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Poulidor, l’éternel premier dans les coeurs

C’est le perdant magnifique, mais au beau palmarès, et surtout un héros extrêmement « poupoulaire » que la presse saluait jeudi, au lendemain de la disparition à 83 ans du cycliste Raymond Poulidor.

« Poupou », peut-on simplement lire en gros sur la Une en noir et blanc de L’Equipe, avec un portrait du jeune Poulidor vu de trois quarts, l’oeil ténébreux. S’étale sur la deuxième page « Il était la poupoularité », avec une photo cette fois de Poulidor en 2009, chemise jaune et sourire goguenard.

Eternel second et héros populaire, difficile d’y échapper. Justement, « l’échappée finale », titre Libération en Une, avec une photo du Limousin exténué, le visage levé et les yeux fermés, à l’arrivée d’une étape du Tour de France 1976. Ouest-France et le Républicain Lorrain utilisent également la métaphore de l’échappée.

« Eternel second », le « Poupou » national ? Il comptait plus de victoires de compétitions que de deuxièmes places. Mais s’il n’a jamais remporté la Grande Boucle, il restera pourtant « à jamais le premier », comme le titre l’éditorial des Dernières Nouvelles d’Alsace. Avec lui disparaît une époque « où gagner pouvait passer pour une ambition assez vulgaire. Perdre était humain, voilà tout », y écrit Pascal Coquis. « A jamais premier dans le coeur des Français », explicite le Figaro à la Une.

« Le Johnny de la petite reine »

« Les Français admiraient Jacques Anquetil (vainqueur de cinq Tours de France) qui survolait avec aisance le peloton mais c’était ‘Poupou’ qu’ils aimaient. Pas parce qu’il était un perdant, comme on l’a souvent dit méchamment. Non, parce qu’il était un ‘bon’ perdant qui gardait toujours le sourire », embraye Franz-Olivier Giesbert pour La Provence.

L’Equipe consacre d’ailleurs un long article à « l’éternel premier » derrière une double page de photos légendées au « perdant magnifique ».

Perdant, vainqueur, la question traverse la France, par exemple du nord-est au sud-ouest. « Si le palmarès de ‘Poupou’ témoigne de l’immense sportif qu’il fut, ses deuxièmes places ont façonné une stature à part. Ce sont, en effet, les défaites qui révèlent que derrière des sportifs, se cachent de grands hommes », observe Laurent Bodin dans L’Alsace.

« Un loser, Poulidor ? Quelle blague ! Combien de sportifs illustres pourraient jalouser une telle carrière, fleurie des bouquets superbes que sont l’amour du public, l’estime des coéquipiers, la fidélité à un seul maillot. Tout cela ne valait-il pas la tunique jaune et son nom parmi les vainqueurs du Tour de France ? », répond Christophe Lucet dans Sud-Ouest.

Eh oui, trouvaille de Benoît Gaudibert dans l’Est Républicain, « Poupou », c’était « le Johnny de la petite reine » ! Tous les quotidiens insistent naturellement sur cette forte dimension populaire (« Un héros populaire » en Une du Télégramme, « Populaire Poulidor » en titre d’édito de l’Est Républicain » ou encore « La classe populaire » dans les pages intérieures de Libération).

« Plutôt Gilet jaune » ?

Popularité, peuple… et politique: « ‘Poupou’, plutôt Gilet jaune que maillot jaune? », hasarde François Wojtalik dans le Courrier Picard, sous le titre « Deuxième de cordée », clin d’oeil évidemment aux « premiers de cordée » mentionnés par Emmanuel Macron.

Car populaire, « Poupou » l’était aussi car le peuple s’identifiait à lui, dans la France d’antan. « C’est qu’à travers ses échappées, le Limousin personnifie cette France d’alors, plus rurale qu’urbaine, férue de ces héros frottés à la rugosité du terroir que serpentent des routes à peine asphaltées », note Xavier Brouet dans l’édito du Républicain Lorrain.

Il fait partie du « patrimoine immatériel de la France, tant il a symbolisé la France des régions, celle qui ne dépense pas plus qu’elle ne gagne, celle qui ne frime pas », juge Jean Levallois, dans La Presse de la Manche. Et puis, rappelle Denis Daumin dans La Nouvelle République, Poulidor est allé jusqu’à s’inscrire dans le vocabulaire de la langue française, « devenu nom commun de son vivant, signant ainsi une indépassable postérité ».

Franchissons la ligne d’arrivée derrière Stéphane Siret et son édito dans Paris-Normandie, le quotidien de la région d’Anquetil: « Il laisse un peu orphelins les amateurs de vélo. Il nous reste son énigmatique théorème éponyme: ‘Plus tu pédales moins vite, moins t’avances davantage !' »

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