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Beheyt – Van Looy : Quand le Mondial divisait le pays

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

L’histoire des Championnats du monde de cyclisme regorge d’incidents. Mais peu d’éditions ont causé autant d’agitation que la bataille pour le maillot arc-en-ciel de 1963, à Renaix.

Renaix déjà. Le même Renaix où Claude Criquielion, en 1988, a été poussé dans les barrières par Steve Bauer. Un geste qui, à l’époque, révolta la Belgique passionnée de cyclisme.

Mais en 1963, la finale du Mondial a provoqué une émotion complètement différente. Rik Van Looy, la star de l’époque, avait demandé à son équipier au sein de l’équipe belge, Benoni Beheyt, de l’emmener au sprint. Ce dernier, prétextant des crampes, refusa, avant de le devancer sur la ligne. Le film de ces Championnats du monde s’est joué d’innombrables fois dans la tête de Van Looy : comment le Britannique Tom Simpson s’est échappé dans le dernier tour et comment Gilbert Desmet, son coéquipier chez Groene Leeuw, a comblé l’écart. Puis comment Beheyt s’est glissé dans sa roue, avant de le déborder en vue de la ligne, devant même le repousser de la main droite pour éviter de tomber, tant Van Looy déviait de sa ligne.

Un résultat qui a provoqué des remous et des discussions animées durant des semaines. On reprochait à Beheyt de n’avoir pas respecté les accords de l’équipe belge. Van Looy avait promis de donner 50 000 francs (1 250 euros) à chaque coureur s’il gagnait, mais rien si cela ne se produisait pas. C’est pourquoi Benoni Beheyt et Gilbert Desmet ont décidé de rouler pour eux-mêmes. Quand Van Looy a demandé à Beheyt de l’emmener au sprint, il a donc répondu qu’il avait des crampes. Depuis lors, ce Mondial est connu comme « La trahison de Renaix ». La photo du podium a fait le tour du monde : Beheyt, maillot arc-en-ciel sur le dos paraît embarrassé, tandis que Van Looy arbore une mine féroce. Une grande partie du public s’est rangée du côté du très populaire Rik Van Looy, tandis que le champion du monde était hué sur son passage.

On a dit que Van Looy avait par la suite brisé la carrière de Benoni Beheyt, demandant à ses coéquipiers de ne jamais laisser s’échapper le champion du monde. L’histoire comporte toutefois plusieurs versions. Un autre dit que l’abcès a rapidement été crevé et qu’il s’agissait surtout d’une rivalité artificielle, dans laquelle la presse a joué un rôle majeur. Rik Van Looy aimait en tout cas les polémiques. Il a toujours réfuté avoir roulé par la suite à l’encontre de Beheyt.

Ce qui est certain, c’est que Benoni Beheyt a livré sa meilleure saison en 1964, le maillot arc-en-ciel sur les épaules. Il a terminé deuxième du Tour des Flandres, à quatre minutes de l’Allemand Rudi Altig, puis encore deuxième à Paris-Roubaix, battu au sprint par Peter Post. Beheyt a encore gagné le Tour de Belgique et une étape du Tour de France, mais ce sont là ses derniers faits d’armes. Beheyt est lentement rentré dans le rang, en partie parce qu’il courait trop de criteriums. Il arrêté rapidement sa carrière après avoir repris l’affaire de vente de vélos de son beau-père, à Roulers. Il n’avait alors que 28 ans.

Dimanche, Benoni Beheyt aura 81 ans. Et il ne parle quasiment plus de ce fameux Mondial de 1963.

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