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Une formation pour que les clubs sportifs se sentent « moins seuls » face à la radicalisation

Boxe, foot, musculation et jihad: en France, la plupart des auteurs d’attentats récents fréquentaient des clubs sportifs. Si la radicalisation y reste très marginale, elle inquiète, notamment en Ile-de-France où la région forme désormais ses cadres sportifs à la détecter sur les terrains.

« Léo, un jeune footballeur, a changé récemment. Il est en retard aux entraînements, car il dit devoir aller prier à la mosquée avant, et refuse de serrer les mains des femmes. Que faites-vous ? » Autour de la table, huit dirigeants sportifs de disciplines diverses planchent studieusement.

En ouvrant cette formation d’une journée, unique en France, au siège du Comité régional et sportif d’Ile-de-France à Gentilly (Val-de-Marne), le vice-président (LR) de la région, Patrick Karam, les a exhortés à être « intransigeants » face à la radicalisation.

Quelque 829 individus fréquentant des clubs sportifs (sur 8,7 millions de licenciés) étaient signalés radicalisés en France en novembre, dont 147 en Ile-de-France, selon le gouvernement. Si la proportion reste marginale, le club sportif reste selon lui le premier lieu de radicalisation dans le pays, devant les associations et les lieux de cultes, avec les sports de combat, le football et la musculation en tête.

En novembre à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne), la municipalité a exclu d’un club de football deux entraîneurs soupçonnés de radicalisation. Et à Paris, un ancien espoir du judo français a été débarqué d’une formation d’entraîneur car il « refusait de saluer le tapis, en disant qu’il ne pouvait s’incliner que devant le Prophète, et ne voulait pas parler aux femmes », a raconté à l’AFP l’un des cadres qui a tenté, en vain, de lui faire changer de comportement.

Tous les auteurs français d’attentats en France fréquentaient des club sportifs, et plusieurs étaient liés par ce biais, a souligné l’un des intervenants de la formation à Gentilly, Médéric Chapitaux.

« On ne vous demande pas d’être des délateurs, mais de jouer votre rôle d’éducateur, de protéger les gamins », a martelé M. Karam, en assurant aux participants une « confidentialité absolue » dans les démarches de signalement, pour éviter les représailles dans les quartiers.

Les risques dans les quartiers sensibles, Corinne (nom d’emprunt comme tous les participants à la formation, ndlr), qui gérait une association sportive dans une cité du Val-de-Marne, les connaît: le fils de cette quinquagénaire « a été tabassé un soir par une bande » qui ne voulait plus voir l’association dans les parages.

– ‘Maintenir le lien’ –

Corinne en veut à sa mairie, qui a fini par fermer la salle de sports: « Les jeunes, désoeuvrés, ont été rattrapés par le trafic de drogue ou des islamistes. Plusieurs sont partis en Irak ou Syrie, deux sont en prison pour projet d’attentat ».

Dans le scénario concernant Léo, ce jeune footballeur ayant changé de comportement, son cas a été résolu par le dialogue avec l’aide de son frère et d’une assistance scolaire, qui a permis de résoudre les problèmes familiaux l’ayant amené au bord de la rupture. « Le lien avec lui a été maintenu, ce qui est essentiel », explique le formateur, venu du CNLAPS, un réseau associatif spécialisé dans la prévention.

Autre cas proposé, également inspiré de profils réels: « Dany et Robin, deux jumeaux de 24 ans, anciens prisonniers, qui ont arrêté le trafic de drogue, sont devenus très croyants, partagent leur temps entre la mosquée et ont repris le sport. Ils se sont mariés et envisagent de partir avec leurs épouses en Egypte pour apprendre l’arabe. Et fréquentent régulièrement deux jeunes de votre club de boxe ».

Face au « signal fort » d’un départ familial qui pourrait être en fait pour la Syrie ou l’Irak, et au risque de « contagion » des deux jeunes, la majorité des participants choisit de signaler leurs cas aux autorités. « Il ne faut pas hésiter car les recruteurs vont très vite », abonde le formateur.

En fin de formation, nombre de participants affichent leur satisfaction, comme Corinne qui « se sent moins seule » et voit « qu’il peut y avoir des relais pour nous aider ». « Ça nous donne des pistes, des outils au cas où », note Christine, cadre dans un club de football de Seine-et-Marne.

D’autres soulignent qu’il en faudrait plus, comme Bernard, qui estime que « si on en est là dans certains quartiers, c’est aussi parce que des municipalités ont, par électoralisme, mis les problèmes sous le tapis ».

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