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La descente aux enfers de Jan Ullrich

Jan Ullrich a toujours été instable. Mais aujourd’hui, l’ancien vainqueur du Tour de France est carrément tombé de son piédestal.

À la base, il y a eu une dispute avec son voisin, l’acteur et réalisateur allemand Til Schweiger, à Majorque. Jan Ullrich l’a attaqué, lui et ses invités, et a passé une nuit en prison. Revenu en Allemagne, il a agressé une prostituée dans un hôtel de luxe à Francfort. Il a de nouveau été arrêté par la police. Ullrich, qui a reconnu en 2013 avoir eu recours au dopage durant sa carrière, a atterri dans un asile psychiatrique. L’histoire du héros déchu a fait les choux gras de la presse allemande.

Mais comment en est-on arrivé là ? Jan Ullrich a toujours eu deux visages. Il pouvait se montrer très amical et cela l’a rendu populaire. Mais il pouvait réagir de façon colérique, lorsque les portes du bus de son équipe étaient fermées ou que quelque chose ne lui plaisait pas. Ullrich ne supportait pas la critique.

Ceux qui aimaient le naïf Jan Ullrich étaient surtout des gens qui le caressaient dans le sens du poil et lui donnaient une tape amicale sur l’épaule. Qui essayaient de l’exploiter, tournaient autour de lui et tentaient de gagner de l’argent sur son dos. Et, jusqu’à aujourd’hui, ils étaient nombreux. Désormais, affirme son voisin Til Schweiger, Ullrich n’a plus d’amis, mais seulement des gens qui cherchent systématiquement à le plumer.

Mais combien d’argent Ullrich possède-t-il encore ? C’est une question que beaucoup de gens se posent. Et, étonnamment, ses poches seraient loin d’être vides. À moins que ? Ullrich aurait déclaré à son voisin que ses enfants seraient à l’abri financièrement, que lui-même n’aurait pas l’intention de vivre vieux mais que son argent tomberait à point nommé.

Tout ou rien

Ganz oder gar nicht (Tout ou rien) , tel est le titre du livre publié en 2004 et dans lequel Jan Ullrich raconte son histoire. Pas besoin de lire l’ouvrage pour déceler, dans le titre, le style de vie de l’ancien Allemand de l’Est. Un peu, cela n’a jamais été suffisant pour lui. Ullrich cherchait à attirer l’attention, il voulait que les gens l’idolâtrent. Si la quête de reconnaissance disparaissait, les difficultés apparaissaient.

Jan Ullrich a vécu en surrégime durant sa carrière. Ses hivers excentriques étaient légendaires. Chacun se demandait dans quel état physique on le retrouverait. Il recommençait chaque préparation en surpoids. Il ne construisait pas ses entraînements, il les attaquait sans sourciller. Comme il ne mettait pas de freins lorsqu’il mangeait ou buvait.

Bild-Zeitung a couvert les arrestations de Jan Ullrich avec des photos éloquentes : Ullrich les menottes aux poings, Ullrich torse nu, avec une serviette sur la tête. Qu’il soit au sommet ou dans un trou profond, cela ne fait aucune différence pour la presse à sensation. Ullrich a réagi comme on le connaît : après ses débordements à Majorque, il a posé avec le reporter de Bild. Il livre toujours ses récits en exclusivité, comme autrefois. Ullrich n’a pas retenu la leçon de ces dernières années.

Jan Ullrich est issu d’une famille très simple. Son père abusait de la boisson. Il a quitté sa famille lorsque Jan avait dix ans. Ullrich a fui la triste réalité grâce au sport cycliste. Son ascension s’est produite à une époque où tout, ou presque, étaient permis dans le cyclisme. On fermait les yeux sur tout.

Pour Ullrich, la culture du dopage a viré au drame. Il était à la fois coupable et victime. Beaucoup pensent que, dans un sport vierge de tout dopage, il aurait dominé le peloton durant de longues années. Lorsque ses anciens équipiers Erik Zabel et Rolf Aldag ont reconnu avoir eu recours du dopage, Ullrich était toujours considéré comme un chevalier blanc.

Mais les choses allaient changer par la suite. Pourtant, lorsqu’il a reconnu avoir eu lui aussi recours au dopage en 2006, il ne s’est jamais estimé coupable. À plusieurs reprises, il a affirmé n’avoir trompé personne.

Persona non grata

En 2002, Jan Ullrich a déménagé en Suisse. En Allemagne, il était devenu persona non grata. Plus tard, il a troqué sa villa en Suisse contre une résidence à Majorque. Ullrich, prétend un intime, avait une assurance-vie : pour Sara qui lui a donné trois enfants. Une femme forte qui a tenté de garder la famille unie alors que le navire était en train de couler.

Des rumeurs prétendaient déjà qu’Ullrich avait un problème d’alcoolisme et prenait le départ de certaines courses avec de l’alcool dans le sang, mais elles sont restées à l’état de rumeurs. Jan Ullrich vivait dans sa propre bulle. Il avait une explication, une excuse pour tout. C’est toujours le cas aujourd’hui.

Ullrich affirme que ses problèmes sont liés au fait que sa femme et ses enfants l’ont quitté. Mais jamais il n’est arrivé à la conclusion qu’elle est partie parce que la situation était devenue invivable pour elle et les enfants. Un proche de la famille déclare que cela fait mal de voir à quel point Ullrich est tombé bien bas. Mais aussi que c’est étonnant que tout la famille soit restée unie aussi longtemps.

Til Schweiger, le voisin, a encore déclaré avant qu’Ullrich ne soit admis dans un asile psychiatrique, que la seule chose qui pourrait le sauver serait qu’il s’effondre mais ne meure pas. Et qu’il se fasse soigner et aider. Mais une épée de Damoclès pend au-dessus de la tête d’Ullrich : chacun a encore en mémoire l’image de Marco Pantani, retrouvé mort dans une chambre d’hôtel en 2004, à Rimini. On avait retrouvé des dizaines de produits anti-dépressifs et, dans son sang, une trop grande dose de cocaïne.

Il y a deux semaines, l’avocat d’Ullrich a déclaré qu’il avait déjà réservé une thérapie pour son client depuis longtemps. La question, à l’époque, était de savoir s’il l’accepterait. Et Jan Kalbitzer, un psychiatre de Berlin, a affirmé que la société et la presse portaient une part de responsabilités dans certaines choses. Pour un héros déchu, affirme-t-il, c’est difficile de retrouver une vie normale.

Il n’y a pas que ses fautes et celles de ses conseillers qui ont précipité Ullrich dans sa chute, il y a aussi la manière dont il a été traité dans les moments difficiles. Jan Ullrich a, entre-temps, quitté l’asile psychiatrique. Il suit une cure de désintoxication dans une clinique spécialisée.

Par Michael Eder

Pas de reconnaissance de culpabilité

Jan Ullrich sera poursuivi pour tentative de meurtre après avoir frappé une escort-girl dans un hôtel de luxe à Francfort. Mais, comme cela a toujours été le cas dans sa vie, il refuse de s’avouer coupable. Ullrich, a-t-il déclaré au Bild, aurait simplement poussé la prostituée lorsqu’elle a voulu rentrer à la maison avant les trois heures prévues. Il réfute catégoriquement l’accusation du ministère public, selon laquelle il aurait voulu l’étrangler.

C’est le drame de la vie de l’ancien vainqueur du Tour de France : pour tout ce qui arrive, il rejette la faute sur les autres. Cela peut aller très loin. Si Ullrich voit à la télévision quelqu’un qui lui donne l’impression de lui en vouloir, il serait capable de détruire le téléviseur avec une arme.

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