Philippe Gilbert: « Ce serait con d’arrêter sans rien laisser »

Philippe Gilbert n’a pas eu droit à Milan – Sanremo à cause du coronavirus, et il n’a pas pu se consoler sur le Tour des Flandres, qui devait avoir lieu dimanche dernier. Alors qu’il entame la dernière étape de sa carrière avec Lotto, le Remoucastrien nous a reçu chez lui, à Monaco.

Philippe Gilbert à propos de…

… la trace qu’il veut laisser : « Si un mec au palmarès chargé avait débarqué dans mon équipe quand j’étais jeune, je n’aurais pas osé aller le voir. J’ai de l’expérience, je peux la partager avec les jeunes de mon équipe. C’est le but, de partager : ce serait un peu con d’arrêter sans rien laisser. J’ai toujours regretté qu’à la Française des Jeux (son équipe de 2002 à 2008, ndlr), beaucoup d’anciens de l’époque n’aient pas partagé leur expérience. Ils nous laissaient plutôt aller à la faute avant d’éventuellement corriger, ce qui est dommage. Je pense plutôt qu’il faut leur donner les lignes et leur reparler si malgré tout ils partent à la faute. Fin février, j’ai lu une interview de Boonen et ?tybar dans laquelle ce dernier disait clairement :  » Je n’ai jamais rien appris de Boonen, avec qui j’ai couru cinq ans, au contraire de Gilbert, de qui j’ai beaucoup appris en trois ans.  » Même si aujourd’hui je cours contre lui et qu’il va peut-être utiliser certains de mes trucs contre moi, ça me fait plaisir de savoir que ?tybar n’a pas oublié. »

… la jeune garde : « Ce qui permet à des coureurs comme Evenepoel, Bernal ou Pogacar de performer de plus en plus jeunes, c’est la technologie. Tous ces jeunes-là sont plongés dedans dès l’âge de quinze ans. C’est encore plus extrême pour Remco. À onze ans, il s’est un jour levé et a décidé de partir au centre de formation du PSV Eindhoven pour faire du foot du début à la fin de la journée. Moi à onze ans, je jouais dans le village avec mes amis, sans rien de structuré. C’est clair que les jeunes prennent beaucoup d’avance, même ceux qui viennent de pays moins développés au niveau du cyclisme, qui peuvent partir au centre de formation UCI à Aigle (en Suisse, ndlr) où ils vivent comme des pros dès quinze, seize ans. Après, on verra dans la durée. Moi, j’ai découvert le monde pro sur le tard et au fur et à mesure, ce qui m’a permis de garder une certaine motivation pour rester dans le parcours. Si j’avais été prêt dès le premier jour, je ne sais pas si je serais toujours coureur aujourd’hui. »

… de sa déception au dernier Mondial : « Avec l’histoire de la non-sélection au Tour de France, il a fallu que je casse ma forme du moment et que je la décale pour être prêt à un autre moment, comme un étudiant prêt à passer ses examens en juin et qui doit finalement le faire en août. Le jour du Mondial, j’avais bossé deux fois et même si je n’aime pas dire que j’avais les jambes pour gagner, j’avais les jambes pour faire un bon résultat. La deuxième raison de ma déception, c’est que l’abandon n’est pas dû à moi, mais à un problème mécanique… Quand on connaît la valeur d’un titre mondial, c’est dur à accepter. Au fond de moi, il y a toujours une grosse déception vis-à-vis de Verbrugghe et de son staff parce qu’ils ne m’ont jamais fourni d’explications ni d’excuses. Il y a eu une erreur : le mécanicien n’a pas resserré correctement l’axe de ma roue, l’axe est donc sorti et j’ai perdu ma roue avant. C’est arrivé dans une montée, mais si ça s’était passé dans une descente, je ne sais pas si je serais en train de raconter cette histoire. »

Par Emilien Hofman

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