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Los Angeles va-t-elle devenir la nouvelle place forte de la NFL ?

Avec la victoire des Rams lors de la finale du Super Bowl, la cité des Anges retrouve le titre de champion dans l’America’s Game. Pourtant, la ville californienne a longtemps composé sans franchise de football américain sur son territoire. Retour sur la résurrection des Rams du côté de la capitale du divertissement. Un succès sportif mais pas encore populaire.

Par Jeroen Dejonckere

Le 12 janvier 2016, Roger Gooddell, commissioner de la NFL, a annoncé avec une fierté rutilante que la compétition sportive la plus populaire des États-Unis allait revenir à Los Angeles. 30 des 32 propriétaires d’équipes ont voté en faveur du retour des Rams de Saint Louis dans la ville où l’équipe a joué pendant un peu moins de 50 ans. Ainsi s’achèvent 21 années pendant lesquelles LA est resté absente de l’empire de la NFL. Pour mettre fin à la longue disette, les Chargers de San Diego feraient la même chose.

La question était surtout de savoir comment il était possible que l’ America’s Game ait disparu de la capitale nationale du divertissement pendant si longtemps. Pourtant, de nombreux entrepreneurs et politiciens étaient prêts à construire quelque chose à LA. Chaque fois que la question du stade a été mise sur la table, les choses se sont compliquées. Dans le sport américain, la construction d’un nouveau temple est considérée comme la poule aux oeufs d’or. Celui qui construit une enceinte hypermoderne s’assure un afflux de revenus supplémentaires, selon la devise « If you build it, they will come« . La cité des Anges était heureuse d’offrir un foyer à une équipe NFL, mais sans intervenir elle-même financièrement.

Au début des années 1990, la situation économique est devenue difficile pour les équipes californiennes. LA a été durement touchée par la récession, au moment où les Rams et les Raiders cherchaient des capitaux pour leurs stades vieillissants. La ville a refusé les renflouements et les conseils municipaux généreux de Saint Louis et d’Oakland les ont accueillis à bras ouverts.

Effet de levier dans les négociations

À Los Angeles, la vie a continué comme d’habitude. Les Lakers ont remporté cinq titres NBA avec Kobe Bryant, l’équipe de football universitaire USC a connu son heure de gloire et les Dodgers, malgré un manque de succès en baseball, sont restés emblématiques pour de nombreux fans de la ville. Dans les salles de conseil de la NFL, cependant, LA était absente. À une époque où la ligue devenait plus importante, plus riche et plus populaire, la région métropolitaine de 13 millions d’habitants restait une mine d’or inexplorée pour la NFL. Avec les années, l’attrait de la Californie du Sud était tel que le sport s’est développé économiquement grâce à LA, sans qu’aucun ballon de football américains n’y soit joué. Des propriétaires mécontents, tenus en laisse par leur municipalité, ont utilisé un déménagement à Los Angeles comme moyen de pression dans leurs négociations. Jim Irsay, propriétaire des Colts, a ainsi réussi à faire payer les habitants d’Indianapolis pour une nouvelle arène.

Le nouveau temple des Rams, le SoFi Stadium de Los Angeles
Le nouveau temple des Rams, le SoFi Stadium de Los Angeles© iStock

Stan Kroenke, honni à Arsenal, sauveur à Los Angeles

Los Angeles est finalement sortie de l’impasse grâce au milliardaire Stan Kroenke, connu en Europe comme le propriétaire honni du club de Premier League d’Arsenal. Kroenke est devenu le principal propriétaire des Rams de Saint Louis en 2010, et s’est retrouvé par la suite dans un conflit permanent avec la ville concernant l’aide financière pour la rénovation du stade. Kroenke est alors séduit par le potentiel économique de LA et rachète en 2013 les restes d’un hippodrome à Inglewood, non loin de l’aéroport LAX. Malgré qu’il soit devenu l’ennemi public numéro un du Missouri, il a continué son projet et convaincu le reste de la NFL avec des plans ambitieux pour l’avenir.

