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Christian Benteke: « Le titre 2009, le seul truc positif que j’ai vécu au Standard »

Expédié par le Standard au KV Malines, il essaye de comprendre mais c’est dur. En attendant, il ne pourra pas jouer contre le Standard ce week-end. Et ça aussi, il avale mal.

Malines, jeudi dernier. Christian Benteke (19 ans) quitte le stade après son tout premier entraînement en rouge et jaune. Benteke au KaVé: ce n’était pas dans les intentions d’un attaquant qui s’était juré de percer cette saison au Standard. Mais la direction de Sclessin a décidé pour lui, dans les dernières heures du mercato : Aloys Nong quittait Malines pour le Standard et Benteke avait juste le droit de se recaser en Flandre et de la fermer. Il n’a découvert son nouvel environnement que dix jours après son transfert, vu sa présence dans le noyau des Diables. Benteke international: au moins une raison, pour lui, de rigoler…

Tu passes une bonne partie de ta journée à régler un tas de détails pratiques: recevoir tes équipements, te faire prendre les mesures pour un costume, visiter un appartement, discuter de la voiture du club, etc. Toutes des choses qu’un footballeur fait normalement pendant ses congés. Ce n’est pas embêtant de devoir se concentrer sur tout cela alors qu’on est en plein championnat?
Christian Benteke: Non, je ne me prends pas la tête. Je compte deux heures pour mettre toutes ces formalités en ordre, puis je considérerai que je serai installé dans ce club et je pourrai oublier l’extra-sportif.

Alors, heureux?
Oui, je suis content de faire maintenant partie d’un club qui a sa place dans le top 6 belge.

Que sais-tu de Malines?
A mes yeux, ça a toujours été un club sympa, une famille où il fait bon vivre. Je vois beaucoup de points communs avec Courtrai. Sauf que le public est plus nombreux et plus chaud ici. J’ai déjà joué sur cette pelouse avec le Standard et Courtrai: ce n’était jamais très cool. Je pense aussi qu’il y aura plus de pression qu’à Courtrai, où on jouait surtout pour se faire plaisir, où une défaite n’était pas une vraie catastrophe.

Qu’est-ce que tu sais sur Marc Brys?
Je ne connais pas son parcours par coeur mais je sais que c’est un ami de Georges Leekens et un ancien policier…

Tu as déjà retrouvé le policier au premier entraînement?
Il a clairement de l’autorité, il sait se faire entendre.

Il est réputé moins cool que Leekens et on dit que son travail physique est encore plus dur que celui de Laszlo Bölöni, qui t’avait démoli en disant que tu manquais d’engagement: c’est mal barré pour toi, non?
Je n’ai pas peur. Et puis, Malines joue la tête du classement, ça veut donc dire que la méthode Brys est bonne. La leçon de Bölöni, je l’ai bien comprise. Je l’ai prouvé la saison passée à Courtrai: Leekens est peut-être assez cool mais il ne prend que des bosseurs. Il n’alignera jamais un fainéant, pour reprendre le terme de Bölöni. Je n’étais peut-être pas le plus grand travailleur du noyau du Standard, mais en me traitant comme ça, Bölöni avait exagéré. Sur ce plan-là, mon déménagement à Courtrai m’a fait beaucoup de bien. Je me suis retrouvé tout seul et je me suis focalisé à fond sur le foot. Ce n’était pas nécessairement le cas à Liège, ma ville, un endroit où il y a quand même pas mal de tentations.

Il y a beaucoup de sorteurs au Standard?
Comme dans tous les clubs.

« Si je restais au Standard, je devenais le cinquième attaquant »

Raconte-moi la journée du 31 août…
Je suis à Bruxelles avec les Diables. Le matin, mon agent, Kismet Eris, m’appelle pour me dire que le Standard veut me prêter à Malines dans le cadre du transfert de Nong. Je suis fort perturbé par les intentions du Standard et le fait que le club ne prenne même pas la peine de me contacter. La moindre des choses aurait été que le message me soit donné par un dirigeant ou par l’entraîneur. Je trouvais ça très bizarre.

Ta première réaction?
C’est non! Je me sens toujours Standardman à fond et il faut au moins qu’on me donne un petit peu de temps pour réfléchir. J’en parle à Leekens avant l’entraînement et il me dit que ce prêt peut être une très bonne chose pour ma carrière. Il me fait remarquer que c’est mieux d’être titulaire à Malines que cinquième attaquant du Standard.

Tu as aussi pensé que tu risquais de devenir le quatrième ou cinquième au Standard si tu n’acceptais pas d’être prêté?
Bien sûr. Si le Standard prend le même jour Mbaye Leye, Aloys Nong et Mémé Tchité, ce n’est pas pour les laisser sur le banc ou dans la tribune. J’allais changer de statut et j’ai décidé d’accepter. Je n’avais pas le choix. Si je refusais, le transfert de Nong capotait et ça serait retombé sur moi à Liège.

Plus tard dans la journée, le Standard t’appelle?
Non. Et je n’ai eu personne au téléphone depuis. C’est décevant parce qu’on est tous des hommes. En fait, je ne m’attendais même pas à être appelé par quelqu’un du club. Quand on m’avait viré dans le noyau B il y a un peu plus d’un an, j’avais appris la décision par le team manager. Et on ne m’avait pas plus parlé quand on m’avait casé à Courtrai.

« Tu dois te relever, même si c’est dur »

Tu te diras peut-être en cours de saison que tu aurais dû refuser et prouver au Standard que tu étais indispensable?
Jamais. Le club voulait me prêter, ça signifiait clairement qu’il ne croyait pas en moi. Et en faisant échouer le transfert de Nong, j’aurais réglé mon sort définitivement. Je serais peut-être dans le noyau B aujourd’hui avec Koen Daerden et Grégory Dufer.

