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Ne dites plus FIFA mais EA Sports FC

Après près de 30 ans de partenariat avec l’instance internationale du football, l’éditeur de jeu canadien change de cap et entre dans une nouvelle ère, matérialisée par un changement de nom. Mais est-ce que cela va changer quelque chose pour les joueurs ?

Il y a quelques années encore, la guerre entre PES et FIFA faisait rage aux environs des mois de septembre et octobre quand les éditeurs japonais et canadiens sortaient le nouvel opus de leur jeu de football. Longtemps considéré comme le roi, PES, le jeu de Konami, a été complètement dépassé par FIFA, édité par EA Sports. Ce dernier est chaque année l’un des best sellers du marché, continuant à brasser les centaines millions grâce à un mode de jeu addictif qui semble faire oublier de gros problèmes récurrents de gameplay: FUT ou Fifa Ultimate Team.

Mais désormais, cette rivalité se fera sous d’autres noms. L’an dernier, Konami avait rebaptisé e-Football son nouveau jeu, destiné aussi pour les consoles nouvelle génération. La faible qualité graphique et les bugs récurrents avaient amusé la toile et suscité de nombreuses moqueries, parvenant même à décevoir les fans de la première heure de la série pourtant toujours prompt à défendre ardemment leur jeu. Depuis lors, les développeurs nippons ont légèrement revu leur copie, mais malgré de nets progrès sur les deux points évoqués plus haut, le bébé de Konami souffre toujours d’un problème majeur : l’absence de licences officielles.

Une coûteuse guerre des licences

Depuis quelques années, la bataille des licences fait rage dans le milieu du jeu vidéo de sport. Les éditeurs monnaient au prix fort des exclusivités avec des ligues et des clubs pour en avoir les droits pour leur jeu. Au détriment des joueurs finalement. Longtemps, FIFA a été le roi dans le domaine puisqu’il détient un nombre incroyable de licences, obligeant son rival japonais à utiliser de faux noms pour certains championnats, clubs et joueurs, même si c’est dans l’ensemble un peu moins vrai pour ces derniers.

EA Sports s’appuie depuis une vingtaine d’années sur un accord avec la FIFpro, un puissant syndicat représentant les droits d’une majorité de joueurs professionnels, pour garantir l’authenticité des acteurs virtuels évoluant sur des pelouses qui le sont tout autant. L’an passé, Zlatan Ibrahimovic avait poussé un petit coup de gueule concernant l’utilisation de son image dans le jeu, comme s’il ne s’en était jamais rendu compte avant, alors que son visage avait été scanné par EA Sports afin d’être représenté le plus fidèlement possible dans FIFA. Alors que certains pensaient que cette polémique pourrait avoir des conséquences sur les futurs numéros du jeu, rien n’a finalement changé. Zlatan et les autres joueurs contestataires, parmi lesquels Gareth Bale, ont sans doute reçu un peu plus d’argent pour leurs droits à l’utilisation de leur image et sont toujours bel et bien présents dans le dernier FIFA.

Et quand on dit dernier FIFA, ce sera effectivement le cas. Le plus gros partenaire d’EA Sports est en effet la Fédération Internationale de Football. Depuis près de 30 ans, et le lancement de FIFA International Soccer sur Sega Mega Drive (avant de devenir FIFA tout court depuis 17 ans et FIFA 06), elle a prêté son nom au jeu, lui permettant ainsi notamment de disposer des droits de modélisation de la Coupe du monde. Tous les quatre ans, EA Sports pouvait ainsi sortir un jeu séparé dédié au grand bal du football mondial. En 2018, il s’agissait d’un simple DLC (contenu additionnel téléchargeable) accolé à FIFA 18. Ainsi, vous pouviez jouer dans les stades authentiques du Mondial, avec tous les maillots et les effectifs officiels. Jusqu’à 2014, il était même possible de refaire les éliminatoires et d’ainsi changer l’histoire du tableau final.

La FIFA a voulu doubler les prix de sa licence

Mais tout ceci fait désormais partie du passé. L’accord entre EA Sports et la FIFA était valable jusqu’en 2022 et n’a pas été renouvelé, l’éditeur canadien estime que l’instance internationale demandait trop d’argent pour l’utilisation d’une marque qu’elle ne pouvait réellement exploiter qu’une fois tous les quatre ans. EA Sports était aussi obligé de mettre en avant certains partenaires proches de la Fédération et ne pouvait avoir des accords avec certains concurrents. En plus de doubler ses frais de licence, la FIFA aurait également exigé la possibilité de lier sa marque à d’autres produits numériques, y compris d’autres jeux vidéo, selon des personnes proches des pourparlers. Cela s’est avéré être un pas trop loin pour EA Sports. C’est donc notamment pour ces raisons que FIFA 23 sera donc le dernier opus de la série.