Pour donner une seconde chance à LA de retrouver une équipe de NFL de premier rang, le milliardaire a appliqué la recette des autres équipes sportives de la ville : une politique basée sur la venue stars capables de gagner des titres à court terme. Un succès immédiat était plus lucratif que la stabilité à long terme. Les Rams devaient imiter ce qui s’était produit dans le passé quand les Showtime Lakers ont enchaîné les titres NBA dans les années 1980 et les Kings ont amené Wayne Gretzky, le plus grand joueur de hockey sur glace de tous les temps, en Californie du Sud. De plus, il fallait un stade à la hauteur de l’image de grandeur de la ville. Kroenke a donc ouvert son portefeuille pour la construction du SoFi Stadium dont le coût est estimé à 5 milliards de dollars. C’est tout simplement le stade de sport le plus cher du monde. Le tout sans un centime d’argent public. Kroenke a payé en grande partie de sa poche, mais a également reçu l’aide d’un fonds d’investissement et de la NFL elle-même.

Dès la pose de la première brique, Kroenke voulait plus qu’un simple terrain avec des tribunes où l’on joue 20 matchs par an. Le site entier du stade est donc trois fois plus grand que Disneyland et abrite des installations de restauration, des immeubles de bureaux et des parcs, avec le stade comme centre magnétique. Sur le plan économique, le déménagement à Los Angeles répond pour l’instant à toutes les attentes. Inglewood, autrefois banlieue délabrée et minée par la criminalité, connaît un renouveau en tant que pôle d’attraction pour l’immobilier et les loisirs. Les investissements de Kroenke portent leurs fruits : les Rams valent actuellement environ cinq milliards de dollars, ce qui représente une énorme différence par rapport aux 750 millions qu’il a dû versé en 2010 pour les acquérir.

Stan Kroenke, le propriétaire des Rams qui a remis Los Angeles au centre de la carte de la NFL.
Stan Kroenke, le propriétaire des Rams qui a remis Los Angeles au centre de la carte de la NFL.© iStock

Où sont les fans ?

Malgré la réussite économique, les Rams sont confrontés à d’autres problèmes qu’un nouveau club peut rencontrer. Los Angeles est passé d’aucune équipe à deux en peu de temps, et l’équipe à laquelle les Angelos étaient le plus attachés, les Oakland Raiders, ont déménagé à Las Vegas. Ces derniers n’étaient pas restés longtemps dans la ville, mais ils ont remporté un Super Bowl et ont acquis un statut culte grâce à leur lien avec la scène hip-hop locale.

Le manque d’intérêt du public local était d’ailleurs assez visible contre les 49ers de San Francisco. Même si les Rams étaient sur le point de remporter le Super Bowl, les tribunes étaient plus rouges (couleur des 49ers) que bleues (couleurs des Rams), malgré la présence de toutes les stars d’Hollywood. Ce scénario avait pourtant été anticipé et la vente officielle des billets avait été réservée aux résidents de LA, sans succès. Dans une ville où l’on peut trouver des divertissements à tous les coins de rue, les prix faramineux des billets nécessaires pour rembourser les millions de prêts n’entraînent évidemment pas un engouement important. Les moins de 30 ans n’ont de toute façon aucun souvenir actif des LA Rams 1.0 et ont entre-temps prêté allégeance à une autre équipe, tout comme les nombreux transplants : des Américains qui viennent à LA des quatre coins du pays pour travailler et restent bien sûr fidèles à l’équipe qu’ils soutenaient dans leur région d’origine.

Le moyen le plus rapide de s’implanter est de gagner et de continuer à gagner : celui qui génère du succès reste sous les feux de la rampe et remplit les tribunes. Pendant des décennies, les Clippers, habitués des fonds du classement, sont restés dans l’ombre des Lakers. Ils ont pourtant dépassé ces derniers en devenant plus proches de remporter le titre NBA que leur prestigieux voisin.

Toutefois, à cause de tous les mécanismes d’équité tels que le plafond salarial au sein de la NFL, les Rams pourraient vivre quelques années de vaches maigres malgré leur victoire dans le Super Bowl de ce dimanche soir. Et remporter la plus prestigieuse des coupes du sport américain ne va pas déclencher un coup de foudre immédiat entre les Rams et leur ville, même une veille de Saint-Valentin. Ce sera une relation à construire sur plusieurs générations.

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