Egan Bernal, le grimpeur atypique ouvre le palmarès de la Colombie

Contrairement à la plupart de ses compatriotes, Egan Bernal ne s’est pas formé dans les sommets des Andes mais a affronté d’abord des sentiers de forêt escarpés. Le probable premier vainqueur colombien de l’histoire du Tour de France a éclos sur un VTT.

Né à Bogota dans une famille modeste, d’un père vigile et d’une mère ouvrière dans une plantation de fleurs, Bernal a grandi à Zipaquira, localité minière et agricole de 126.000 habitants, à 42 km de la capitale.

C’est là qu’il apprend à déjouer les pièges des chemins cahoteux parcourus chaque matin, souvent dans le brouillard. Dès l’âge de 8 ans et jusqu’à ses 16 ans, le garçon s’entraîne sous la houlette de Fabio Rodriguez qui s’est distingué à deux reprises sur la Vuelta, au début des années 1990.

Six ans après, Rodriguez distingue encore sa marque chez le jeune champion. « Je l’ai vu déraper dans le contre-la-montre du Tour de Suisse (cette année). Un cycliste normal, un routier, serait tombé, mais là, il a démontré la technique apprise à VTT », explique-t-il fièrement à l’AFP.

– Un grimpeur et un rapide –

Egan Bernal reste le poulain le plus exceptionnel de Rodriguez: un jeune menu et timide qui a débuté comme routier il y a à peine quatre saisons, mais qui a vite remonté le peloton.

En 2017, il remporte le Tour de l’Avenir, en 2018 le Tour de Californie, avant d’impressionner, déjà, pour sa première participation au Tour de France l’an dernier.

Sa victoire lors du dernier Tour de Suisse confirme son statut de favori de la Grande Boucle, en l’absence de Chris Froome, son habituel leader chez Ineos.

En toute logique, il est désigné co-leader des ex-Sky avec le Gallois Geraint Thomas, tenant du titre. A 22 ans, il est ainsi appelé à suivre les traces de Thomas, Froome ou Wiggins, les précédents leaders de la formation britannique.

Les progrès du grimpeur dans les épreuves contre-la-montre lui ouvrent de nouvelles perspectives, et ne passent pas inaperçus chez les Colombiens, traditionnellement faibles dans cette épreuve.

« Il est l’un des meilleurs grimpeurs de la planète et en outre, il répond positivement au chrono », souligne Mauricio Silva, auteur de « La légende des scarabées », livre consacré aux exploits européens des cyclistes colombiens, en vue depuis les années 80.

– Une course après l’autre –

Les « scarabées » se sont distingués dans la Vuelta (Lucho Herrera vainqueur en 1987, Quintana en 2016) et le Giro (victoires de Quintana en 2014 et Carapaz en 2019), mais ils n’y étaient jamais, jusqu’à aujourd’hui, parvenus dans l’épreuve reine de la saison, le Tour de France.

Aujourd’hui, dans le groupe de jeunes de Fabio Rodriguez, pédale Ronald, 14 ans, frère unique du champion.

Le rugissement d’une tronçonneuse interrompt l’entraîneur: des jeunes coupent un arbre immense, avant de le porter sur leurs épaules jusqu’à un camion. Nombre d’habitants de Zipaquira gagnent ainsi leur vie.

« C’est pour ça que je dis sans cesse aux gamins qu’il vaut mieux se lever tôt et s’entraîner au vélo », lâche Rodriguez.

Le succès d’Egan Bernal fait des émules. « Il y a toujours plus de parents qui veulent que leurs enfants s’entraînent », affirme celui qui, jusqu’ici, était le seul cycliste international issu de Zipaquira.

En dépit de ses engagements à l’étranger, Bernal reste très attaché à sa terre: il habite près de ses parents, prépare ses courses dans les montagnes voisines et roule avec son petit frère.

Au début, « il m’en faisait baver, mais avec le temps je suis tombé amoureux du vélo », assure Ronald.

Pour Rodriguez, il n’y a aucun doute: d’ici quelques années, les journalistes reviendront à Zipaquira pour un autre Bernal.

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