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« Il va encore y avoir des accidents graves cette saison »

Les discussions sont nombreuses suite au grave accident de Fabio Jakobsen au Tour de Pologne. Quelles en seront les conséquences ? Trois questions à notre spécialiste cyclisme, Jonas Creteur.

Quelles doivent être les sanctions envers Dylan Groenewegen ?

Jonas Creteur: Une suspension jusqu’au moins la fin de la saison. Ce serait un signal que l’UCI ne tolère plus ce genre de manoeuvres inadmissibles et dangereuses.

À l’avenir également, il faudra sanctionner de manière cohérente et sévère de tels cas. Ce n’est qu’à cette condition qu’on découragera les coureurs de sortir les coudes, de couper la route de leurs collègues trop brusquement et de trop s’écarter de leur ligne. Même s’ils le font parfois instinctivement, dans le feu de l’action.

Le fait que l’UCI ait communiqué très rapidement et qualifié le comportement de Groenewegen d’inacceptable est un bon signe à cet égard. Mais il n’a pas été question de nouvelles règles de sécurité.

Qualifier le Néerlandais de criminel comme l’a fait Patrick Lefevere est toutefois aller trop loin. Même si l’on comprend son émotion.

La sanction de l’UCI, et éventuellement du tribunal correctionnel, et surtout le fait que son compatriote ne reprendra peut-être jamais la course en raison de sa manoeuvre, seront déjà des punitions assez lourdes pour Dylan Groenewegen. Cela ressort également du tweet qu’il a envoyé cet après-midi. Le Néerlandais ne s’est toutefois pas littéralement excusé ni avoué sa culpabilité, probablement en vue du combat juridique à venir.

La réputation de Groenewegen est ternie pour le reste de sa carrière, peu importe le nombre de victoires qu’il signera encore. Bien que ce soit très relatif par rapportà l’état physique de Jakobsen.

Dans quelle mesure l’organisation et l’UCI sont-elles responsables?

Creteur: Sans la manoeuvre de Groenewegen, Jakobsen ne serait pas tombé, c’est clair. Mais les circonstances et le parcours ont rendu les conséquences de la chute bien plus graves.

D’abord et avant tout le dernier kilomètre, tout droit en descente : deux à trois pour cent jusqu’à environ 200 mètres de l’arrivée. Cela a permis aux sprinteurs d’atteindre une vitesse d’environ 80 km/h sur la ligne d’arrivée et cela a augmenté les risques par rapport à un sprint normal.

Certains coureurs avaient déjà signalé ce danger à l’avance. La même arrivée à Katowice a également marqué la fin d’une étape du Tour de Pologne ces dernières années. Tour où Bjorg Lambrecht est décédé l’année dernière, même si c’était de la pure malchance et que cela n’avait pas grand-chose à voir avec le parcours.

Les commissaires UCU sont co-responsables et doivent aussi être sanctionnés.

Les commissaires UCI qui devaient vérifier la sécurité des arrivées laissent désormais ça aux organisateurs et sont donc co-responsables. Ils doivent aussi être sanctionnés. Les équipes sont sévèrement contrôlées, mais ça ne vaut pas pour les organisateurs. Les exemples d’arrivée dangereuses qui n’ont heureusement pas amené de telles chutes sont légions.

On se demande aussi pourquoi l’UCI n’a toujours pas imposé des clôtures rembourrées dans les dernières centaines de mètres ou dans des endroits critiques. Ils peuvent absorber l’impact d’une chute.

Va-t-il encore y avoir de telles chutes dans les prochaines courses ?

Creteur: Malheureusement, oui. Juste avant le début de la saison, un coureur du WorldTour m’a dit qu’il y aurait des chutes massives. « Tout le monde est soumis à une pression énorme et prend encore plus de risques. De nombreux coureurs doivent encore signer un contrat pour l’année prochaine et les sponsors exigent le retour publicitaire qu’ils ont manqué ».

Ses paroles semblent malheureusement être prophétiques : à la Route d’Occitanie, à Milan-Turin (où Yves Lampaert s’est cassé la clavicule) et donc au Tour de Pologne. Et le Tour de France qui est déjà nerveux en temps normal n’a pas encore commencé. Je crains que l’accident de Jakobsen ne soit déjà oublié à ce moment-là et que les coureurs ne prennent des risques inconsidérés. Avec, espérons-le, des conséquences moins graves.

Les coureurs pourraient refuser de prendre le départ si un parcours est trop dangereux.

Les coureurs devraient également prendre leurs responsabilités dans ce domaine. Et ils devraient parler d’une voix plus unifiée. Le syndicat cycliste CPA fonctionne à peine.

Les coureurs devraient donc, même en dehors du CPA, prendre l’initiative. Par exemple, en refusant de prendre le départ si le parcours est trop dangereux. Mais en ces temps de pandémie, où chaque course compte, ils ne franchiront pas cette étape de sitôt.

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