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« Shiraku! »: les Japonais se rappellent la passion de Chirac pour le sumo

« Shiraku! Shiraku! » scandait la foule japonaise en applaudissant debout un jour de mars 2005 alors que le président français Jacques Chirac quittait le stade d’Osaka où se déroulait le tournoi de printemps de sumo, son immense passion.

L’amour indéfectible de l’ancien président français, mort jeudi à l’âge de 86 ans, pour ce sport millénaire intrinsèquement nippon, aux confins de l’art et du divertissement, était bien connu au Japon.

Une passion telle que cet animal de la conquête du pouvoir, alors qu’il avait atteint le sommet, s’était ouvert en 1998 d’un regret: plutôt que de choisir le carcan des dorures de l’Elysée et les affres du pouvoir, il aurait pu, qui sait, vêtu du simple « mawashi », la ceinture du lutteur, tenter de renverser ses adversaires sur un cercle d’argile.

« Peut-être qu’en le pratiquant jeune, j’aurais pu faire du sumo. J’avais la taille nécessaire, et le poids, ça s’acquiert », s’était-il confié dans une interview publiée dans le quotidien sportif français L’Equipe.

Faute de devenir sumotori comme peuvent l’être depuis quelques décennies nombre d’étrangers venus de Mongolie, Géorgie, Bulgarie ou Chine, il a contribué à sa manière à la vie du sumo, qu’il suivait de très près.

« Coupe Jacques Chirac »

Il se faisait envoyer au plus vite des cassettes des combats par des médias français, tandis que l’ambassade de France confirmait vendredi qu’elle lui envoyait quotidiennement les résultats de tournois.

Il avait créé en 2000 « la Coupe du Président de la République », qui a vite pris le nom de « Coupe Jacques Chirac » pour devenir l’une des plus prestigieuses récompenses remises lors de tournois professionnels de sumo.

Et les Japonais le lui rendaient bien vendredi dans leurs réactions à sa mort, où dominaient les souvenirs de son érudition en la matière, mais aussi dans d’autres domaines de la culture japonaise. Jacques Chirac se rendait d’ailleurs régulièrement dans l’archipel nippon depuis les années 1970 et y a effectué au total plus de 50 voyages.

Hakkaku, le chef de la puissante fédération japonaise de sumo, s’est dit « profondément reconnaissant » envers l’ancien président. « Je prie pour qu’il repose en paix », a-t-il aussi déclaré, selon la porte-parole de la fédération.

La presse japonaise publiait des nécrologies détaillées, le quotidien de gauche Asahi Shinbun louant un homme « d’intelligence et dénué de prétentions ». « Son amour du Japon est sans pareil et dépasse le niveau du passe-temps », écrit le quotidien, ajoutant que « sa profonde connaissance de la littérature et des arts japonais anciens et médiévaux étonnait souvent les experts ».

« Merci Président »

Le quotidien Mainichi rappelait les deux tournois de sumo qu’il avait organisés en France, en 1986 lorsqu’il était maire de Paris puis en 1995, alors que les champions de cette discipline se déplacent très peu à l’étranger.

Les liens de Chirac et du sumo étaient allés jusqu’à s’introduire dans ses relations tendues avec Nicolas Sarkozy avant la présidentielle de 2007. Lors d’une escale à Hong Kong en 2004 après un voyage en Chine, M. Sarkozy s’était exclamé devant des journalistes à propos des sumotori: « Comment peut-on être fasciné par ces combats de types obèses aux chignons gominés? Ce n’est vraiment pas un sport d’intellectuel, le sumo! »

« Des gens célèbres assistaient aux combats, le prince Charles, la princesse Diana sont venus mais que quelqu’un comme lui s’intéresse vraiment, s’y connaisse vraiment, c’était inhabituel », a dit à l’AFP Mark Schilling, un commentateur de la chaîne publique japonaise NHK. « Et je pense que cela impressionnait le monde du sumo ».

« C’était un grand fan et il connaissait tous les résultats du makuuchi (la catégorie des champions et grades supérieurs) », s’est exclamé, admiratif, un internaute japonais.

« Il adorait le sumo et (…) a construit les fondements de l’amitié franco-japonaise actuelle », estimait un autre utilisateur japonais de Twitter.

« Merci Président Chirac », a-t-il lancé.

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