lance sort de ce corps » en parlant de Froome. Une comparaison qu’il a assumé dans le quotidien Sud info. « Inévitablement, sa domination installe un doute, légitime, dans les esprits. (…) C’est particulier la façon avec laquelle il lâche Contador en plein virage. Assis! Plus loin, il remet le couvert contre un pur grimpeur, Quintana. (…) Dès qu’un coureur domine les autres, le passé nous invite à devenir dubitatif. Ce qui ne veut pas dire que le coureur en question soit coupable. »

« J’espère qu’il n’est pas dopé. Je n’aime pas me poser des questions comme ça et j’ai envie d’y croire. On peut faire des exploits spectaculaires sans se doper », souhaite quand même croire Greg Lemond, triple vainqueur du Tour de France (1986, 1989, 1990) et grand détracteur de Lance Armstrong. En attendant que la lumière soit faite sur cet exploit retentissant, Froome a tenté de couper court aux polémiques. En conférence de presse, ce lundi, il a assuré qu’il « ne triche pas ».

Christopher Buet

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