Ce mardi soir, des clubs à travers le monde, des ligues et naturellement EA Sports ont publié un teaser actant le futur changement de nom de la série. Désormais, vous ne jouerez plus à FIFA mais à EA Sports FC. Un changement de cap, mais que va-t-il changer concrètement pour les joueurs de la série ?

Des changements à attendre ?

Dans l’immédiat pas grand chose. L’accord entre la FIFA et EA porte encore sur cette édition de la Coupe du monde. Il sera donc encore possible de vous offrir un trip au Qatar en jouant la compétition virtuellement cette année, tout comme ce sera le cas de l’édition féminine. Depuis FIFA 16, EA Sports a lancé des contenus dédiés au football féminin et avait même publié un DLC du Mondial féminin en France pour FIFA 19.

EA Sports a noué de nombreux partenariats avec les ligues les plus puissantes du monde, notamment la Premier League dont elle dispose des droits en exclusivité. Ce qui permet de faire apparaître sa marque sur les maillots des arbitres de la compétition.
EA Sports a noué de nombreux partenariats avec les ligues les plus puissantes du monde, notamment la Premier League dont elle dispose des droits en exclusivité. Ce qui permet de faire apparaître sa marque sur les maillots des arbitres de la compétition.© iStock

Pour le reste, les principaux partenaires de l’éditeur de jeu sont des ligues nationales et internationales ainsi que des clubs de renom à travers le monde.

EA Sports a d’ailleurs tenu à rapidement rassurer ses partisans, certains craignant que la perte de cet accord avec la FIFA n’ait un impact important sur l’authenticité du jeu.

« Après près de 30 années de création d’expériences footballistiques interactifs qui ont défini un genre, nous commencerons bientôt une nouvelle ère passionnante », écrit EA dans son communiqué. « L’année prochaine, EA SPORTS FC deviendra l’avenir du football d’EA SPORTS. Aux côtés de nos plus de 300 partenaires licenceurs dans le sport, nous sommes prêts à porter les expériences de football mondiales vers de nouveaux sommets, au nom de tous les fans de football du monde entier », est-il encore écrit.

« Tout ce que vous aimez dans nos jeux sera dans EA SPORTS FC – les mêmes belles expériences, modes, ligues, tournois, clubs et athlètes seront là. Ultimate Team, le Mode Carriere, Clubs Pro et VOLTA Football seront tous au rendez-vous. Notre portefeuille unique de licences avec plus de 19 000 joueurs, plus de 700 équipes, plus de 100 stades et 30 ligues dans lesquel nous avons continué d’investir pendant des décennies sera toujours là, uniquement dans EA SPORTS FC. Cela inclut des partenariats exclusifs avec la Premiere League, La Liga, La Bundesliga, La Serie A, la MLS – et bien d’autres à venir. », détaille l’éditeur de jeu à propos des licences. Si vous regardez les mentions à cet égard dans FIFA 22, les chiffres sont exactement les mêmes. Il y aurait même 2000 joueurs de plus en 2023 aux dires de l’éditeur nord-américain, qui rajoute qu’ « EA SPORTS FC nous permettra de concrétiser cet avenir et bien plus encore… mais pas avant d’avoir offert notre jeu le plus ambitieux avec notre partenaire actuel, la FIFA, pour une année de plus. Nous nous engageons à faire en sorte que le prochain FIFA soit le plus accompli de tous les temps, avec plus de fonctionnalités, de modes de jeu, de contenu sur la Coupe monde, de clubs, de ligues, de compétitions et de joueurs que n’importe quel autre titre FIFA. » Voilà qui doit rassurer ceux qui s’inquiétait d’un FIFA 23 moins riche en termes d’authenticité. Pas question pour EA Sports de bâcler un dernier opus dans lequel bon nombre des partenaires qui les suivront seront encore de la partie. En termes d’images, ce ne serait pas non plus un bon calcul de fournir un produit inachevé.

Pour en savoir plus sur le jeu, il faudra attendre le mois de juillet de l’année prochaine, même si certaines informations ont déjà filtré avec ce trailer et les différents partenaires qui ont tweeté qu’ils rejoignaient « le club en 2023 ». Tout d’abord, le nouvel opus d’EA mettra encore plus l’accent sur le football féminin avec l’apparition des premiers clubs (on n’avait qu’une grosse dizaine de sélections nationales jusqu’à présent dont les Red Flames). Est-ce que ce sera via des championnats complets ou simplement les compétitions européennes puisqu’EA dispose des droits pour utiliser la licence de la Champions League, de l’Europa League ou de la Conference League chez les hommes, il est encore trop tôt pour le dire. Toujours est-il que certaines équipes anglaises, comme Arsenal, ont déjà communiqué sur le fait que les équipes de l’éditeur de jeu étaient venus scanner leurs joueuses.

