Mike Tyson, la confession d’un « fils de pute »

Mike Tyson, légende vivante de la boxe qui a cumulé 50 victoires sur les rings et multiplié les overdoses, se livre dans l’autobiographie ‘La Vérité et rien d’autre’. Les meilleurs extraits de sa confession.

Enfance

Eddie [NDLR : le compagnon de sa mère] et ma mère se battaient sans arrêt – à propos d’autres hommes, d’autres femmes, de l’argent, de leur besoin de tout contrôler. Eddie n’était pas un ange, loin de là. Quand ma mère avait des copines à la maison, toutes beurrées, et qu’elle était dans les vapes, Eddie baisait ses copines. Après, ils se foutaient sur la gueule. C’étaient vraiment des barbares : ils se pourchassaient avec des armes et se traitaient de tous les noms. Nous on criait :

– Maman, non ! Stop !

Une fois, j’avais 7 ans, Eddie lui a collé son poing dans la figure et a fait sauter sa dent en or. Ma mère a mis une grande casserole d’eau à bouillir et a dit à mon frère et ma soeur d’aller se planquer sous la couette. Eddie, lui, était assis à côté de moi, quand j’ai entendu un bruit sourd. Bam! La casserole d’eau bouillante l’a frappé en pleine tête. Des gouttes m’ont éclaboussé dessus.- Aaargggghhhh!

Eddie a couru vers la porte en hurlant, moi sur ses talons.Il s’est retourné et m’a agrippé le bras.

– Oh, mon p’tit ! Cette garce t’a eu toi aussi? Ouais, elle m’a bien eu, la garce ! Ah ah! Elle m’a bien eu!

Ma soeur et moi l’avons ramené dans le salon et lui avons enlevé sa chemise. Son cou, son dos et un côté de son visage étaient couverts de cloques. On aurait dit un reptile. Alors on l’a fait s’allonger par terre, devant la petite soufflerie de l’air conditionné, et ma soeur s’est assise près de lui. Elle a pris un briquet, a stérilisé l’aiguille, puis a fait éclater les cloques une par une. Ma soeur et moi, on pleurait. J’ai donné une pièce de 25 cents à Eddie pour lui remonter le moral.

Quand je repense à ces histoires, j’avais toujours l’impression que ma mère était une victime. Il faut dire qu’Eddie lui filait de sacrées raclées. Je suis sûr que le MLF aurait applaudi à la réaction de ma mère, mais moi, je me disais : « Comment peut-on infliger un truc pareil à un mec censé être votre petit ami ? » Là, j’ai compris que ma mère, c’était pas Mère Teresa. Elle lui en faisait baver ; pourtant, il est resté avec elle. En fait, après l’épisode de l’eau bouillante, Eddie est allé lui acheter une bouteille d’alcool au drugstore. Comme s’il la récompensait ! Pas étonnant que j’aie été aussi perturbé sur le plan sexuel.

Voilà dans quel environnement j’ai grandi. Un environnement où les gens qui s’aiment se cognent dessus et pissent le sang. Ils s’aiment tellement qu’ils se donnent des coups de couteau. Merde, j’avais une trouille bleue dans mon propre foyer.

Premiers pas vers la gloire

Adolescent, Mike fait la rencontre de Cus D’Amato, son entraîneur et mentor, qui deviendra aussi son tuteur.

Au début, quand j’allais chez Cus, il ne me laissait même pas boxer. Après ma séance d’entraînement avec Teddy, il s’asseyait en face de moi et on discutait. Il me parlait de sentiments, d’émotions, de la philosophie de la boxe. Il voulait me prendre aux tripes. On parlait beaucoup de la dimension spirituelle du combat.

[…] – Ton esprit n’est pas ton ami, Mike. J’espère que tu le sais. Tu dois lutter contre ton propre esprit, le contrôler, le dompter. Tu dois maîtriser tes émotions. La fatigue sur le ring est à 90 % psychologique. Ce n’est que l’excuse d’un homme qui veut abandonner. La nuit précédant un combat, tu ne dormiras pas. Ne t’inquiète pas, ton rival non plus. Tu le verras à la pesée. Il aura l’air plus grand et plus calme que toi, mais à l’intérieur il sera consumé de terreur. Ton imagination lui prête des capacités qu’il n’a pas. Rappelle-toi, le mouvement relâche la tension. Au moment où la cloche sonne, et que vous engagez le combat, ton adversaire te semblera brusquement un homme comme les autres, parce que ton imagination se sera apaisée. Le combat est la seule réalité qui importe. Tu dois apprendre à imposer ta volonté et à prendre le contrôle de cette réalité.

