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Lindsey Vonn: « Les blessures ont eu un fameux impact sur ma carrière mais je m’y suis faite »

Son père l’a poussée, elle a été accablée par les blessures et subi un divorce houleux mais elle n’a jamais perdu le sourire. Lindsey Vonn (34 ans) est rayonnante pendant sa tournée d’adieux.

« Cher papy, je ne peux toujours pas croire que tu n’es plus là. Je n’ai pas de mots pour décrire ce que tu représentes pour moi et combien je tiens à toi. J’aurais souhaité passer encore beaucoup de temps avec toi mais je chérirai toujours les moments que nous avons partagés. Tu m’a appris à être dure, à être gentille, mais surtout à skier vite. Désormais, à chaque descente, je saurai que tu es avec moi. Je suis fière d’être ta petite-fille et je penserai toujours à toi. Je vais skier pour toi en Corée du Sud et je mettrai tout en oeuvre pour gagner. Veille sur moi, s’il te plaît. Je t’aime, papy. Lindsey.  »

C’était le 10 novembre 2017, dix jours après le décès subit de Don Kildow (88 ans). Lindsey Vonn a épanché son chagrin sur Instagram. Elle a posté une ancienne photo, qui la montre enlaçant son grand-père, en souriant de bonheur.

Les mois précédents, avant les Jeux d’Hiver, elle avait passé des heures avec lui, à écouter ses souvenirs. Au début des années ’50, pendant la guerre de Corée, il était stationné près de Jeongseon, avec le génie américain. En février, sa petite fille allait dévaler les pentes toutes proches du Gariwangsan, en quête de sa deuxième médaille d’or olympique. Son grand-père devait être présent. Car : « Sans lui, je n’aurais sans doute jamais fait de compétition. »

J’ai vu des enfants de 14 ans pleurer parce qu’ils venaient d’être battus par une gamine de dix ans.  » – Lindsey Vonn

Comme son père Alan, Lindsey Caroline Kildow a appris à skier à Milton (Wisconsin), où ses grands-parents exploitaient un petit domaine skiable dans des collines. Elle n’avait que trois ans et ce fut le coup de foudre. Elle a suivi ses premiers cours à Buck Hill, un bled situé tout près de la maison parentale à Burnsville (Minnesota), mais Erich Sailer, son professeur, n’était pas impressionné. Elle dispute sa première compétition à six ans, glissant lentement, les pointes des skis tournées vers l’intérieur. Sailer s’est tourné vers son père :  » Dommage mais ta fille est une tortue.  »

Alan, jadis champion d’Amérique en juniors mais contraint à l’abandon à 18 ans à cause d’une grave blessure au genou, n’a pas baissé les bras. Il était même très déterminé : Lindsay devait réaliser son rêve à sa place. Il a fini par convaincre Sailer.  » Son père la poussait terriblement. Ça fonctionnait car elle avait l’esprit de compétition.  » Comme elle l’a confié plus tard au New York Times, Vonn était un lone wolf. Elle était solitaire.  » Le ski n’était pas le meilleur moyen de se faire des amis. Je gagnais des courses puis je voyais des enfants de 14 ans en pleurs parce qu’ils venaient d’être battus par une gamine de dix ans.  »

Folle de vitesse

Elle s’est régulièrement entraînée au réputé Ski Club Vail (Colorado). Peu avant ses treize ans, en 1997, elle emménage définitivement au Colorado avec sa mère Linda. Son père, ses deux frères et ses deux soeurs suivent un an plus tard.  » Ce fut difficile pour eux. Ils ont dû abandonner leurs copains pour que je puisse m’entraîner à un niveau supérieur. J’ai beaucoup culpabilisé.  »

Elle était tout sauf timorée sur les lattes, raconte son ancien entraîneur.  » Elle avait déjà des affinités avec la vitesse. C’est un peu comme les automobilistes. Certains se sentent bien quand ils roulent à 250 ou à 300 km/h alors que d’autres freinent dès que le compteur approche des 120. Ce don, lié à la manière dont elle planait et à sa concentration, la rendait déjà exceptionnelle.  »

Picabo Street, son idole de jeunesse, a opéré le même constat en 1999, quand Vonn est devenue la première Américaine à s’adjuger le célèbre Trofeo Topolino.  » J’ai rarement vu ça. Une fille de quinze ans qui trouve aussi aisément la fall line, le chemin le plus court et le plus rapide vers le bas. Plus elle allait vite, plus son sourire s’élargissait « , a raconté la championne olympique du Super-G de Nagano (1998).

Les deux femmes s’étaient rencontrées et avaient bavardé quand Lindsay n’avait que dix ans. Le souvenir est resté vivace.  » Elle me regardait droit dans les yeux alors que la plupart des enfants détournaient timidement le regard. Elle me regardait comme si elle voulait apprendre quelque chose. Je lui ai dit qu’elle devait tenter de réaliser ses rêves.  »

Sept ans plus tard, en 2002, elles ont participé de concert aux Jeux de Salt Lake City. Street (30 ans) était la plus âgée de la sélection. Elle s’est occupée de la cadette de l’équipe, âgée de 17 ans, en mère-poule. Elle lui a offert un serre-tête. Elle irait plus vite en attachant ses cheveux.  » Elle avait raison « , a commenté Vonn à l’issue de sa sixième place au combiné (descente et slalom), la meilleure performance de l’équipe féminine américaine.