On les a écartés du groupe pro quand le mercato était terminé et ils ne peuvent plus se retourner: leur situation est bien moins amusante que la tienne!
Malheureusement, c’est ça, le foot pro.

De la traite d’être humains?
Voilà… Du business. Pur et dur.

A 19 ans, c’est déjà la troisième fois que tu quittes le Standard!
La première fois, je l’avais décidé moi-même, je voulais partir à Genk. La deuxième, on m’a expédié dans le noyau B et j’ai accepté d’aller à Courtrai. Et maintenant, c’est encore la même chose.

Prendre des coups pareils, ça endurcit un homme?
Oui. Fameusement. Tu dois te relever, même si c’est dur. Mais depuis ma saison à Courtrai, il en faut beaucoup pour vraiment me démoraliser. J’ai appris à m’assumer à 18 ans et j’ai pris confiance en faisant une bonne saison.

Quand tu es revenu de Courtrai, tu avais l’impression qu’on comptait sur toi?
Oui. Dominique D’Onofrio me l’avait dit. Mais bon, je ne suis pas tout à fait sûr qu’il le pensait. Pour moi, ça sonnait un peu faux, c’était seulement destiné à me mettre en confiance, ça ne ressemblait pas du tout au discours de Brys, qui m’a convaincu qu’il croyait à fond en moi. Je ne veux pas faire le Calimero mais j’ai l’impression d’avoir été jugé plus durement que d’autres au Standard. Et je méritais plus de crédit après avoir mis 14 buts et donné huit assists avec Courtrai. On m’a jugé en quatre matches au début de ce championnat. Je les terminais rarement: j’ai commencé à penser que je ne faisais plus partie des plans. Mon gros problème, c’est que je n’ai pas marqué un seul but. Il fallait une cible: c’était moi.

Tu dois partir en vacances avec Bölöni, Dominique D’Onofrio ou Sergio Conceiçao: tu prends qui?
Aucun. C’est inimaginable.

Comment juges-tu ton niveau dans tes matches avec les Rouches?
Pas terrible, même si je me créais des occasions. Malheureusement, je ne mettais pas les ballons au fond. Si j’avais marqué l’un ou l’autre but, on n’en serait jamais arrivé là.

On te reprochait de ne pas marquer?
Oui. Les entraîneurs et aussi quelques joueurs. L’ambiance était devenue difficile dans le vestiaire, il y avait beaucoup de pression et de frustration.

« Je devais remplacer à moi seul Jovanovic, Mbokani et de Camargo »

Par rapport à l’ambiance de la saison du deuxième titre, il y a une différence?
C’était aussi très tendu quand le Standard jouait le titre parce qu’il y avait un paquet de joueurs de caractère dans le noyau: Mohamed Sarr, Milan Jovanovic, Dieumerci Mbokani, Steven Defour, Wilfried Dalmat. Toutes des personnalités. En plus de Bölöni.

Le jour de ton prêt à Malines, tu as dit que tu ne retournerais jamais au Standard…
Je n’aurai pas les cartes en mains en fin de saison puisque je serai encore sous contrat là-bas. C’est clair qu’au moment même, je n’envisageais plus un retour. Etre écarté deux fois, c’était bien suffisant. Mais si je fais une bonne saison avec Malines, un autre club pourrait m’acheter. Ce serait bien.

Brys dit qu’au Standard, tu n’avais la confiance ni de l’entraîneur, ni des joueurs, ni des supporters!
Je ne pense pas que tous les joueurs avaient confiance en moi. Parfois, on évitait de me donner des ballons sur des phases dangereuses, sans doute parce que je n’avais pas encore su marquer.

Ton prêt à Malines est gratuit: tu ne vaux pas plus que ça?
(Il rigole).

Malines a terminé devant le Standard la saison passée et compte encore plus de points dans ce championnat: finalement, tu fais un pas en avant!
C’était déjà le cas l’année passée: Courtrai a fini devant le Standard et l’a éliminé en Coupe… Le Standard reste un grand club et c’est là qu’un footballeur liégeois a envie de s’imposer, mais mon prêt à Malines n’est pas un pas en arrière. Ce n’est pas non plus comme si je devais quitter le Real Madrid pour signer à Malines. Et quoi qu’il arrive, je n’ai que 19 ans.

Finalement, tu es peut-être tout simplement trop court pour remplacer Jovanovic, Mbokani ou Igor de Camargo?
Il y a une chose dont les gens ne se rendent pas compte: on aurait voulu que je remplace à moi seul les trois à la fois! A 19 ans, hein!

Qu’est-ce qui te fait dire ça?
On m’a expédié à Malines pour transférer trois nouveaux attaquants…

Nong, Leye et Tchité peuvent-ils arriver au niveau de Jovanovic, Mbokani et de Camargo?
Non. Ce n’est pas en trois ou en six mois qu’on égale un trio aussi magique.

Tu ne pourras pas jouer le match contre le Standard, c’est prévu dans l’accord de location…
Ce n’est écrit nulle part. Moi, je voudrais être sur le terrain. Pape Abdou Camara est prêté par le Standard à Saint-Trond mais a joué contre nous en début de saison. Pourquoi je n’aurais pas droit au même traitement?

Si tu ne rejoues plus jamais au Standard, tu garderas quelle image de ce club?
Le titre 2009, auquel j’ai contribué en jouant pendant quelques mois et en marquant des buts. J’avoue que c’est, jusqu’ici, le seul truc positif que j’ai vécu là-bas.

Pierre Danvoye

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