Je pouvais écouter Cus pendant des heures. Et je ne m’en privais pas. Cus insistait sur l’importance d’agir intuitivement, avec détachement et tempérance, afin d’empêcher les émotions et les sentiments d’annihiler nos connaissances intuitives. Un jour, il en avait parlé avec le grand écrivain Norman Mailer.

– Cus, vous ne le savez pas, mais vous pratiquez le zen, lui a dit Mailer, avant de lui donner un livre intitulé Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc.Cus me lisait souvent des passages de ce livre.

Derrière les barreaux

Entre ma condamnation pour viol [en 1992] et l’application de la peine, j’ai passé six semaines à voyager à travers le pays. J’en ai profité pour prendre du bon temps avec mes différentes petites amies. C’était ma manière de leur dire au revoir. Quand je n’étais pas avec l’une d’elles, je repoussais les avances des autres femmes. Partout où j’allais, des femmes m’accostaient :

– Allez viens ! Je ne dirai pas que tu m’as violée, tu n’as rien à craindre avec moi. Tu peux même nous filmer si tu veux.

En fait, c’était une façon de me dire : « Tu es innocent, on le sait.  » Mais je ne comprenais pas. Blessé, je les repoussais avec rudesse. Même si elles cherchaient à me consoler, j’étais trop meurtri pour m’en rendre compte. J’étais un gamin ignorant, fou et amer, qui avait terriblement besoin de grandir.

Ma colère était compréhensible. A 25 ans, je risquais de passer six ans en tôle pour un crime que je n’avais pas commis.

Alors laissez-moi vous rappeler ce que j’ai déjà dit à maintes reprises – devant le grand jury, pendant le procès, au moment du verdict, pendant mon audition de libération anticipée, après ma sortie de prison -, et que je continuerai à dire jusqu’à ma mort : je n’ai pas violé Desiree Washington. Elle le sait, Dieu le sait, et elle devra vivre avec les conséquences de ses actes durant le restant de ses jours.

Mon manager, Don King, me répétait à longueur de journée que j’allais être acquitté. Il agissait en sous-main, prétendait-il, pour enterrer l’affaire. De plus, il avait engagé Vince Fuller, un ténor du barreau, l’avocat à 1 million de dollars. Vince était en fait le fiscaliste de Don. Et Don lui devait probablement encore de l’argent. Mais, dès le départ, j’ai su que justice ne serait pas rendue. Mon procès n’avait pas lieu à New York ou Los Angeles, mais à Indianapolis, dans l’Indiana, l’un des bastions historiques du Ku Klux Klan. Ma juge, Patricia Gifford, ancien procureur spécialisé dans les crimes sexuels, était surnommée la  » juge Guillotine « . J’avais été reconnu coupable par un jury de  » pairs « , composé de Blancs et de seulement deux Noirs. Un autre juré noir avait été débouté par Mme la juge après l’incendie de l’hôtel des jurés. Elle l’avait révoqué pour son  » état d’esprit « . Ouais, son état d’esprit ! Apparemment, il n’aimait pas la bouffe de l’hôtel.

A mes yeux, je n’avais pas de pairs. J’étais le plus jeune champion du monde des poids lourds de l’histoire de la boxe. Un titan. La réincarnation d’Alexandre le Grand. Mon style était impétueux, mes défenses infranchissables, mon caractère féroce. C’est dingue comme une piètre estime de soi et un ego surdimensionné peuvent vous donner l’illusion de la grandeur. Mais, après le procès, ce dieu parmi les hommes a dû ramener son cul noir au tribunal pour entendre sa sentence. J’ai été tellement arrogant pendant le procès que je n’avais aucune chance de m’en tirer. Même dans mes phases de découragement, je n’avais rien d’humble. Malgré mes efforts désespérés, il n’y avait pas une once d’humilité en moi.[…]

J’ai été affecté à l’Indiana Youth Center de Plainfield, un établissement pénitentiaire pour les criminels de niveaux deux et trois. Le temps d’arriver à destination, j’étais vert de rage. J’allais en faire baver à ces fils de putes. A ma façon. C’est drôle, mais il m’a fallu un bon moment pour comprendre que cette petite juge blanche qui m’avait envoyé en taule venait de me sauver la vie.