De Kildow à Vonn

Au village olympique, elle a fait la connaissance de Thomas Vonn, un New-yorkais neuvième du Super-G. Le courant est immédiatement passé. Thomas, son aîné de neuf ans, est devenu son premier petit ami. Son père était dans tous ses états mais sa mère ne voyait pas d’inconvénient à cette relation. Ces discussions interminables ont abouti à un divorce en 2003.

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Le couac a compromis les relations de Lindsay avec son père. L’année suivante, sa visite surprise au Mondial de Bormio l’a complètement déstabilisée.  » Sans cette visite, j’aurais fait mieux que deux quatrièmes places. Ça m’a fait râler « , a-t-elle reconnu des années plus tard.

En fait, les observateurs l’avaient déjà remarqué : elle s’appuyait trop sur son talent intrinsèque. Elle en a pris conscience après une balade en vélo avec la famille d’une autre skieuse, son amie Julie Mancuso, quand elle a été larguée quelques fois. Elle a travaillé davantage, aux côtés de Thomas, qui est devenu son coach, conseiller, manager et psychologue.

Une relation fantastique aux yeux de sa mère. Elle n’avait plus de contact avec son père. Elle ne l’a d’ailleurs pas invité à son mariage en 2007, alors qu’il avait été son premier mentor. Quelques mois avant son union, elle avait gagné ses deux premières médailles d’argent aux championnats du monde, sous le nom de Lindsey Kildow. Mais elle allait entrer dans la légende sous le nom de Vonn, durant la décennie suivante.

Ligaments croisés du genou droit déchirés, grave contusion de la cuisse, commotion cérébrale, fracture de la cheville gauche, fracture de la rotule, du bras droit avec des dommages irréparables aux nerfs, fractures des doigts… La liste de ses blessures est interminable.  » Sans oublier la déchirure du tendon de mon pouce droit, qu’il a fallu recoudre. En 2009, j’ai tenté de sabrer une bouteille de champagne pour fêter mon premier titre mondial à Val-d’Isère. Je n’ai plus jamais essayé.  »

Prendre du plaisir

Elle n’a jamais perdu sa bonne humeur, estimant que les contrecoups faisaient partie du métier, même s’ils lui ont coûté davantage qu’une poignée de médailles olympiques. À Turin, lors de ses deuxièmes Jeux d’Hiver, elle a chuté à plus de 100 km/h, avant la cérémonie d’ouverture. Elle a été évacuée en hélicoptère et les médecins ont craint que sa colonne vertébrale soit brisée.  » Ma carrière est fichue, ai-je pensé. Je n’ai pas imaginé que je risquais en plus de me retrouver en chaise roulante pour le reste de ma vie.  »

La blessure n’était finalement pas si grave. Deux jours plus tard, elle dévalait les pentes avec une hanche froissée et terminait huitième en descente.  » La douleur était insupportable mais j’en ai tiré une leçon : tenter de prendre plaisir à chaque course.  » Les cinq saisons suivantes, elle a surclassé ses rivales. Deux titres mondiaux en 2009 (descente et Super-G), quatre Coupes du Monde (2008-2010, 2012) et le premier titre olympique américain en descente à Vancouver (2010).

Sur le plan privé, ça a été une traversée du désert. Son divorce de Thomas a été très dur. L’épreuve a duré quinze mois. Elle s’est accordé des pauses plus d’une fois, pour se changer les idées, se vider la tête, et en 2012, elle s’est lancée dans une relation très médiatisée avec Tiger Woods.  » Me lancer immédiatement dans une nouvelle aventure n’était sans doute pas très malin mais bon… Thomas était mon premier copain, je n’avais donc pas beaucoup d’expérience « , a-t-elle déclaré en 2015, peu après leur rupture.

Elle a raté les Jeux de Sotchi à cause… d’une blessure. Ses proches ont jugé qu’elle ferait mieux d’arrêter la compétition. Elle avait 31 ans et venait de subir une deuxième opération aux ligaments croisés. Elle constituait déjà une exception dans un sport dominé par les jeunes, voire les ados.  » Ma mère m’a demandé si je voulais encore être capable de marcher quand je serai vieille mais je n’ai pas voulu m’attarder là-dessus. Je me disais que quand ce serait nécessaire, je me ferais placer des prothèses.  »

Pour papy

Elle poursuivait encore un objectif, depuis qu’en janvier 2015, elle avait amélioré le record de victoires en Coupe du Monde (62) d’ Annemarie Moser-Pröll : faire mieux que la légende suédoise Ingemar Stenmark, lauréat à 86 reprises. D’année en année, elle s’est rapprochée du record.

À l’aube de cette saison, son compteur est à 82.  » Ce sera difficile « , a-t-elle reconnu il y a quelques semaines, en annonçant qu’elle raccrocherait au terme de cette saison.  » Les blessures ont eu un fameux impact sur ma carrière mais je m’y suis faite.  »

En début d’année, après avoir enlevé la médaille de bronze aux Jeux de Pyeongchang, elle a dispersé les cendres de son grand-père non loin de la piste.  » Papy serait fier. J’ai le sentiment qu’il m’a accompagnée ici.  »

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