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A Tomorrowland, Wout Van Aert a montré qu’il incarnait toujours le présent et le futur du cyclocross

Le champion de Belgique n’a eu besoin que d’un cross pour mettre tout le monde d’accord et mettre un fameux coup de clim’ à la concurrence (excepté Mathieu van der Poel), même s’il faut rappeler qu’il était sur son terrain de prédilection. En effet, Wout Van Aert aime traîner ses adversaires dans la boue.

Sur une plaine de Tommorowland à l’ambiance forcément un peu moins électronique qu’en été, Wout Van Aert a été ovationné tel un DJ star dès la présentation des coureurs. Si Tom Pidcock, champion oympique du VTT a aussi reçu de chaleureux applaudissements de la part du public flamand massé en plus grand nombre que d’habitude le long du parcours de Boom, l’accueil réservé aux Eli Iserbyt, Toon Aerts ou Lars van der Haar fut presque aussi froid que l’air humide ambiant en ce samedi de décembre. Ces derniers espéraient sans doute prendre leur revanche dans les labourés et profiter de la reconnaissance des spectateurs une fois sur le podium.

L’entraîneur d’Iserbyt avait d’ailleurs dit en avant-propos de la course de ce samedi que si Van Aert ou Pidcock gagnaient pour leur rentrée, la concurrence aurait alors un problème. Il n’imaginait certainement pas la débâcle qu’allait subir son protégé ainsi que tous les rivaux de Wout Van Aert… Déjà privés de cadeau de Saint-Nicolas, les pauvres Aerts, Iserbyt, van der Haar, Vanthourenhout and cie risquent aussi de voir le Père Noël zapper leur cheminée.

LE RETOUR DU ROI DE LA BOUE

Malgré une place en troisième ligne au départ, le citoyen d’Herentals a rapidement su remonter aux avant-postes avant de porter son estocade sur la grosse montée de la journée affichant toute sa puissance, mais aussi tout son sens du pilotage. Alors que ses adversaires restaient sur le pavé gras, le champion de Belgique partait sur la droite sur la partie propre, prenait un maximum de vitesse pour passer en force et sur le vélo le mur boueux qui suivait. Les poursuivants devaient tous mettre pied à terre perdant de précieuses secondes et surtout pas mal d’énergie alors que trou était fait. Le reste, c’était ensuite un récital. Endurant, plus puissant et choisissant (presque) à chaque fois le bon sillon, Van Aert creusait à chaque tour l’écart pendant que ses poursuivants connaissaient de nombreuses chutes (notamment Pidcock bien refroidi après une assez lourde et qui ne finira que 7e).

On a beau être le roi de la boue, on ne reste pas à l'abri d'une petite chute.
On a beau être le roi de la boue, on ne reste pas à l’abri d’une petite chute.© iStock

VAN DER POEL L’AVAIT PREDIT

Adrie van der Poel, le père de qui vous savez, n’avait pas le même avis que l’homme de confiance d’Eli Iserbyt. Habile observateur de la discipline, le beau-fils de Raymond Poulidor voyait bien le champion de Belgique, qu’on annonçait peut-être diminué par un rhume qui l’avait empêché d’aller chercher son Vélo de Cristal en début de semaine, dominer cette manche du Superprestige en raison de la boue grasse sur le parcours et des qualités naturelles de l’éternel rival de son fils. « J’avais dit au père de Toon Aerts la semaine passée que Van Aert gagnerait avec une minute d’avance. Je m’étais trompé, il y en aura deux », disait-il au micro de VTM Nieuws pendant la course.

