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Les moments de la rédac’: comment Naomi Osaka et Simone Biles ont montré qu’il n’y a pas de mal à ne pas être bien.

Jusqu’au 31 décembre, la rédaction de Sport/Foot Magazine reviendra sur un évènement sportif marquant de l’année 2021. Pour ce dernier jour de l’année, l’on va parler de santé mentale au travers des cas de deux sportives emblématiques : Naomi Osaka et Simone Biles.

Le scepticisme et l’agitation ont été grands lorsque Naomi Osaka, qui avait remporté l’Open d’Australie quelques mois plus tôt, a annoncé avant le début de Roland Garros qu’elle ne donnerait plus de conférences de presse. Selon elle, les questions critiques des journalistes ont eu une mauvaise influence sur sa santé mentale. Immédiatement, comme il fallait s’y attendre, les critiques ont foisonné sur les médias sociaux, même de la part de journalistes chevronnés travaillant pour des magazines de qualité. Osaka protège sa « santé mentale » ? Quelqu’un qui avait déjà remporté quatre tournois du grand chelem ? Il devait y avoir autre chose derrière tout ça : « Par pure paresse, elle cherche un moyen de ne plus avoir à parler à la presse. » , pouvait-on lire. Même lorsque la Japonaise s’est retireé après le premier tour à Paris, en racontant la même version, certains sont restés sceptiques. « J’ai eu de longues périodes de dépression depuis 2018. (…) En tant qu’introverti, j’ai de grosses crises d’angoisse lorsque je dois parler aux médias ». « Comportement de diva de la part d’une star du tennis qui peut cependant apparaître dans sa propre série Netflix et apparaître en bikini sur la couverture de Sports Illustrated », écrivaient acerbes certains médias.

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Ce sont les mêmes commentaires qu’on a relus lorsque deux mois plus tard, Simone Biles abandonnait les Jeux olympiques de Tokyo avouant souffrir de pression mentale et parce qu’elle ne voulait plus mettre en péril sa santé physique à cause de ses « twisties » (un manque de contrôle de son corps) lors de ses exercices de gymnastique. Ce n’est que pour la finale à la poutre qu’elle est revenue et a décroché le bronze, sa meilleure médaille à ce jour , qui vaut peut-être bien plus que toutes ses autres médailles d’or réunies. Pourtant, il a été dit, même par l’un des cocommentateurs de Sporza, qu’elle avait laissé tomber son équipe et qu’elle avait simulé ses problèmes mentaux. Et lorsque l’Américaine a ensuite encouragé bruyamment ses coéquipières sur la ligne de touche, on a entendu : « Elle n’a pas l’air si déprimée. Sa place est sur le tapis, mais elle s’enfuit. Une personne qui se dit étouffée et qui rit maintenant dans les tribunes. Peut-être qu’il y a une raison externe pour laquelle sa tête n’était pas là. »

Justes des humain(e)s

Les hypothèses et opinions découlant de la thèse conservatrice sont bien ancrées : les stars du sport célèbres qu’elles soient hommes ou femmes ne devraient pas se plaindre. Elles doivent être infaillibles et invulnérables, surmonter chaque revers, chaque pression. Elles doivent nous divertir, les médias, les téléspectateurs et sont (grassement) payées pour cela. Et si elles ne peuvent pas le faire, alors elles n’ont pas leur place au sommet (absolu). Le facteur discriminant entre les super champions et les autres est précisément cette composante mentale.

Le fait que, dans le cas de Biles et d’Osaka, il s’agisse d’une jeune femme ayant remporté quatre grands chelems et de la plus grande gymnaste de tous les temps, qui a également été victime d’abus sexuels, a été négligé par les critiques. Tout comme les nombreux autres grands champions, tels que Michael Phelps, le GOAT de la natation, ou Mark Cavendish, le meilleur sprinter de tous les temps, qui avaient déjà témoigné de leurs dépressions mentales ces dernières années.

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Comme si ces célébrités ne pouvaient et ne devaient pas être elles aussi des personnes qui se débattent avec elles-mêmes. Comme si les milliers d’autres athlètes de l’élite n’avaient pas le droit de se sentir mal dans des moments moins importants. Surtout lorsqu’ils sont insultés et jugés sur les médias sociaux, parfois avec des insultes racistes ou à caractère sexuel, voire des menaces de mort.

Athlète de l’année

La différence avec le passé, lorsque ces doutes et ces craintes étaient encore relégués au second plan, c’est qu’Osaka et Biles ont balayé ce tabou d’un revers de la main. Pas entièrement, mais la compréhension de l’importance de la santé mentale d’un athlète (de haut niveau) a pris une place plus importante que par le passé.

Ce n’est pas un hasard si le magazine américain Time a nommé Simone Biles athlète de l’année, même si elle n’avait pas répondu aux attentes purement sportives à Tokyo. Mais parce que, tout comme Naomi Osaka, elle a montré que c’est bien de ne pas être bien et que c’est bien de le dire.

Ce message, dont se sont inspirés de nombreux athlètes mais aussi des gens « ordinaires », a été aussi important, sinon plus, pour l’héritage de Biles en tant que GOAT que toutes ses médailles d’or. Parce que son impact va bien au-delà du gymnase, ou dans le cas d’Osaka, au-delà du court de tennis. Par conséquent, c’est notre moment/message sportif de l’année 2021.

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