La drogue et les contrôles antidopage

Une fois en Ecosse, tout s’est arrangé. Le match avait lieu à Glasgow et j’ai eu droit à un accueil incroyable. Avant le combat, j’ai pris de la coke et j’ai fumé un peu d’herbe. La coke, ça n’était pas un problème parce que ça sort aussitôt de votre organisme, mais, pour l’herbe, qui reste à l’intérieur, j’ai dû, au moment des contrôles, utiliser un faux pénis où on met l’urine saine de quelqu’un d’autre. C’était en général celle de Steve Thomas, l’assistant de Jeff Wald, qui voyageait avec moi. Plus tard, pour son match contre Andrew Golota, Tyson veut à nouveau utiliser un faux pénis afin d’éviter un contrôle positif.

Le match contre Golota était prévu pour le 20 octobre à Detroit. La veille, j’étais vraiment nerveux. Quand j’ai vu Golota en personne, à la pesée, j’ai paniqué. Il était énorme, c’était un malade, avec plein de grosses bosses rouges sur le dos, à force de prendre des stéroïdes. On aurait cru un lépreux.  » Putain, qu’est-ce que je fous ici à me battre contre ce malabar, ce dingue? » Je n’arrêtais pas de me poser la question dans mon lit, pendant que j’essayais de dormir. Alors j’ai allumé un joint et dès la première bouffée toute mon humeur a été transformée.  » Je l’emmerde, ce connard « , ai-je pensé. Ouh là, j’en avais besoin, de ce joint. Le soir du combat, j’ai refusé de me soumettre à une analyse d’urine. Je me suis dit que je n’aurais qu’à utiliser ensuite le faux pénis.

Tyson remporte alors le match.

Dès que je suis revenu dans ma loge, les officiels du Michigan me sont tombés dessus pour mon test d’urine. A cause de Golota, ils étaient sans doute à la recherche de stéroïdes, donc je n’ai pas eu le temps de récupérer l’urine de Steve Thomas. J’ai dû leur donner de la mienne. Bien sûr, ils ont trouvé de l’herbe dans mon organisme. Ils auraient dû m’accorder une prime pour m’être battu sous l’effet de cette drogue, parce que ça atténue l’agressivité. Ils m’ont suspendu pendant quatre-vingt-dix jours, mais ça n’avait pas d’importance parce que je n’allais pas me battre, de toute façon. Cependant, ils m’ont aussi donné une amende de 5000dollars et m’ont obligé à faire don de 200 000 dollars à une oeuvre caritative du Michigan. Et ils m’ont repris mon K.-O. technique et l’ont transformé en  » décision nulle « . Même avec les 20 millions [de dollars] de ce combat, j’étais dans la panade financièrement.

La rechute

Dans son épilogue, Tyson reconnaît qu’il a replongé dans l’alcool et la drogue.

Environ un mois après avoir terminé le travail sur ce livre, en avril 2013, j’ai fait une rechute, la première depuis janvier 2010. Je suis sorti un soir et j’ai bu un verre. Puis un autre. Et encore un autre. Comme j’ai l’alcool très mauvais, j’ai fumé un peu d’herbe pour me calmer. J’avais honte quand je suis rentré à la maison, où m’attendaient Kiki et les enfants. Mais pas assez honte pour que ça m’empêche de répéter cette erreur à plusieurs reprises en juin et juillet. Puis en août, une semaine avant le premier match dont j’étais le promoteur, diffusé sur ESPN, j’ai basculé à nouveau.

[…] Je suis un fils de pute. J’ai fait plein de trucs moches, et j’ai envie qu’on me pardonne. Donc pour ça, j’espère qu’ils pourront me pardonner. J’ai envie de changer de vie, j’ai envie de mener une vie différente désormais. J’ai envie de mener une vie sobre. Je n’ai pas envie de mourir. Je suis sur le point de mourir, parce que je suis un alcoolique pervers. Waouh. Bon Dieu, ça devient intéressant.

La Vérité et rien d’autre, par Mike Tyson et Larry Sloman. Traduit de l’anglais (Etats-Unis), par Carole Delporte et Laurent Bury. Les Arènes, 588p. Disponible sur Amazon dès le 25 novembre.

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