Deux minutes d’écart, ça aurait été sans doute le cas s’il n’y avait pas eu cette petite gamelle dans l’avant-dernier tour qui a privé un spectateur d’un selfie avec le champion de Belgique envoyant les watts en arrière-plan. WVA coupera finalement la ligne d’arrivée avec 1’40 sur Toon Aerts, histoire de rappeler qu’il avait encore une petite marge de progression (il ne s’estime qu’à 90% de sa meilleure forme) et n’était pas encore infaillible. « Nous avons pu suivre Wout ces dernières semaines car il met toutes ses données sur Strava. Il a fait beaucoup d’entraînement croisé. Il a réalisé une performance de haut niveau aujourd’hui », expliquait Adrie van der Poel, lui-même champion du monde de cyclocross en 1996. « Il faut prendre en compte le parcours du jour. Très difficile avec beaucoup de boue et de longues sections. Quand vous êtes aussi un coureur sur route, vous pouvez exploiter votre très gros moteur dans ces conditions car vous êtes capable de pousser plus de watts. ». Et forcément, un rouleur puissant, spécialiste du chrono et capable de bien passer les bosses comme Van Aert est forcément favorisé par ces conditions dantesques.

L’an dernier, le vice-champion olympique de la course en ligne avait déjà largement dominé Mathieu van der Poel dans ces conditions. Sur ses terres, enfin sa boue d’Herentals, Van Aert dominait le champion du monde de 32 secondes pour remporter son premier bouquet de la saison. Il remettait ensuite le couvert de manière éclatante sur la manche de Coupe du monde à Termonde (course qui figure encore à son programme de 2021-2022) en reléguant VDP à quasiment 3 minutes…, son record d’écart en carrière. Enfin à Overijse, où il s’adjugera le classement de la Coupe du monde, le champion de Belgique mettra encore plus d’une minute dans la vue de son rival préféré.

TOON AERTS CRAINT UN NOEL SANS VICTOIRES

Beaux joueurs, les concurrents de Wout Van Aert reconnaissaient sans pinailler sa supériorité ce samedi. « Ce qu’il a fait aujourd’hui est énorme. », déclarait Eli Iserbyt. « Il a a rapidement dissipé toutes les questions à son sujet. Vous pouvez voir que Wout est à l’aise sur un tel parcours. Pour le suivre, je dois espérer une course un peu plus rapide. », avouait humblement le vainqueur de la manche épique de Besançon en Coupe du monde.

Du côté du champion d’Europe, Lars van der Haar, le ton était le même. « Je n’ai pas pu avancer d’un seul mètre lors du premier tour. Heureusement, j’ai pu remonter pendant le reste de la course. Mais quand je suis arrivé devant, il y en avait déjà un qui s’était envolé… Il n’y avait rien à faire ! ». « Nous devons être honnêtes. Quand vous voyez comment Van Aert s’est isolé, ça pourrait être un Noël sans victoires. Essayons de monter sur le podium avec lui quelques fois. Je l’ai senti arriver après seulement un demi-tour aujourd’hui. Très impressionnant. Je ne m’y attendais pas. », reconnaissait pour sa part Toon Aerts dont le père avait sans doute oublié de lui confier les impressions que lui avait livrées Adrie van der Poel.

Ces dernières semaines, Van Aert a fait beaucoup d'entraînement croisé. Raison pour laquelle, Adrie van der Poel, père de son grand rival, n'était nullement étonné de sa prestation de samedi.
Ces dernières semaines, Van Aert a fait beaucoup d’entraînement croisé. Raison pour laquelle, Adrie van der Poel, père de son grand rival, n’était nullement étonné de sa prestation de samedi.© iStock

UNE PLUS LONGUE PERIODE DE REPOS

Accroc à la compétition, le crossman belge ne se laisse pas souvent de longues périodes de repos entre sa saison sur route et celle dans les labourés. En 2014, 2015 et 2016, il avait levé les bras pour sa reprise après respectivement 28, 7 et 11 jours de coupure. Le résultat de ce samedi est donc une première pour l’Anversois depuis 5 ans, lui qui est resté inactif 2 mois et 1 jours en compétition depuis un Paris-Roubaix pas moins boueux que ce Superprestige de Boom, le résultat en moins.

Van Aert reste aussi rarement plus d’un mois sans compétition. Déjà l’année dernière, il avait attendu 1 mois et 10 jours avant de revenir dans les labourés pour une troisième place pour son cross de reprise à Courtrai. Mais l’entourage du champion de Belgique est conscient que son tout-terrain doit apprendre à mieux cibler ses objectifs. Car à force de briller sur beaucoup de terrains, Wout Van Aert est passé à côté de quelques uns des objectifs les plus importants à ses yeux comme une victoire sur l’un des deux Monuments pavés ou sur les championnats du monde. En 2022, il ne sera pas question de manquer de fraîcheur le jour du Ronde ou de Paris-Roubaix. D’où l’importance et la nécessité d’accorder une période de récupération plus longue avant cet hiver.

