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JO de Pékin: place aux Big Brother Games

Les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin débutent dans cent jours. Et suscitent déjà la controverse. On vous explique pourquoi.

Le moment et l’endroit

Les Jeux Olympiques d’hiver débutent le 4 février en Chine, un peu moins de six mois après la fin des Jeux Olympiques d’été au Japon. C’est la première fois depuis 1992 que deux Olympiades ont lieu sur une période aussi rapprochée. À l’époque, les JO d’hiver d’Albertville (organisés pour la dernière fois la même année que les Jeux d’été) avaient pris fin le 23 février, tandis que ceux d’été à Barcelone avaient débuté le 25 juillet.

Cette fois donc, on procède dans l’ordre inverse et le tout a lieu en Asie. C’est la troisième fois d’affilée sur ce continent, après Pyeongchang 2018 et Tokyo 2020-21. Ce n’était encore jamais arrivé dans l’histoire des Jeux Olympiques. Pékin est aussi la première ville à accueillir à la fois les Jeux d’été et les Jeux d’hiver. La cérémonie d’ouverture aura lieu au Nid d’Oiseau, où Usain Bolt avait ébloui le monde entier en 2008.

La plupart des disciplines se disputeront cependant ailleurs que dans la capitale chinoise. Pékin hébergera uniquement le curling, le hockey sur glace et le patinage (artistique et de vitesse). Les épreuves de curling auront lieu au célèbre « Water Cube », transformé en « Ice Cube ». Pour le ski, le bobsleigh et la luge, il faudra se rendre à 75 kilomètres au nord-ouest de la capitale, dans le district de Yanqing. Pour le ski de fond, le saut à skis et le snowboard, il faudra se rendre à Zhangjiakou, à 110 kilomètres. Peut-on donc vraiment encore parler de Jeux de Pékin?

Mesures sanitaires

Les autorités chinoises veulent à tout prix étouffer toute épidémie de coronavirus, aussi minime soit-elle. C’est leur priorité absolue, car elles veulent cultiver leur image d’État infaillible aux yeux du reste du monde. Elles veulent également éviter qu’on dise que les Jeux sont un vecteur de propagation. Les mesures sanitaires seront donc encore plus draconiennes que l’été dernier à Tokyo.

La première version des playbooks auxquels les athlètes, les membres des staffs, les journalistes et tous les collaborateurs devront se soumettre ne sera connue que cette semaine, mais quelques détails ont déjà filtré. Comme à Tokyo, il n’y aura pas de spectateurs étrangers. Même les sponsors et les membres des familles des athlètes ne seront pas autorisés. Les fans chinois, eux, pourront prendre place dans les tribunes, mais ils devront satisfaire à un protocole très strict. On ne sait pas encore combien de spectateurs seront admis, mais ceux-ci seront triés sur le volet.

Tous les acteurs devront rester dans leur bulle. Celle-ci sera encore plus hermétique qu’à Tokyo. Au Japon, les collaborateurs du village olympique pouvaient rentrer chez eux chaque jour, ce qui a d’ailleurs provoqué deux-tiers des cas de coronavirus enregistrés pendant les Jeux. À Pékin, ce sera interdit.

Les Chinois veilleront aussi à bien séparer les contacts entre les athlètes, les arbitres, les journalistes et les collaborateurs-volontaires, tout comme ceux avec la population. À cet effet, ils ont mis au point un « circuit fermé » avec un système de transport propre à chaque groupe pour effectuer les déplacements entre les centres d’entraînement ou de compétition et les lieux d’hébergement. L’été dernier, les couloirs et les toilettes des 39 centres de compétition ont même été élargis ou réaménagés, histoire d’empêcher toute interaction. Dans les espaces médias, les journalistes devront interviewer les athlètes derrière des séparations en plastique.

À l’intérieur des bulles, chacun sera testé chaque jour. On affirme même que les athlètes devront porter un thermomètre sur eux toute la journée. Une alarme retentira en cas de fièvre… Pourtant, seuls les athlètes et coaches vaccinés pourront entrer dans une bulle. Une exception peut être faite pour raisons médicales, mais l’athlète devra alors observer une quarantaine de 21 (! ) jours. Le message du gouvernement chinois est clair: « Nous sanctionnerons sévèrement toute menace pour la santé nationale et la sécurité. » Big Brother will be watching

Genocide Games

Le slogan de Pékin 2022 est: Together for a Shared Future. Le CIO veut utiliser la force des Jeux pour répondre en communauté aux défis globaux, comme la pandémie. Les Jeux sont pourtant loin de faire l’unanimité. Outre les mesures sanitaires, on parlera aussi beaucoup, au cours des prochaines semaines, des protestations contre les atteintes aux droits humains en Chine. Des organisations comme Human Rights Watch et même certains gouvernements étrangers ont déjà qualifié l’attitude des Chinois face aux Ouïghours dans la région autonome de Xinjiang de génocide. Cette minorité musulmane est retenue dans des camps d’internement. Le Parti Communiste Chinois de Xi Jinping parle de « centres d’entraînement destinés à éradiquer l’extrémisme islamiste ». Il considère dès lors toute accusation comme une « tentative de politiser le sport et les Jeux ».

Comme lors des JO de Pékin 2008, qui suscitaient la polémique en raison de la répression de la population au Tibet, le CIO se tient à l’écart de toute discussion.

C’est pourquoi, outre les organisations luttant pour les droits humains, des politiciens australiens, canadiens, britanniques et américains en appellent au boycott des Jeux. Mais celui-ci se limitera certainement aux sponsors et à la diplomatie, de nombreux pays n’envoyant pas de hauts dignitaires en Chine. Un boycott complet pénaliserait en effet les athlètes.

Comme lors des Jeux Olympiques de Pékin 2008, qui suscitaient la polémique en raison de la répression de la population au Tibet, le CIO se tient à l’écart de toute discussion. Il ne prend jamais position en matière de politique ni d’affaires sociales dans un pays hôte. « Les organisateurs chinois nous ont garanti qu’ils respecteraient les principes olympiques, y compris les Droits de l’Homme et la liberté de la presse », dit-il. Cela n’empêchera pas les mouvements de protestation, comme la semaine dernière lors de l’allumage de la flamme olympique en Grèce. Les observateurs se demandent aussi ce que les Chinois et le CIO feront si un médaillé monte sur le podium avec un slogan Free Xinjiang ou Free Tibet. Il y a toutefois peu de chances que quelqu’un prenne ce risque…

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