Deuxièmement, un stade mythique du foot mondial fera son retour. L’an dernier, EA et Boca Juniors avaient annoncé un partenariait exclusif. Après avoir été absent des opus 19,20,21 et 22, la Bombonera et sa chaude ambiance seront de retour, un visuel de sa version virtuelle ayant été diffusé dans le trailer d’annonce du changement de nom.

Troisièmement, l’on sait que le championnat du Mexique, présent depuis quasiment toujours dans le jeu, ne sera pas de la partie. C’est Konami qui a raflé l’exclusivité des droits. Il ne sera dès lors probablement plus possible de jouer avec André-Pierre Gignac par exemple.

Enfin diverses autres rumeurs circulent comme chaque année. Pêle-mêle, on évoque le retour de la Juventus (dont Konami disposait des droits exclusifs et qui était nommée Piemonte Calcio depuis trois années), la modélisation fidèle d’une grande partie de la Serie A (certains clubs comme l’AS Roma, la Lazio, l’Atalanta et Naples apparaîtront cependant sous un faux car les accords conclus avant avec Konami ne seront pas résiliés avant leur terme) etc, etc.

D’autres acteurs arrivent dans le milieu des jeux de football

Limiter la simulation des jeux de foot à un duel entre EA Sports et Konami serait cependant faux. Alors qu’on pensait que le mastodonte canadien allait finir par couler Konami et devenir le seul acteur du marché, d’autres concurrents sont arrivés. Mais, ils ne comptent pas nécessairement sortir un numéro chaque année comme ce sera peut-être encore le cas pour EA (mais sans certitude non plus) puisqu’ils ont opté pour le modèle du Free-to-Play.

Les jeux F2P, comme on les appelle, utilisent souvent le principe des micropaiements au sein d’une boutique virtuelle pour se rentabiliser et se viabiliser. Ils sont en fait « gratuits, mais avec options d’achats ». C’est le modèle notamment choisi par e-Football qui proposera probablement dans son catalogue des exclusivités pour certaines équipes italiennes et les championnats brésiliens et mexicains. En revanche, le nombre important de partenaires d’EA pourrait peut-être être un frein pour suivre cette voie qui n’en est encore qu’à ses débuts et qui ne sera peut-être pas forcément rentable pour un jeu dont la sortie annuelle continue de brasser des centaines de millions. La présence de Nike, comme partenaire de longue date qui est actif dans les NFT (jeton non-fongible), n’est pas innocente. Les Canadiens pourraient implémenter ces NFT dans leur mode Ultimate Team, la vache à lait de ces dernières années. Quand le communiqué parle d’innover,créer et évoluer on peut aussi le lire dans ce sens.

Un troisième acteur s’est invité récemment au bal avec UFL, l’acronyme d’Ultime Football League. Edité par Strikerz.inc, le jeu est toujours en cours de développement mais a déjà annoncé certains partenariats avec des clubs comme West Ham, Besiktas, le Borussia Moenchengladbach, Milan AC, l’AS Monaco, le Sporting Lisbonne et le … Shakhtar Donetsk (vu le contexte géopolitique, il ne sera pas exploité directement) ainsi que certains ambassadeurs de renom comme Cristiano Ronaldo, Roberto Firmino, Oleksandr Zinchenko et nos compatriotes Romelu Lukaku et Kevin De Bruyne.

UFL a aussi une collaboration avec la FIFpro, tout comme EA, qui lui permettra d’utiliser les noms réels de nombreux joueurs. Mais tous ces accords ne seront pas exclusifs. Strikerz.inc n’entend pas encore se lancer dans une guerre d’exclusivité alors qu’il n’a encore rien édité. Les acteurs concernés par ceux-ci seront donc bien présents sur EA Sports FC. Seuls certains contenus supplémentaires permettant de garantir leur authenticité et d’apporter un plus seront présents sur UFL.

FIFA renaîtra-t-il de ses cendres avec un autre éditeur ?

Du côté de la FIFA, l’on est également en contact avec des éditeurs, des studios et des investisseurs pour développer un nouveau titre de simulation de football pour 2024. Le nom de 2K, qui produit un jeu de basket dédié à la NBA, est le plus souvent cité. Du coup, FIFA renaîtra-t-il de ses cendres dans deux ans ? Rien ne garantit cependant que ce soit avec le même succès, ni même que les aficionados d’EA Sports FC ne continuent pas d’appeler leur jeu FIFA. Même si l’on sait que beaucoup de joueurs ne sont pas nécessairement au fait des éditeurs qui produisent leurs jeux préférés. De quoi rendre l’avenir intéressant à suivre.

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