UNE DE SES PLUS GROSSES AVANCES, A CHAQUE FOIS DANS LA BOUE

Sur le circuit de Boom, Van Aert a donc devancé Aerts d’1’40. Ce n’est pas le plus gros écart qu’il a creusé avec son poursuivant direct. Le record, on l’évoquait un peu plus haut remonte à la manche de Coupe du monde à Termonde en 2020 où il avait devancé van der Poel de 2’49. Et puis, il y a eu son dernier sacre mondial de Valkenburg en 2018, sur les terres de VDP. A l’époque, WVA avait devancé son compatriote Michael Vanthourenhout de 2’13. Ce jour là, la gadoue avait aussi été l’actrice principale du circuit. Notons qu’avec sa victoire de ce samedi, Van Aert s’est aussi offert son dixième succès en cyclocross avec plus d’une minute d’avance. Mathieu van der Poel n’en est qu’à six.

LE CROSS POUR BRILLER EN AVRIL

Marc Lamberts, le coach de Wout Van Aert prépare son poulain dans les labourés avec l’espoir d’arriver enfin cette année à le faire briller sur les pavés du Nord. Même si comme toujours, un éventuel échec pourrait l’aider à rebondir sur le Tour de France où le maillot vert devrait être une réelle ambition. En attendant, Lamberts s’étonne toujours de voir son protégé parvenir à gérer aussi bien la combinaison du cross et de la route. « Je prends toujours l’exemple de Zdenek Stybar. Il est devenu trois fois champion du monde comme Wout, mais sur le long terme, il a à peine réussi à se classer dans le top 10 des cross en faisant plus de route. Je me demande toujours quand viendra le jour où Wout devra se contenter de ne jouer que le top 10 dans les cross. », explique l’entraîneur de l’Anversois.

« Avec la combinaison, il a plus un poids « léger » de coureur sur route que de crossman », explique-t-il. « Nous espérons qu’il commencera le championnat de Belgique à Middelkerke ( le 9 janvier) dans une excellente condition. Mais chaque séance d’entraînement qu’il effectuera, chaque cross qu’il disputera, tout sera pensé et planifié en fonction des classiques du printemps. Tout comme son premier camp d’entraînement en Espagne, après la manche de Val di Sole. «  (Van Aert ne disputera aucun cross entre le 12 et le 26 décembre), explique Marc Lamberts.

Avant de se tirer la bourre sur les routes du Tour de France en quête du maillot vert, Van Aert et van der Poel devraient nous offrir quelques duels épiques dans les labourés avant de remettre le couvert sur les Monuments du printemps.
Avant de se tirer la bourre sur les routes du Tour de France en quête du maillot vert, Van Aert et van der Poel devraient nous offrir quelques duels épiques dans les labourés avant de remettre le couvert sur les Monuments du printemps.© iStock

En attendant, il faudra sans doute qu’il n’oublie pas de tempérer son éternel compétiteur qui avouait après sa démonstration de Boom qu’il devrait être à 100% pour croiser le fer avec son meilleur ennemi Mathieu van der Poel, qui selon son père, roulerait très peu actuellement afin de retrouver la fraîcheur nécessaire après une année 2021 très chargée. Mais Van Aert sait mieux que quiconque qu’il faut se méfier d’un van der Poel, soi-disant en récupération. Saura-t-il surtout se refuser un petit périple aux Etats-Unis à Fayetteville à la fin du mois de janvier si d’aventure, il se sentait en jambes pour s’offrir un éventuel quatrième maillot arc-en-ciel et revenir à hauteur de son rival néerlandais dans ce classment. Wout Van Aert reste un glouton, mais peut-être devra-t-il sacrifier certains festins pour s’en offrir d’autres aux goûts nouveaux.

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